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Mes Univers
11 mai 2016

autobiographie, pages 153 à 155 / 312

X1Cette soirée d’anniversaire a été l’une des pires de ma vie. Et pourtant, j’ai connu quelques soirées d’anniversaires mornes ou désastreuses. Il faut savoir que, depuis que je suis jeune, je n’ai jamais bu une goutte d’alcool. Un : parce que ce n’est pas dans mes habitudes. Mon père ayant été un peu porté sur la bouteille, même si ce n’était pas un alcoolique avéré, loin de là, c’est un aspect qui, dès ma plus tendre enfance, a fait effet de répulsif. Malgré tout, une bouteille de whisky pouvait lui faire entre deux ou trois jours, à force d’apéritifs répétés. Et il était d’autant plus colérique, énervé, lorsqu’il avait vidé ses verres. Comme je l’ai déjà expliqué, durant mon enfance, ces colères m’ont toujours particulièrement impressionné et tétanisé. Ils sont restés gravés dans ma mémoire jusqu’en 2004, et je me sentais démuni, impuissant, incapable de m’exprimer, face à elles.

 

Je n’ai jamais fumé, ni cigarettes ni autre chose, pour la même raison. En effet, mon père était également un grand fumeur : entre un paquet et demi et deux paquets par jour. D’ailleurs, il y a deux ans, c’est ce qui a fini par le tuer. Cela m’a dissuadé de suivre un chemin semblable, malgré que nombreux de mes amis ou connaissances fumaient. Un jour, je me rappelle aussi, alors que j’avais une douzaine d’années, mon père a tenté de m’initier à son addiction aux cigarettes. J’ai trouvé cela infect. Et jamais je n’ai été tenté de renouveler l’expérience. Pareil en ce qui concerne l’alcool. Si il y a un point où je j’ai déçu, parmi tant d’autres, c’est le fait que je ne boive jamais d’apéritif au cours de nos réunions de famille, ou de vin à table. Pour les raisons que j’ai évoquées quelques lignes plus haut. Mais également, et surtout, parce que je détestais le gout de l’alcool – et quelle que soit la boisson concernée – dans ma bouche. Ni vin, ni bière, ni cocktails, ni champagne. Au grand désespoir de mon père, j’y étais indéfectiblement réfractaire.

 

Or, et c’est là où je veux en venir, le soir de cet anniversaire, c’est l’unique fois où je me suis saoulé de ma vie. J’ai ingurgité autant d’alcool que je le pouvais, perdu et malheureux que j’étais. A chaque fois que je voyais cette jeune femme, c’était comme si des lames de rasoir me déchiraient le cœur et l’âme. Je la trouvais si attirante, si mignonne, si gentille. Et moi, je souffrais en silence, je pleurais intérieurement toutes les larmes de mon corps. Si j’avais pu, je me serais défoncé la tête contre un mur afin de l’en en faire sortir. Afin que la faire disparaître de ma conscience. C’était insupportable. J’étais maudit, quelqu’un de haïssable en ce qui concernait les sentiments amoureux qu’il pouvait avoir à l’égard d’une jeune femme qui lui plaisait. Mon calvaire se renouvelait, encore et encore, à l’infini.

 

On m’a ensuite rapporté que j’avais vomi devant la porte de chez ses parents, avant que quelqu’un ne me raccompagne chez moi. Il est évident, et je le comprends, que j’avais fait mauvaise impression durant toute la soirée. Je me suis couché, chez moi, et me suis réveillé l’après-midi suivant, avec une gueule de bois carabinée. Evidemment, cette jeune femme n’a plus jamais voulu me revoir par la suite. Ce qui est naturel, il faut l’admettre. Mais le pire, je crois, c’est que mon compagnon de jeux de rôles principal, m’a, plusieurs semaines après, dévoilé des faits qui n’ont fait qu’attiser mon désespoir et ma souffrance.

 

Il avait sympathisé, à son tour, avec ce couple. Et ils étaient, depuis, sortis en plusieurs occasions en boite de nuit. Je n’étais pas au courant. Tout ceci se déroulais sans que je n’en soit informé. Ou invité. A l’époque, j’ai considéré cela comme un autre coup de poignard de la part des gens qui m’étaient les plus proches. Je réalise, aujourd’hui, que, vu mon comportement au cours de cette soirée, ils ne souhaitaient certainement pas ma compagnie. Mais, sur l’instant, aveuglé par ma peine, ma déception, mes blessures non cicatrisées, je ne le voyais pas ainsi. J’étais profondément affecté, seul, désespéré, comme je le serai encore souvent et longtemps au cours des années suivantes ; même si les circonstances seraient différentes.

 

Or, ne voilà-t-il pas qu’il m’explique qu’en fait, cette jeune femme est une allumeuse. En fait, celle-ci n’hésite pas à tromper allégrement son compagnon dès qu’il a le dos tourné. Qu’elle s’est ri de mes sentiments pour elle devant lui, en déclarant qu’elle ne voudrait jamais d’un handicapé comme moi. Qu’elle trouvait ma manière de lui avouer ce que je ressentais pour elle, ridicule. Il m’a aussi déclaré qu’il avait eu une aventure avec elle, et qu’elle était « très chaude », pour reprendre ses termes exacts.

 

Cet aveu a encore accentué mon désespoir, ma tristesse et ma souffrance. Quiconque n’en avait cure. J’étais seul, sans emploi, perdu, humilié, abandonné, avec aucun repaire auquel me raccrocher. Mes parents étaient loin. De fait, pendant les quatre mois suivants, je ne me suis lavé qu’épisodiquement, je ne me suis rasé qu’une fois par semaine environ. J’ai passé la plupart de mon temps en pyjama, ne me levant que pour me précipiter sur le minitel. Je ne m’endormais que vers deux ou trois heures du matin, exténué d’avoir été devant son écran durant près de quatorze heures. Assommé de douleur, condamné au célibat à cause de mon physique, de ma fragilité, de mon incapacité chronique à trouver le moyen de montrer que je valais quelque chose, j’ai commencé à m’enfoncer. Cet enfer qui avait débuté au lycée, n’a fait que s’accentuer jusqu’à prendre des proportions démesurées, cataclysmiques, au fil des années suivantes.

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