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Mes Univers
24 mai 2016

autobiographie, pages 179 à 181 / 312

X1Mais, tout cela, à cette époque, était en « stand-by », attendant le bon vouloir de mon père afin que ses rénovations soient poursuivies. Non, sa nouvelle lubie depuis près d’un an, c’était de rester derrière son ordinateur, pratiquement toute la journée. Celui-ci était installé dans le bureau situé au fond du long couloir de cette habitation. Nous ne le dérangions pas. Ma mère estimait que c’était son espace privé, son jardin secret, et elle, comme le reste de la famille, n’avions pas à nous immiscer dans les activités informatiques de mon père. Qui plus est, à chaque fois que ma mère, moi, ou quelqu’un d’autre, allions dans son bureau – pour y ranger un document, ou pour y prendre un livre puisque de nombreuses étagères encombraient ses murs -, mon père changeait ce qui apparaissait sur son écran. Non pas que nous y portions un intérêt particulier, mais il ne souhaitait pas partager ce qui s’y dévoilait. Même moi, qui était assez féru d’ordinateurs depuis le milieu des années quatre-vingts, son comportement ne m’a jamais véritablement intrigué. J’étais plutôt en froid avec lui, je dois le dire. La cohabitation entre lui et moi, depuis que j’étais revenu vivre avec mes parents, n’avait cessé de se détériorer. Par ailleurs, je possédais mon propre ordinateur personnel sur lequel je travaillais. Il n’y avait aucune raison pour que je me penche sur celui de mon père.

 

Mais, ce jour-là, j’ai pris sur moi de m’y connecter. Au début, j’ai hésité. Ma mère, intriguée par les mots de son mystérieux interlocuteur, m’y a autorisée. Elle m’a accompagné jusqu’au bureau de mon père lorsque je me suis assis devant son écran et que je l’ai allumé. Heureusement que je m’y connaissais assez dans ce domaine pour le faire fonctionner. J’ai donc pu aller fouiller dans ses fichiers. Heureusement que j’utilisais Internet depuis 1999. J’ai donc pu retrouver les sites sur lesquels mon père allait le plus fréquemment.

 

Apparemment, mon père passait son temps à écrire. A écrire des nouvelles ou des romans, comme moi je le faisais depuis mon adolescence. Il n’y avait rien de surprenant à cela : mon père a toujours eu une excellente plume. Il mettait un point d’honneur à rédiger de beaux textes lorsque sa hiérarchie lui commandait des notes ou des synthèses, à l’époque où il était employé au ministère de l’intérieur. Il se connectait aussi à des sites de « tchat » afin d’y dialoguer avec des gens issus de tous les milieux et de tous les horizons.

 

Toutefois, ce qui était assez étrange, c’est que tous ses correspondants étaient masculins. Ce qui l’était encore davantage, c’est que ses nouvelles, bien qu’ayant toujours un arrière-plan historique, se révélaient être des histoires d’amour… « Masculines ». C’est que ses mails étaient inondés de correspondances « affectueuses » avec des hommes de Paris, de Toulouse, ou d’ailleurs. C’était qu’il y avait des contacts avec un éditeur de livres érotiques parisien.

 

Au début, ma mère et moi avons pensé qu’il s’agissait là d’une nouvelle lubie de mon père, comme il en avait eu tant d’autres auparavant. Peut-être cherchait-il de l’amitié grâce à ces sites. Peut-être partageait-il ses écrits avec tous ces inconnus. Peut-être que cela lui faisait du bien, depuis qu’il était à la retraite, de consacrer son temps à ce genre d’activité et de dialogue. Peut-être se sentait-il seul – il est vrai qu’il ne sortait pratiquement plus de notre propriété depuis qu’il ne travaillait plus -, et que, si ce n’est certains de ses anciens collègues du ministère de l’intérieur, il avait rompu tout contact avec l’extérieur. Nous n’y voyions pas à mal, ni moi, ni ma mère. Intriguant certes, mais rien qui ne puisse venir nous bouleverser.

 

Une heure plus tard, le téléphone a sonné pour la seconde fois. Et comme prévu, à l’autre bout du fil, c’était ce mystérieux interlocuteur. « Vous avez trouvé quelque chose ? », a-t-il demandé à ma mère. Ma mère lui a décrit le contenu de ce que nous venions d’explorer. Pour elle, il n’y avait rien d’alarmant, a-t-elle renchéri. « C’est que vous avez mal cherché, dans ce cas. », a souligné l’individu.

 

Comme j’étais à coté de ma mère, et que le combiné se trouvait non loin de l’ordinateur de mon père, j’ai poursuivi l’exploration des entrailles de son computer. Pendant ce temps, l’inconnu disait qu’il avait séjourné chez mes parents durant notre absence. Que mon père l’y avait invité une semaine. Qu’en ce moment même, mon père était effectivement à Paris, mais que, jusqu’au jour précédent, il avait été avec lui en Belgique.

 

Ma mère et moi n’y comprenions plus rien. Pourquoi mon père se serait-il rendu en Belgique ; il n’y connaissait personne. « Moi, je le connais, a répondu cet individu. Cela fait même plusieurs mois que nous sommes en contact l’un avec l’autre. ».

 

De fait, en creusant davantage sa correspondance, je me suis rendu compte que beaucoup de mots « tendres » de mon père évoquaient un certain Thierry. Or, il s’agissait du prénom de notre interlocuteur, puisqu’il s’était présenté à ma mère par le prénom « Thierry ». Pour autant, il n’était pas le seul avec lequel mon père échangeait « tendrement ». Il y avait un autre homme à Toulouse, notamment, ainsi qu’un jeune homme à Paris.

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