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Mes Univers
17 novembre 2012

Le Manoir des Ombres, Quatrième Partie :

A

A ce propos, il me revient à l’esprit que l’autre partie de mon manuscrit relatif à la Timée de Platon se trouve sur le pupitre accolé au bureau derrière lequel je suis actuellement assis. Si je le mentionne, c’est que l’Agamemnon d’Eschyle m’a été très utile à la rédaction de plusieurs de ses paragraphes. Celui-ci se réfère en effet à diverses reprises à la Timée, et à son ultime chapitre évoquant la destruction du Continent Atlante. Il évoque aussi le « Critias » de Platon, qui lui, détaille avec une exactitude quasi-photographique la topographie de cet Empire perdu. Il définit l’emplacement de ses plus grandes cités, la multitude de ses populations, ainsi que leur hiérarchie, leur mode de pensée, leurs arts ou leur culture. Enfin, il explique – et c’est ce passage qui m’intéresse le plus -, avec une précision incroyable leur engloutissement par les gigantesques vagues consécutives au tremblement de terre dont cette partie du monde a été victime il y a plus de 10 000 ans de cela selon les dires du narrateur.   

Malheureusement, le texte du Critias – comme celui de la Timée – est incomplet. Le récit originel de Platon a été partiellement détruit lors de l’incendie de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie en 48 avant J.C. Et malgré tous mes efforts pour essayer de retrouver la trace de ce fragment manquant, je n’ai jamais réussi. Je suis pourtant certain que celui-ci pourrait me fournir des informations passionnantes sur cette terre de Légende. J’ai entendu mon Père dire une fois, il y une cinquantaine d’années, qu’un membre de notre Lignée en aurait eu un exemplaire entre les mains ; d’après lui, c’était à la fin du XIIème siècle, alors qu’il séjournait au palais du Calife An-Nasif de Cordoue. Mais, hélas, malgré mes différentes tentatives au cours des années qui ont suivi pour interroger Anthëus à ce sujet, il n’y a jamais de nouveau fait allusion.

Des extraits de l’Agamemnon se référant à Platon, se retrouvent dans de nombreux ouvrages que j’ai entassés au fil des années sur les étagères de ma Bibliothèque. Ces derniers ne sont pourtant pas les seuls que j’ai utilisés pour étoffer mon étude sur la Timée et le Critias. Des dizaines d’ouvrages consacrés à l’Occultisme en parlent. Des manuscrits Esotériques fondent en partie leurs théories les plus débridées sur les interprétations qu’ils en font. Ainsi, le Manuscrit de Voynich, dont je possède une copie, s’en inspire. D’après mes souvenirs, il est rangé sur une des tablettes situées à l’angle Nord de ma Bibliothèque ; un des secteurs du second étage qui fait le tour de mon Bureau dans lequel je ne vais pratiquement jamais. Je n’ai pas dû l’ouvrir depuis au moins trente ans ; malgré tout, je garde un souvenir vivace de ses diagrammes Alchimiques. Je visualise encore parfaitement les citations issues de l’Enéide qui se mêlent à ses récits hermétiques. La plus emblématique est celle-ci : « Tu m’a ouvert de nombreuses Portes. » Je pourrais aisément décrire les pentacles qui sont représentés sur quelques une de ses 272 pages. Ces derniers sont en effet nécessaires aux soit disant Incantations Magiques dont beaucoup de Sorciers des temps jadis se sont servi afin d’en appeler aux Esprits de l’Au-delà ; en vain bien entendu, puisque la plupart étaient des charlatans patentés. Quelques autres les ont utilisé afin de mettre en pratique le Grand Œuvre : hantés par l’idée d’aboutir à la création de la Pierre Philosophale, ils ont reproduit leurs tracés, en oubliant toutefois que les vingt-six feuillets les plus importants de cet ouvrage manquent. Il faut bien sûr savoir qu’ils ont disparu peu après sa rédaction, il y a plus de 450 ans maintenant.

Comme mes prédécesseurs, je n’ai jamais pu me procurer ces vingt-six pages manquantes. Mais, en ce qui me concerne, l’essentiel se trouve dans ses écrits évoquant l’Agamemnon d’Eschyle, ainsi que les extraits du Critias et de la Timée que j’analyse. Mon traité se base sur ces récits, et j’ai dû exploiter toutes les ressources de ma Bibliothèque dans ce but.

Car, outre le Manuscrit de Voynich, j’ai lu l’Asdlepius, qui décrit les étranges Pouvoirs des habitants de l’Empire Atlante, de Mu, de l’Hyperborée ou de la Lémurie. Je possède un fac-similé du Grimoire d’Agrippa, dont on prétend qu’il est vivant et qu’il est quasi-impossible de lui arracher ses Secrets tant qu’on ne l’a pas dompté. Je peux assurer que c’est faux puisque je l’ai consulté des dizaines de fois. Le fameux Livre d’Abraham est rangé pareillement aux précédents que je viens de citer, à l’étage, et dans un des recoins les plus sombres et les plus isolés de ma Bibliothèque. Il s’agit du fameux manuscrit que Nicolas Flamel a eu entre les mains. Rédigé entièrement en grec ancien, constitué de déliées écorcées, il montre les figures qu’il faut évoquer pour la mise en application du Grand Œuvre. Ailleurs est entreposé le Dragon Rouge ; un grimoire permettant à celui qui le décrypte d’ouvrir des « Portes » entre les Mondes, de voyager à travers l’Espace et le Temps. A deux ou trois travées de là, plongé dans la pénombre et certainement enseveli sous des monceaux de poussière, j’ai mis à l’abri le Malleus Maleficarum. Son autre titre est « le Marteau des Sorcières ». Et il traite des moyens d’entrer en contact avec les Diables et les Démon.   

Je m’arrête là dans l’énumération des innombrables traités Occultes et Esotériques que recèlent les lieux. Il serait trop fastidieux de les énumérer tous. Et ce n’est pas l’objet de ce descriptif. D’autant que ma Bibliothèque est loin d’être uniquement consacré à des traités de ce genre. Ils sont majoritaires parce qu’ils m’aident depuis toujours à tenter des retrouver la trace des Membres de ma Famille à travers les Siècles. Ils me fournissent de précieux indices, si minimes soient t’ils, pour identifier ceux de ma Race qui appartiennent à la Lignée des Montferrand. Ils m’indiquent éventuellement quel rôle ceux-ci ont joué dans tel ou tel événement historique ; qu’il soit lointain ou plus récent. Et c’est parce que j’ai la conviction qu’il est possible que mes Ancêtres les plus éloignés de notre époque ont pu être en contact avec les ouvrages que je viens de nommer, que je tiens tellement à les décrypter à mon tour. C’est parce qu’ils les ont éventuellement aidé à remonter jusqu'aux Origines de notre Clan que je me dois, à mon tour, d’en faire de même.

Car, il faut bien l’avouer, ce ne sont ni Anthëus, ni Vÿvien, ni mes Frères et mes Sœurs, depuis près de 200 ans que je les côtoie, qui m’assistent pour cela. Je dirai au contraire qu’ils évitent le sujet, qu’ils me fuient comme la peste dès que je l’audace de l’aborder. Ils m’invectivent ou se moquent de moi quand j’essaye de les interroger sur leur passé. Pourquoi sont t’ils plus âgé que moi, alors que mes premiers souvenirs remontent aux années 1820 ? Qu’est ce qui fait de nous des êtres différents du commun des Mortels ? Quelle est la cause de notre spécificité ? D’où venons-nous ? Pourquoi possédons-nous des Capacités qui, autrefois, nous auraient condamnés au bucher ? Qui nous en fait Don, et dans quel but ?  Je n’ai jamais eu de réponse à toutes ces questions, et à toutes les autres que je me pose continuellement.

Je me demande la raison de tout ceci ; le but de mon existence. Qu’est ce qui fait que je me suis réveillé un jour de l’année 1823 avec l’apparence que j’ai aujourd’hui ? Pour quelle raison je ne me souviens plus de ce que j’ai vécu avant cette date. Que faisais-je, à ce moment là, allongé dans le lit de la chambre qui est à coté de la pièce où j’écris ces lignes ? Aucun membre de la Famille Montferrand n’a jamais voulu me donner la moindre explication. J’ai la vive impression que chacun d’eux se contente d’être ce qu’il est. Ils profitent de leurs spécificités pour tirer parti des Humains. Ils vivent entre eux, se considérant comme les membres d’une Race Supérieure. Ils utilisent les Hommes et les Femmes du commun qui ont le malheur de croiser leur route. Ils les exploitent sans vergogne, avant de les rejeter comme des Inférieurs. Et ils continuent à abuser de leurs privilèges sans s’interroger sur les raisons de tout cela.

Je soupçonne malgré tout Anthëus et Vÿvien d’en savoir plus qu’ils ne veulent bien l’admettre. Ils sont les Patriarches de la Famille Montferrand. Au cours de mes recherches à leur sujet, j’ai appris un certain nombre de faits sur lesquels je reviendrai plus tard. Mais je n’ai jamais pu avoir une conversation digne de ce nom avec l’un ou l’autre à ce propos. Tout au plus, a diverses reprises, quelques vagues allusions sur l’époque où notre Maisonnée était enracinée à Tolède. C’était aux alentours des années 1150, comme je l’ai déjà mentionné. Une fois, mon Père n’a fugitivement dit que l’emblème Familial avait été modifié au cours environs de 1730 à la suite d’une scission au sein de la Lignée. Il semble d’ailleurs que c’est à cette époque que mon Père et ma Mère se sont éloignés des autres membres de notre Race. Or, j’ai beau eu insisté à diverses reprises pour avoir des explications supplémentaires, ils n’ont pas désiré me faire partager leurs souvenirs :

« Cela ne te concerne pas, me répète Anthëus dès que j’essaye de l’attirer sur ce terrain. C’est oublié. C’est une page de l’Histoire des Montferrand qui est définitivement tournée. Et il n’y a pas à y revenir. En reparler ne ferait que rouvrir de vieilles blessures qu’il est inutile de raviver. ».

Avant de s’éloigner de moi comme si j’étais un pestiféré qui venait de l’entrainer dans un traquenard dont il avait eu du mal à s’échapper.

Il n’y a eu qu’une occasion où ma Mère a lâché une phrase qui a davantage exacerbé ma curiosité et mes interrogations que soulagé ma conscience :

« Ne lui en veux pas, m’a-t-elle dit. Tu es le plus jeune d’entre nous, celui qui n’a pas été corrompu par le poids du souvenir. Le Don dont nous sommes les détenteurs n’a pas insufflé son venin en toi ; et je souhaite que cela n’advienne jamais. Ton Père non plus. Alors, Nathanÿel, ne te préoccupe plus de ces choses. Et, comme tes Frères et Sœurs, profite de cette chance qui est la tienne.

Même si tu peux penser que ceux-ci se comportent souvent comme des nantis et des profiteurs, ne les juge pas trop sévèrement. Tu ne sais pas par quelles épreuves ils sont passés. Pour certains, les siècles qu’ils ont traversé n’ont pas été de tout repos ; loin de là. Et ton Père et moi ne souhaitons pas que tu aie à affronter le Destin qui a été le leur. En tout cas, nous ferons tout ce qui est en notre Pouvoir pour l’éviter. ».   

Ces paroles ne m’ont pas découragé pour autant dans ma recherche de la Vérité. Et aujourd’hui encore, je suis inlassablement les maigres indices que les textes anciens que j’ai accumulé au fil des décennies me dévoilent. Et si je suis si acharné à décrypter des ouvrages comme l’Agamemnon d’Eschyle, le Critias et la Timée de Platon, le Manuscrit de Voynich ou le Malleus Maleficarum, c’est parce qu’ils recèlent dans leurs pages des traces de leur existence passée.

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