Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mes Univers
24 mai 2016

Plus d'essence

X1Il est fascinant de constater à quel point notre société et notre mode de vie sont dépendants du pétrole. Depuis deux ou trois jours, les reportages tournent en boucle aux informations télévisées, ou via d'autres médias, sur les distributeurs de carburant qui ferment les uns après les autres, faute d'approvisionnement. Les images de ces raffineries bloquées par des grévistes cherchant à faire plier le gouvernement sur le thème de la « loi travail ». Les ports qui commencent à être verrouillés, afin que navires en provenance des pays producteurs de pétrole, ne puissent plus décharger leur précieux « or noir ». Les files d'automobiles en attente sur les voies menant aux rares pompes à essence encore en activité. Toute cette folie, cette peur irrépressible, qui s'empare de chacun et de chacune parce que restreint dans ses mouvements. Cette angoisse, cette psychose qui enfle jusqu’à prendre des proportions quasi-cataclysmiques.

 

Personnellement, je suis plutôt contre ces grévistes qui prennent la France et les français en otages de leur revendications. Ce soir, demain, les jours suivants, d'autres secteurs de notre économie vont être à leur tour perturbés. La CGT, puisque c'est essentiellement cette organisation syndicale – ultime vestige d'un parti communiste définitivement disparu de la scène politique de notre pays – montre ainsi un dernier sursaut d'énergie contre le système dans lequel nous existons. Cette ère ultra-capitaliste qui vit son crépuscule ; cet age post-industriel au cours duquel le milieu ouvrier se débat pour tenter de ne pas sombrer définitivement. Mais qui n'y parvient pas, et n'y parviendra plus, malgré tous ses efforts pour essayer de faire entendre sa voix. Qu'on le veuille ou non, qu'on l'accepte ou non, que l'on soit d'accord ou non, c'est un fait. Le vent de l'Histoire balaye les vestiges d'une époque qui n'en finit pas d'agoniser. Et, comme pour les périodes précédentes – Trente Glorieuses, Plein Emploi, Puissance de l'Europe face aux autres continents, acquis sociaux et droits du peuple en constante augmentation – ne sont plus des priorités dans un monde mondialisé où la concurrence internationale et la loi de l'argent sont omniprésents.

 

Attention, je ne défends pas cette vision du monde qui nie l'être humain au profit des marchés financiers, de la rentabilité à tout prix, etc. En fait, abhorre ce système sans âme, ayant une vision à court – voire, à très court – terme. Où l'individu est écrasé, après avoir été utilisé comme main d’œuvre corvéable à merci. Où les fossés des inégalités se creusent chaque jour davantage. Où l'intolérance, où l'individualisme, sont de rigueur. Où la différence est une tare plutôt qu'une richesse. Où nous sommes tous destinés à devenir des clones dénués de pensée, d'avis, d'envie, d'espoir. Où nous sommes considérés comme des « moutons » tout juste bons à engraisser ceux qui se font des fortunes sur notre dos parce qu'ils nous poussent à une consommation sans frein ; au détriment de valeurs essentielles comme la raison, le savoir, la réflexion, la découverte de ce qui nous est inconnu, la curiosité, etc.

 

Non, ce qui est vital dans un monde comme le notre, c'est d’être hypnotisé par des émissions décérébrantes, un pack de bière à la main ; d’être gorgé de publicités nous incitant à nous précipiter dans de grandes enseignes afin de dépenser nos salaires en matériels qui seront obsolètes d'ici six mois. C'est d'attendre le prochain match de football ou la prochaine émission de télé-réalité, après avoir effectué son « métro-boulot-dodo » quotidien, comme des automates. Ou chacun est uniformisé, standardisé, ne réfléchissant plus, tellement il est pris dans cet engrenage irrépressible auquel il est incapable de se soustraire.

 

Cependant, il faut également être réaliste. Ce monde, ce mode de vie et de fonctionnement ressemble à ce que nous sommes véritablement. Nous avons, au fil des décennies, choisi de suivre une voie qui, nous le savons tous, nous mène tout droit dans le mur. Aveugles, égoïstes, ne songeant qu'à notre confort, ne songeant qu'à nous contempler le nombril en supposant que rien ne changera jamais ; que ce mode de civilisation est figé à tout jamais, nous ne nous préoccupons pas de l'avenir. Or, c'est une erreur de croire que le monde va attendre que nous soyons prêts. Il évolue, que ce soit avec nous, ou sans nous. Les ouvriers et les syndicats qui se battent actuellement – de bonne foi, et avec toute la meilleure volonté qui soit – sont en retard d'un quart de siècle. Ils sont condamnés. Ils le savent pertinemment. Et ils jouent actuellement leur va-tout. Comme le Communisme avant eux – qui était la première force politique du pays il y a un demi-siècle – ils disparaîtront. Ils sont les dinosaures rattachés à une vision de la société qui n'existe plus. Pire encore, avec la pénurie d'essence qu'ils provoquent, ils montrent avant l'heure ce qui nous attend tous lorsque les réserves de ce précieux liquide seront épuisées ; dans une cinquantaine d'années environ, au rythme actuel avec lequel il est consommé par les sociétés occidentales – qui en avaient jusque-là la primeur – et les pays en voie de développement, qui, désormais, veulent leur part des richesses dont nous sommes détenteurs. Car eux aussi souhaitent consommer, avoir des voitures, se déplacer, accéder au confort, etc. Ce qui accélère d'autant plus l'épuisement de cette ressource naturelle si essentielle à l'économie mondiale.

 

Ceci n'est donc qu'un avant-goût de ce qui nous attend dans quelques décennies tout au plus. Et je ne parle pas des conséquences cataclysmiques sur l'environnement, sur le réchauffement planétaire global, sur la pollution, que cela provoque. Et dont nous aurons également tous et toutes à souffrir très prochainement.

 

A voir la réactions sidérantes et irrationnelles des « drogués de l'essence » que nous sommes, je ne peux que constater, malheureusement, à quel point nous ne sommes pas prêts à remettre en cause notre façon de vivre. Que nous nous laissons gouverner par nos impulsions primitives qui confinent à l'idée de « survivre à tout prix » ; car c'est bien à cette image que ces événements nous renvoient. Et que nous n'envisageons à aucun moment de mettre en place des alternatives crédibles et durables, pour le jour où cette situation sera définitive ; sans possibilité d'y remédier.

 

Aujourd'hui, ce n'est pas grand-chose. Dans quelques jours, quelques semaines tout au plus, tout rentrera dans l'ordre d'une manière ou d'une autre. Les pompes à essence seront de nouveau réapprovisionnées régulièrement. Et tout ceci ne sera plus qu'un vilain cauchemar vite oublié. Nous passerons à d'autres faits marquant qui effaceront ceux-ci. Les gens auront oublieront les galères actuelles pour se concentrer sur ce qui les anime au quotidien ; leurs soucis particuliers ; au travail, en recherche d'emploi, les impôts, les enfants, les courses, que sais-je. Nous oublierons tous à quel point notre mode de vie est fragile, et peut se gripper au moindre accroc de ce genre. Alors, imaginez dans cinquante ans – avec l'espérance de vie qui s'allonge, il est probable que beaucoup d'entre nous y assisterons -, lorsque celui-ci s'effondrera définitivement. Pensez au bouleversements que l'asséchement de l'ensemble des ressources pétrolières sera irréversible. Et que nul n'aura anticipé ce phénomène, parce que c'est tellement plus simple, tellement plus facile, de rester sur ses acquis. Parce que ni nos politiques, ni nos industriels – tous ceux qui nous gouvernent d'une manière ou d'une autre – n'auront pas envisagé de réorienter notre civilisation sur un autre chemin à temps. Parce qu'ils n'auront pas investi – trop cher à mettre place, trop d'investissements à faire, lobbies freinant pour en profiter au maximum jusqu'au dernier jour, etc. - afin d'anticiper ce que nous subissons actuellement à une si petite échelle. Imaginez...

Publicité
Publicité
Commentaires
Mes Univers
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 287 541
Derniers commentaires
Archives
Mes Univers
Newsletter
Pages
Publicité