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Mes Univers
21 mai 2016

autobiographie, pages 173 à 175 / 312

X1Il était hors de question que mon père passe un jour de plus à proximité d’elle et de nous. Dès le lendemain, celui-ci a déménagé et s’est réfugié chez une des personnes qui appartenaient aux associations de parents d’élèves. Je ne sais pas où a logé mon père ensuite. Tout ce que je sais, c’est que je ne l’ai pas revu pendant quelques mois. Tout ce que je sais, c’est que, très vite, mon père s’est mis a appeler ma mère au téléphone régulièrement. Ils ont eu de longues discussions ensemble. Souvent, quand elle lui parlait, elle pleurait. D’après ce qu’elle m’en révélait ensuite, il semble que mon père pleurait aussi, à l’autre bout du fil. Il lui disait qu’il l’aimait malgré tout, qu’elle lui manquait, qu’il ne pouvait pas vivre sans elle. Il lui demandait de lui pardonner ce qui était arrivé, que cela ne se reproduirait plus, qu’il avait compris. Ma mère, elle aussi, lui disait qu’il lui manquait, qu’elle ne comprenait pas pourquoi il avait réagi de cette manière, qu’elle avait peur, et qu’elle songeait sérieusement au divorce. Mon père a usé de tous les mots, de tous les arguments, afin qu’elle n’entame aucune procédure de ce genre. Et pourtant, c’est ce que mes grands-parents maternels auraient souhaité. Je crois qu’après ces événements, ils ne lui ont jamais véritablement pardonné. Le fossé qui existait entre eux et mon père, qui était déjà abyssal, s’est définitivement creusé. Mes grands-parents maternels ont insisté auprès de ma mère pour qu’elle casse les liens qui l’unissaient à lui. C’est la première fois de ma vie que je l’ai vue leur désobéir. Car, finalement, au bout de quelques mois – un an peut-être -, et bien des promesses de réconciliation et d’un avenir meilleur à deux, ma mère a accepté qu’il revienne vivre avec nous.

 

J’ai participé à cet élan d’ailleurs. Je souffrais de cette séparation et de la souffrance qu’elle entraînait chez ma mère. J’étais souvent à ses côtés, quand elle avait besoin de parler, d’exprimer ses ressentis. Je m’étais promis que, si je pouvais, grâce à mes maigres moyens, mes pauvres capacités, essayer d’apporter ma pierre afin de les ressouder, je le ferais. A ce propos, je me souviens notamment d’un soir où mon père nous avait rendu visite à la maison. Une dispute avait éclaté entre mon père et ma mère, sous mes yeux. Perdu, désemparé, fatigué de les voir dans cet état de nervosité incessant, je leur ai dit haut et fort que, quoiqu’il advienne, je les aimais tous les deux, qu’ils étaient mes parents, ce à quoi je te nais le plus au monde. Et que s’ils voulaient que je le leur prouve, je le leur prouverais. Aussitôt, j’ai agrippé à pleine main l’ampoule de la lampe trônant sur le bureau à côté duquel je me tenais. Evidemment, celle-ci était brûlante, du fait qu’elle était allumée. Mais, malgré la douleur, j’ai serré les dents, et je l’ai gardé entre mes doigts durant quelques secondes.

 

Ils n’ont pas tenu compte de ma réaction. Ils ont continué à débattre ensemble. Mais, en ce qui me concernait, ce n’était pas le plus important. Le plus important était que je leur avais montré combien je tenais à eux.

 

Transportons-nous cette fois-ci en 2004. Je suis certain que ceux et celles qui lisent ce texte se demandent pourquoi cette autre date est aussi importante pour la suite des événements que je viens de relater.

 

Il y a une raison essentielle pour laquelle ma mère a souhaité renouer le dialogue, puis, reprendre sa vie de couple avec mon père : nous, ses enfants. Elle a toujours estimé que, malgré les tempêtes et les conflits, les désaccords et les ressentiments qui existaient entre eux, il était préférable pour nous que nous soyons accompagnés par nos deux parents tant que nous n’étions pas adultes. Elle était parfaitement consciente que son couple était bancale, qu’il était fissuré de partout. Elle savait que rien ne serait plus jamais comme avant, après cette période que nous avions vécu. Les blessures, les cicatrices, de part et d’autres, étaient trop vivaces, trop profondément ancrées en chacun d’eux, pour qu’ils oublient ce qui s’était passé.

 

Mais, comme je l’ai dit, au bout d’un an à dix-huit mois, je ne me souviens plus très bien, et après bien des tergiversations, des discussions, ils ont fini par renouer. La hache de guerre a été plus ou moins enterrée. Et leur vie commune a pu se poursuivre. Toutefois, chacun a vécu sa vie de couple à sa façon. Certes, il y avait des moments de complicité, de dialogue, d’affection, etc. Je ne dirai pas que les années qui ont suivies ont été froides et sans amour. Ce serait mentir. Mais chacun a pris un espace de liberté supplémentaire. Ainsi, ma mère s’est investie de plus en plus dans le domaine de l’équitation. Son élan a été facilité par ma sœur qui s’engageait de plus en plus dans cette voie au fur et à mesure de l’écoulement de ses études. Mon père, lui s’est de plus en plus intéressé au bricolage, au jardinage, afin de rénover notre pavillon qu’ils avaient acheté en 1980 dans un état lamentable. Il était doué dans ces domaines. Il s’y est donc investi de plus en plus. D’un autre côté, il a trouvé sa propre échappatoire dans les associations de parents d’élèves auxquelles ma mère avait adhéré dès la maternelle de mon frère cadet. Mais, rapidement ensuite, c’est mon père qui s’est engagé dans cette action. D’une petite association locale qui concernait l’établissement scolaire de mon frère cadet, il l’a fait grandir. Il l’a transformée en association s’étendant sur toute la commune, sur les communes environnantes. Au bout de deux ou trois ans, celle-ci a pris une ampleur départementale, puis régionale. C’est d’ailleurs pour cette raison que cette fameuse nuit, il y avait tant de prospectus dans notre garage.

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