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Mes Univers
21 mai 2015

Chapitre Un, Dix-huitième partie :

 

A- Qui plus est », avait écumé Maître Anthelme. « Ce n'est pas parce que Nathanÿel sera Novice que les Frères qui en auront la charge l’empêcheront de vous visiter. Les sorties sont autorisées. Elles sont restreintes ; elles sont contrôlées. Mais, elles ne sont pas interdites. Je suis convaincu que, lorsque vous vous baladez dans le quartier Sainte-Gènes, vous croisez parfois de futurs Frères !

- C'est vrai ! », avait énergiquement protesté ma mère. « Je croise de temps en temps des futurs Frères en ville. Et je n'en éprouve nul plaisir. Leurs yeux timides, leurs visages blafards, leurs poignets tatoués, leurs doigts efféminés, me scandalisent. Et je ne suis pas la seule ! Combien de pétitions les concernant Sÿxte a reçues ? Combien de lettres de ses sujets demandant à notre Sieur d'emmurer les membres de cette secte dans leur forteresse a-t-il réceptionné ? Des centaines ? Sans conteste ! Et vous supposez que je veux que mon fils leur ressemble ?

Vous savez, je ne suis pas aveugle ! Je détecte très bien les regards haineux et méprisants lancés à Nathanÿel. J'enregistre les « Reluquez-moi ce drôle ! », les « Matez-moi cette graine d'incapable ! », ou les « Encore un rebut de l'Humanité promis au Noviciat. » Vous rendez-vous compte de ce qui arriverait si mes collègues, si mes contacts professionnels, ou si mes proches, apprenaient que Nathanÿel n'a pas d'autre choix que de se transmuter en l'un de ces dépravés ? Aelÿs, Nÿcoeus, ou vous, avez-vous envie que l'on me conspue ? Rêvez-vous de me voir ridiculisée ? Ou aspirez-vous à ce que mon entreprise – ou celle de Spencer – périclite ? Envisagez-vous que je sacrifie ma carrière, mes revenus, mon statut social, à cette vermine ? Car, si j'adhère à votre solution, croyez-moi, c'est ce qui va advenir ! Et c'est inacceptable ! Je ne supporterai pas votre chantage ! Et je me fiche de ce que Aelÿs ou de ce que Nÿcoeus ont prévu pour Nathanÿel. Cela ne se réalisera pas !

- Madame ! », s'était alarmé Maître Anthelme. Il avait bondi, comme si on l'avait frappé violemment. « Ne vous engagez pas dans une telle aventure. Je vous en supplie. Au cours de notre échauffourée verbale, je vous ai fait beaucoup de confidences. Je vous ai explicité que Nathanÿel n'est pas un enfant ordinaire. Je vous ai illustré à à quel point son Don est puissant. Vous n'avez pas d'alternative ; il vous faut l'assumer tel qu'il est. Ce n'est pas en le calomniant ou en le réprouvant que vous le remodèlerez. A l'inverse, vous ne ferez qu’aggraver la situation !

Par ailleurs, contrer Aelÿs où les Frères sous sa tutelle ne vous mènera nulle part. Si ce Postulant a posé les yeux sur votre fils, c'est qu'il croit en lui. S'il envisage sérieusement, malgré son jeune age, de l'adopter en tant que Novice, c'est qu'il a des projets pour lui. Des projets qui nous dépassent, vous et moi. Et refuser l'honneur qu'il lui octroierait ne l'en rendrait que plus déterminé à en faire un Novice. Puis, attiserait son courroux et son ressentiment contre vous. Or, par expérience, je vous certifie qu'il ne gracie pas ceux qui l'ont contrarié. Et qu'il les poursuit de sa vindicte jusqu’à les annihiler définitivement.

Avant de clôturer notre débat, je ne peux donc que vous préconiser ceci : ne vous mettez pas Aelÿs à dos. Vous y laisseriez plus que votre emploi ou votre rang. Aelÿs, Nÿcoeus, comme tous les Frères de cette Citadelle Tellurique – et de la plupart – sont dangereux. Extrêmement redoutables. Ils ont une influence prodigieuse. Que ce soit ici, à Lyon, à Nantes ou à Paris, ils ont des espions partout. De Londres à la Nouvelle-Amsterdam, ils ont des correspondants des deux cotés de l'Atlantique. Ils en ont même dans l'entourage intime de notre souverain. Et si vous les défiez, ils vont vous broyer. Je les ai déjà vu à l’œuvre. Je sais jusqu’où ils sont prêts à aller pour imposer leurs desseins. Ils ne reculeront devant aucun écueil.

Alors, si vous souhaitez préserver votre univers, si vous chérissez votre mari, vos parents, votre cadre de vie, ne les provoquez pas. Après tout, il y a des perspectives plus terrifiantes que celle-ci. Quand je pense qu'il y en a qui vendraient leur âme aux dieux infernaux d'Indarÿth afin d'être choisi comme Novice ! ».

Stupéfaite par les ultimes mots de Maître Anthelme, ma mère n'avait su quoi objecter. Elle qui avait toujours eu la diatribe facile, elle était demeurée sans voix. Son esprit s'était mis à fonctionner à toute vitesse : ses airs supérieurs n'impressionnaient pas son interlocuteur. Ses prétentions, respectées à l'accoutumée comme de légitimes commandements, étaient bafouées. Que ses inébranlables vérités à mon sujet étaient rudoyées. Maître Anthelme lui avait démontré que j'allais échapper à son emprise. Et qu'elle ne pourrait pas l’éviter. Dès lors, de sombres sentences s'étaient esquissées : « Ce jean-foutre va se soustraire à mon autorité. », avait-elle ruminé.

Des larmes s'étaient alors mises à ruisseler le long de ses joues. Elles avaient bientôt laissé place à des torrents incontrôlables. Ses doigts s'étaient mués en serres. Ils avaient ratissé le porte-document, les stylos, les papiers, l'ordinateur, et les bibelots éparpillés sur son bureau. Puis, ils les avaient expédiés contre le paravent vitré. Sous le choc, celui-ci avait éclaté. Et ses bris s'étaient égaillés dans toutes les directions.

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