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Mes Univers
25 mai 2016

autobiographie, pages 181 à 183 / 312

X1De sérieux doutes ont commencé à fusé dans l’esprit de ma mère, et dans le mien. Nous avions beau refuser l’idée qui cheminait en nous, inéluctablement, elle était de plus en plus évidente, hélas. Le coup de massue final a eu lieu quelques instants plus tard. Ma mère, de plus en plus accablée, humiliée, décontenancée, pleurait à chaudes larmes. C’est comme si elle avait été foudroyée sur place, de réaliser ce qui lui arrivait. Pour ma part, un texte à part m’a interrogé. Plus long, différent des autres, je l’ai parcouru rapidement. C’était l’histoire d’un jeune homme sur le point de se marier. Il était homosexuel, amoureux d’un autre jeune homme. Mais, du fait des convenances, du regard de la société sur son état, du jugement de sa famille, du fait que la jeune femme à laquelle il était « contraint » de s’unir était déjà enceinte, il ne pouvait plus reculer. Mais, au dernier moment, alors qu’il était au bas de l’autel avec cette jeune femme, un homme rentrait brusquement à l’intérieur de l’église. Il hurlait « Stop, arrêtez-tout. ». Il se précipitait dans les bras du jeune homme, l’embrassait, lui avouait son amour. Puis, le jeune homme sortait avec lui de l’élise au vu de tous les invités. Et, ensemble, ils vivaient heureux jusqu’à la fin de leurs jours.

 

Ce récit me rappelait quelque chose. J’en ai lu quelques extraits à ma mère. Bien que fragilisée par ce qu’elle apprenait, elle avait gardé un semblant de lucidité. Elle m’a alors dit : « C’est bizarre, tu sais à quoi ce texte me fait penser ? A notre mariage, a ton père et moi. ». « C’est exact. », a insisté le dénommé Thierry. « Mais modifié pour qu’il ressemble à la manière dont votre mari aurait eu envie qu’il se termine. Vous ne vous êtes jamais posé la question de savoir pourquoi, au début de votre mariage, votre mari effectuait tant de virées nocturnes en voiture. Pourquoi il n’aimait pas sortit en compagnie de sa femme et de ses enfants en ville. Pourquoi il ne souhaitait pas que vous ayez accès à ses comptes bancaires. En fait, ce récit évoque le premier amour masculin de votre mari. Celui-ci se prénommait Dominique. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a souhaité que votre fils aîné – moi -, porte ce prénom. Afin de garder le souvenir de son premier grand amour. Quant à ses virées nocturnes, c’était parce qu’il allait rencontrer des jeunes hommes pour avoir des aventures sexuelles avec eux.

 

Alors, tout à coup, tout est revenu à la mémoire de ma mère. Les raisons pour lesquelles mon père n’avait aucune inclination pour les choses du sexe. Pourquoi il s’absentait si souvent sans elle. Pourquoi elle n’avait pas accès aux comptes en banques. Pourquoi je portais ce prénom. Pourquoi il dépensait tant en costumes. Tout un tas d’incidents nébuleux qui avaient parsemé l’existence commune de mes parents ressurgissaient. Les pièces du puzzle se mettaient finalement en place. Et ce qui semblait incohérent, énigmatique, farfelu parfois, devenait clair. Pourquoi mon père n’aimait jamais passer les vacances avec nous, quitte à préférer demeurer seul à la maison. La raison était évidente. Pour que, durant ces jours ou ces semaines de liberté, il puisse mener son « autre » existence. Pourquoi, un jour, lors de la pendaison crémaillère de la première demeure qu’ils ont habité en Sarthe, il s’est travesti avec un tel soin ? Aujourd’hui, ce détail s’éclairait sous un nouveau jour. A ce moment-là, tout le monde avait été surpris qu’il se plaise à se grimer en femme, à s’habiller en femme. Personnellement, j’avais été légèrement choqué par cette lubie, même si c’était à l’occasion d’une fête. Je comprenais mieux. Pourquoi il avait eu des périodes dépressives au cours des années soixante-dix, au point de ne plus se raser ou s’habiller durant des jours… Je pourrais énumérer des détails de cet ordre à l’infini, la réalité ne serait pas, pour autant, modifiée.

 

En ce qui me concerne, le plus humiliant, le plus blessant, ce qui m’a le plus heurté, c’est que mon père ait eu l’audace de me prénommer comme son premier amour masculin. Je me suis senti sali.

 

Je suis quelqu’un d’ouvert, de tolérant, de compréhensif. Enfin, je l’espère, et je fais tout pour avoir en permanence cet état d’esprit. Mais là, c’était plus que je ne pouvais en supporter. Tout comme ma mère, j’ai été blessé au plus profond de mon cœur et de mon âme. Je comprenais aussi pourquoi mon père m’avait si longtemps rabaissé, m’avait mésestimé, avait vu en moi quelqu’un qui, malgré tous ses efforts, ne lui arriverait jamais à la cheville. Pourquoi il considérait mes centres d’intérêts, mes passions, mes rêves, mes espoirs, comme dénués de sens. Pourquoi, même si nous étions tous deux passionnés par des sujets équivalents – histoire, littérature, cinéma, figurines… -, il considérait toujours que je n’étais pas à la hauteur. Certes, mon handicap, et sa déception d’avoir un fils handicapé, a dû jouer son rôle. Il m’en a fait part un jour. Il avait exercé son autorité afin de me soumettre, s’intéressait à d’autres enfants qu’il pensait plus doués ou plus riches de promesses, devant moi parfois.

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