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Mes Univers
24 février 2016

Le harcèlement scolaire

X1Je reviens une fois encore sur la question soulevée avant-hier concernant la violence scolaire ; et dans un ordre général, sur la violence tout court.

J'ai l'impression que beaucoup de personnes ne comprennent pas que celle-ci ne mène à rien. Hier, la même commentatrice que le jour précédent a fait remarquer : « Quand on touche à mes enfants, je suis une lionne, et je sors mes griffes. ». Tout est dit dans cette phrase. On sent l'animal qui sommeille, le retour à l'état bestial, inhumain, sauvage, dont j'expliquais le tenants et les aboutissants dans mon texte d'hier. Comme s'il n'y avait pas d'autre moyen que d'être aussi stupide et enragé que celui qui a porté le premier coup, pour se faire entendre et respecté.

Comme l'a très bien dit une autre interlocutrice concernant la violence scolaire dont j'ai été victime enfant, et qui a lancé ce débat, il y a d'autres moyens. Et aujourd'hui, davantage qu'hier, et en particulier à l'époque où j'étais enfant ; c'est à dire, dans les années soixante-dix et quatre-vingt. A cette époque, il n'existait pas toutes les structures, toutes les associations, toutes les informations, qui sont à portée de main aujourd'hui. En outre, à cette époque, ce n'était pas un sujet qui était mis sur le devant de la scène publique. Les autorités ne s'en préoccupaient pas. Le contexte, en ce qui me concerne, était différent de celui qui apparaît en 2016. Et ceci explique également pourquoi je n'ai pas réagi de la manière qu'un enfant réagirait aujourd'hui, en se référant à ses professeurs, à sa famille, ou à une assistante pédagogique, par exemple.

Evidemment, aujourd'hui, peu d'enfants font de démarches envers les adultes. Les adolescents, peut-être un peu plus, avec du temps, de la confiance. Par ailleurs, comme la société est informée des procédés de harcèlement, celle-ci est plus attentive, réagit plus promptement et plus efficacement. Ce qui n'était pas possible vingt ou trente ans plus tôt. Et dès qu'il y a un soupçon de maltraitance, il est aisé de mettre l’éducation Nationale et la machine judiciaire en route. Est-ce que cela aboutit à un résultat satisfaisant pour l'enfant harcelé, choqué, martyrisé ? Pas toujours, malheureusement. Mais les instruments ont le mérite d'exister. Est-ce que les parents de l'enfant concerné sont soulagés ? Pas forcément également. Ils demandent justice, ils souhaitent se venger de celui, de ceux, qui ont fait du mal à leur enfant. C'est humain. Et quand on y réfléchit, même avec toute la bonne volonté du monde de la part des autorités compétentes, je ne suis pas certain qu'ils soient un jour satisfait du résultat.

Mettre l'enfant ou les enfants qui ont maltraité le leur sera-t-il utile, autant pour ces derniers que pour la victime ? Cela les aidera t-il à prendre conscience de l'énormité de leur forfait ? Cela les remettra t-il dans le droit chemin ? Est-ce que punir leurs parents, via la justice, apportera t-il un bienfait ? Je ne le pense pas. Car, là, nous parlons de vengeance, et non de réparation. Car, d'une manière ou d'une autre, rien ne viendra réparer le mal qui a été fait à celui qui a subi la vindicte de ses agresseurs. Cela ne soulagera pas non plus ses parents.

Pas plus que d'user de violence à leur encontre. Quel sera l'engrenage dans ce cas ? Mon enfant a été frappé. Donc, il a droit de frapper le tien, voire un peu plus fort que celui-ci, afin de montrer qu'il peut, qu'il doit, se faire respecter. De ce fait, l'agresseur devient l'agressé. Il a donc le droit, le devoir, de se défendre avec ses poings, un peu plus vigoureusement que précédemment. Pourquoi ne devrait-il pas, ne pourrait-il pas, sortir une arme, un couteau par exemple, pour montrer qu'il a les moyens de se faire respecter. Blesser son agresseur afin de lui montrer qu'il ne se laisse pas intimider. Puis, tant qu'à faire, l'autre peut, doit ?, se protéger avec une arme plus puissante, un pistolet ou un fusil. Tirer s'il se sent menacé ; le tuer éventuellement.

C'est cela que l'on veut apprendre à nos enfants en ce qui concerne les rapports sociaux qu'ils ont avec les autres. Pourquoi pas leur apprendre cette façon de réagir dès la maternelle, la primaire, et encore plus au collège, au lycée. Et puis, pourquoi, si on leur a expliqué que c'était la meilleure manière de montrer comment se faire respecter, n'en feraient-ils pas autant devenus adultes ?

Est-ce cette société que nous voulons pour nos enfants ? Je ne l'espère pas. Pourtant, c'est celle vers laquelle nous nous dirigeons inéluctablement. Il n'est pas rare que les journaux rapportent désormais des cas de violence extrême dans les lycées, les collèges, voire les écoles primaires, et plus exceptionnellement, dans des maternelles. Ce phénomène n'existait pas il y a quelques années. Il est assez récent, mais de plus en plus visible, de plus en plus régulier. Ce qui était cantonné aux universités américaines, comme le drame de Colombine, arrive progressivement chez nous. Et on accepte que cette violence demeure et enfle.

Et les parents, parce que ce sont eux les responsables en fait, approuvent. Mais là, il s'agit d'une question d'éducation. Beaucoup de facteurs entrent en jeu à ce propos : manque d'autorité, fatigue, travail épuisant empêchant de s'occuper correctement de sa progéniture, permissivité conduisant à la notion « d'enfant roi », et qui a lui donne droit à tout, qu'il ne faut pas gronder, auquel on ne doit rien refuser sous prétexte qu'il ne faut pas le traumatiser. Aussi, parce qu'enfant soi-même, on a été marqué par l'autoritarisme de ses parents et qu'on ne veut pas renouveler ce comportement avec les siens. Parfois aussi, parce que son enfant nous voit nous « engueuler avec sa compagne ou son compagnon assez souvent, en venir aux gestes violents éventuellement. Ou encore, quand l'un des parents dit non, et que l'autre dit oui, que cet enfant profite de l'incohérence en matière d'éducation pour n'en faire qu'à sa tète. Alcool, drogue, enfants laissés livrés à eux-mêmes le plus souvent, j'en oublie certainement.

Il y a tant de facteurs qui amènent certains enfants à être des agresseurs, et d'autres des victimes. Mais là, je considère que ce sont les parents qui n'ont pas fait leur travail de parents, qui sont les véritables responsables de cette situation ; y compris vis-à-vis des agresseurs. Si ceux-ci leurs avaient enseigné les bases fondamentales du respect et du savoir-vivre en société, s'ils les avaient surveillé, expliqué ce qu'il était permis de faire ou de ne pas faire lorsqu’on était en désaccord avec un contradicteur, que certains jeux conduisant à la persécution d'un camarade était inacceptable, ce genre de situation n'existerait pas.

Donc, les parents sont ceux qui doivent se remettre en cause en premier. Et lorsqu'on dit « je suis comme une lionne, et je montre mes griffes », c'est exactement être aussi coupable que l'agresseur. Parce qu'on encourage de répondre à la violence par la violence, jusqu’à ce que cet engrenage fatal aboutisse inévitablement à un drame encore plus grand que le simple harcèlement scolaire. C'est se transformer, je le répète, en animal aussi barbare et monstrueux que celui qui a agressé.

A notre époque, je le répète parce que ça n'a pas l'air d'être suffisamment ancré dans l'esprit de certains et de certaines, il y a des outils susceptibles de venir en aide – même relative – aux enfants et adolescents qui sont confrontés à ce genre de fléau. Néanmoins, au-delà de cela, pour l'avoir de nouveau croisée par la suite, j'ai réalisé que, moi aussi, seul, je pouvais tenir tête à des personnes qui essayaient de m'intimider, ou qui étaient agressifs physiquement ou verbalement envers moi. Comme quoi, parfois, il suffit de peu pour déclencher l'animosité : la peur, l'inculture, le manque d'intelligence, le fait de faire appel à ses émotions plutôt qu'à sa raison, etc.

Ces notions sont à la base de l'intolérance, de la discrimination, du rejet, des moqueries, des souffrances, dont j'ai été l'objet plus tard ; thèmes sur lesquels je reviendrai amplement tout le long de mon autobiographie. Malgré tout, ces expériences éprouvantes m'ont appris une chose essentielle : ne pas être effrayé par les personnes qui se comportent ainsi. Car, comme je l'ai déjà brièvement évoqué dans mon texte précédent, je les plains plus que je le crains. Je suis triste pour elles qu'elles n'aient trouvé que ce moyens pour s'exprimer, ou pour évacuer tout ce mal être qu'elles emmagasinent en elles. A mes yeux, c'est consternant de se laisser envahir par la haine, le ressentiment, l'animalité qui sommeillent en elles, et qu'elles laissent sortir pour se prouver qu'elles existent.

Pour ma part, avec ce que j'ai vécu, et après avoir réfléchi sur les causes et les conséquences de cette violence qui est une salissure, une dégradation, un appauvrissement, une batardisation de notre Humanité, j'ai à chaque fois usé de ma volonté, de ma force intérieure, de mon intelligence, de mes connaissances, pour ne pas me laisser influencer par elle. Et, pour les rares fois où je l'ai côtoyée, où des personnes ont tenté de me provoquer et de m'amener sur son terrain, je ne lui ai pas cédée. Généralement, j'ai rétorqué ceci à l’individu ou aux individus qui me provoquaient : « Vas-y frappe-moi, n'ai pas peur, je ne me défendrai pas. Je ne lèverai pas le petit doigt sur toi. Tu peux me mettre à terre, me bourrer de coups, me faire saigner, me blesser. Je ne réagirai pas. Par contre, sache une chose : tu es devant moi et je t'observe attentivement. Je sais qui tu es, ta physionomie, ce qui te caractérise – cicatrices, boucles d'oreilles, couleur des cheveux, etc. Je sais comment tu es habillé, ta façon de parler, de te déplacer. Je t'ai bien détaillé. Donc, une fois que tu m'auras battu, je me rendrais à l’hôpital pour faire constater mes blessures. Ensuite, j'irai au commissariat porter plainte contre toi. J'expliquerai le déroulement des faits, qui tu es, tout ce qui peut aider la police et la justice. Je ferai cela sans haine ou ressentiment. Uniquement parce que tu t'en ai pris à moi. Et là, tu risque d'avoir des ennuis. ».

Je peux assurer le lecteur ou la lectrice qui lit ces lignes que la ou les personnes qui étaient prêtes à être violents avec moi ont immédiatement été stoppés dans leur élan. Après avoir bafouillé quelques menaces supplémentaires, j'ai renchéri en répétant sans élever la voix, sans menace, ce que je ferais ensuite. Puis, la queue entre les jambes, un regard noir dans ma direction, elles se sont éclipsé. Et elles ne sont plus jamais venu s'en prendre à moi. Et je peux affirmer que j'aurai tenu parole ; je n'aurai aucunement hésité à mettre en pratique mes dires.

Deux ou trois fois, jusqu’à aujourd'hui, j'ai été face à ce genre de situation. A chaque fois, j'ai agi de la même manière. Et à chaque fois, ces personnes ont réagi à mes propos de la même façon. Pourtant, Dieu sait que je me suis aventuré parfois dans des lieux glauques et mal famés ; notamment quand j'habitais Paris. Entre 1999 et 2002, j'y reviendrais aussi dans mon autobiographie, j'ai vécu à Saint-Denis. Quand je sortais en ville et que je revenais chez moi vers minuit ou une heure du matin, dans l'obscurité et hors de la foule des transports en commun, il m'est arrivé de croiser des bandes de « voyous ». De plus, la grande majorité du temps, j'étais en costume-cravatte ; et quand je revenais de Paris, j'avais souvent des sacs d'achats de livres, DVD, etc. Il ne m'est jamais rien arrivé, parce que sur mon visage se lisait que je n'étais pas sensible aux « petites frappes » qui auraient éventuellement voulu me chercher des embêtements. Et aujourd'hui, je réagirai de la même manière qu'alors.

C'est le principal enseignement que j'ai tiré de ces années de scolarité où j'ai été le souffre-douleur de certains de mes camarades. Et si, un jour, j'ai des enfants, c'est ainsi que je leur apprendrai à se défendre contre ceux et celles, qui, peut-être, essayeraient de s'en prendre à eux. Mais, en tout cas, pas en répondant à la violence par la violence. Car celle-ci n'est qu'une marque de faiblesse, de médiocrité, de démission, de lâcheté. Rien de plus, rien de moins. Et moi, je ne suis rien de cela ; et je ne souhaite pas que mes enfants soient aussi cela. Jamais…

 

Dominique

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