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Mes Univers
24 juin 2016

Le début de la fin

X3Ça y est, c'est fait !!!! Les anglais ont voté et ont décidé de leur sort. Démocratiquement, à une majorité assez confortable, ils ont choisi de quitter l'Europe. On peut en être ravi, on peut le déplorer, mais c'est ainsi. Et nul n'a à contester leur décision.

 

Les conséquences en sont incalculables et difficilement quantifiables. Que ce soit à brève, moyenne, ou longue échéance. Mais celles-ci n'augurent rien de bon pour l'avenir de la zone euro et de l'Europe telle que nous la connaissons actuellement.

 

Personnellement, j'ai toujours été un pro-européen convaincu. Certes, le système est loin d’être idéal ou parfait. C'est un fait incontestable. La bureaucratie bruxelloise a toujours le dernier mot. Il faut l'unanimité des vingt-sept nations la composant pour qu'une décision soit prise. Les banques enchaînent les peuples. En ces temps de crise, chacun a peur pour l'avenir ; les acquis sociaux des Trente Glorieuses sont perpétuellement remises en question. Les entreprises délocalisent à tour de bras dans des pays où la main d’œuvre est toujours moins chère. L'immigration – surtout avec le conflit en Irak et en Syrie contre Daesh – fait peur. La radicalisation islamiste, ainsi que les attentats perpétrés sur le sol européen, cristallisent tous les ressentiments et toutes les angoisses. J'en passe. Et tout cela est justifié. J'adhère totalement au fait qu'il reste énormément de choses à faire afin d'améliorer ce conglomérat de nations qui s'est unie en une seule entité.

 

Cependant, il y a une chose essentielle, fondamentale, qui est à l'origine de l'Europe, et que beaucoup – et notamment les jeunes générations – ont tendance à oublier : c'est pourquoi nos prédécesseurs ont entamé la construction de l'Europe dès les années cinquante. Et, à mon avis, c'est pourtant le pilier qui nous maintient tous unis au sein de ce vaste continent : la guerre. Depuis des siècles, l'Europe n'a cessé de se déchirer. Depuis la fin de l'Empire Romain, et l'unification forcée de celle-ci sous l'égide de Rome, les conflits n'ont cessé de se succéder les uns aux autres. Rares ont été les périodes de paix en Europe, lorsque l'on y regarde de plus près. Rien qu'au 20e siècle, elle a engendré deux guerres mondiales. Des dizaines de millions de morts, sans compter les dommages collatéraux qui en sont issus, et qui ont été aussi dévastateurs que les conflits eux mêmes.

 

C'est l'idée fondamentale qui a toujours motivée la construction européenne. C'est la première fois depuis des siècles que notre continent n'a pas connu de véritable guerre sur son sol ; si ce n'est à ses marges, et extrêmement localisés. C'est un fait essentiel à ne surtout pas négliger, à ne surtout pas minimiser. Parce qu'avec la montée des extrêmes actuelle, tout ceci peut ressurgir un jour prochain si nous continuons dans cette voie. Et la sortie de l'Angleterre de la zone euro pourrait bien en être les prémisses. Son repli sur soi, sa peur d'être « avalée » par le continent, bien que compréhensible, est disproportionnée.

 

Evidemment, moi qui suis historien, je sais que l'Angleterre a toujours été un pays fier de son indépendance ; qui a toujours hésité entre ses attaches vis-à-vis du Vieux Continent, et l'attraction irrésistible qu'exerce sur elle l'attrait de l'Amérique. Elle s'est toujours senti écartelée entre ces deux positions. Certains diront que la démocratie est la plus forte en ces circonstances, et ils auront raison. Cette décision n'appartient qu'aux anglais. Ils ont choisi ; personne n'a a remettre en question leur choix. Mais ce repli sur soi, dont on constate les effets partout, n'est pas, à mes yeux, la bonne solution. Ce n'est pas en quittant le navire en pleine tempête qu'on le sortira de la bourrasque, et qu'il n'y aura pas de victimes. Bien au contraire.

 

Certains diront aussi que les raisons pour lesquelles l'Europe a été bâtie n'ont plus lieu d'être. La guerre n'est plus un sujet d'actualité chez nous. Réellement ? Eh bien, en ce qui me concerne, avec cette décision, ainsi qu'avec la montée des nationalismes un peu partout, avec la peur de l'étranger, avec le repli communautaire, avec le fossé qui se creuse entre certaines franges de la population, avec la montée des fondamentalismes religieux, avec l'incompétence de nos politiques de juguler les effets de la crise, etc, je vois poindre à l'horizon ces fissures de plus en plus nombreuses et béantes qui nous mènent vers ce gouffre abyssal.

 

Oh, pas dans l'immédiat. Mais, tel un puzzle, chaque pièce se met progressivement en place, et nous pousse lentement, mais inéluctablement, vers cet apocalypse auquel la construction de l'Europe avait tenté de nous soustraire. Personnellement, je vois cet horizon s'approcher de plus en plus, et avec de plus en plus de distinction. Et, par certains cotés, cela me rappelle plusieurs des éléments de la fin du 19e siècle, qui ont contribué au déclenchement de la Première Guerre Mondiale. A une époque où la montée des nationalismes, de la méfiance envers ses voisins, était omniprésente. Par d'autres cotés également, cela me rappelle l'entre-deux-guerres ; notamment en ce qui concerne la crise de 1929 et les conséquences phénoménales que l'on n'a mesuré qu'une décennie plus tard avec le début de la Seconde Guerre Mondiale. Mais, plus proche de cette date, le Fascisme en Italie, le Nazisme en Allemagne, le Franquisme en Espagne, et le Stalinisme en Russie.

 

Bien sûr, nous n'en sommes pas là. Et si ce genre de mouvement de fond devait se reproduire, il prendrait d'autres formes. Mais, une fois encore, l'éclatement éventuel de l'Europe, dont le repli de l'Angleterre sur soi même, les tentations du Front National en France d'en faire de même si, un jour, il arrivait au pouvoir – éventualité non négligeable avec ce que nous connaissons en France actuellement -, les partis d'Extrème-Droite en Autriche, aux Pays-Bas ou ailleurs, qui ont des visées semblables, laissent augurer le pire.

 

Le pire, car même dans ce cas là, si l'Europe, un jour, n'existait plus sous sa forme actuelle, cela n’empêcherait pas les difficultés auxquelles le continent est confronté, de se produire. Au contraire, revenir en arrière en privilégiant les nations, ne ferait qu'exacerber les tensions. Cela ne ferait que provoquer les heurts que nous avons jusque là réussi à éviter grâce aux liens qui nous unissent les uns aux autres. Dès lors, les véritables gagnants de nos dissensions seraient les pays émergeants, et notamment les pays du Sud-Est Asiatique ; et en premier lieu la Chine. Qui est, ne l'oublions pas, désormais la première puissance économique du monde ; y compris devant les États-Unis.

 

Alors, est-ce la fin de la prédominance occidentale telle qu'elle existe depuis près de deux millénaires. Probablement. En tout cas, ce que l'Angleterre nous montre aujourd'hui, y ressemble beaucoup par les prémisses de ce processus qu'elle laisse entrevoir. Et que les crises précédentes – crise grecque, crise des migrants, crise politique en France, etc. - nous ont déjà dévoilé.

 

En tout cas, à court terme, il y a un fait inévitable qui est sur le point de se réaliser : l'Angleterre va en faire les frais dans les semaines, les mois, et les quelques années à venir. Premièrement, il est vraisemblable que l’Écosse et l'Irlande du Nord, qui lui sont encore rattachées, vont demander leur indépendance afin de demeurer à l'intérieur de l'Europe. Ce qui faisait jusqu’à l'heure actuelle l'attractivité de ce pays, avec son dynamisme économique, financier, et industriel, va s'amoindrir. Nombre d'entreprises, dès avant le référendum, avouaient que si la Grande-Bretagne se détachait des institutions européennes, rapatriaient leurs structures sur le continent. Les banques et les milieux de la finance seront, évidemment, les premiers à les faire. Ce qui entraînera une stagnation, voire une régression des capacités du pays à se maintenir en tant que grande puissance. La place financière essentielle qu'elle était jusque là, risque de ne plus être qu'un lointain souvenir d'ici peu. Le chômage, avec le transfert des entreprises dans d'autres pays européens, va augmenter. Et tout cela, uniquement parce que, désormais, la libre circulation des biens et des personnes n'y sera plus valable.

 

Un avenir sombre se profile pour l’Angleterre. Et je gage que si, un jour, la France prenait le même chemin si le Front National arrivait au pouvoir, les conséquences en serait mille fois plus dramatiques. Parce que, contrairement à l'Angleterre jusqu'à aujourd'hui, et à l'Allemagne, nous n'avons pas su nous adapter à une mondialisation de plus en plus imposante et de plus en plus féroce. Ceci dit, comme je l'avouais plus haut, peut-être est ce ainsi que occidentalisation du monde exprime-t-elle son chant du cygne ? En tout cas, personnellement, c'est ainsi que je le vois.

 

L'Europe est une magnifique idée. Elle mérite que l'on se batte pour les valeurs qui sont les siennes, pour ce qu'elle représente. Pour la paix qu'elle a su nous donner. Certes, ce n'est pas parfait, loin de là. Mais aucun mode de gouvernement ne l'est. Et il reste encore beaucoup à faire, dans maints domaine, pour l'améliorer. D'autant, que comme n'importe quel système, il restera toujours des choses à modifier.

 

Et puis, même avec toute la bonne volonté du monde, on sait très bien – à moins d'imposer une dictature - , qu'on ne pourra jamais satisfaire l'ensemble des concitoyens. Mème au sein d'un pays, c'est impossible. Cependant, est-ce parce nous sommes confronté à des épreuves, à des difficultés, à des doutes, à des terreurs, que nous devons abandonner ? Est-ce parce qu'il faut modifier en profondeur son fonctionnement afin de prendre davantage les espoirs, les aspirations, les rêves que les peuples ont mis en elles, qu'il faut la rejeter en bloc ? Est-ce parce qu'il faut la bousculer un peu afin de la recentrer sur l'essentiel, sur les projets qu'elle porte en elle, qu'il faut s'en exclure ?

 

Si à chaque fois que de telles embûches s'étaient dressées devant nous, aucune nation qui la compose ne se serait érigée au fil des siècles. Nous serions resté de minuscules régions autonomes, mais sans envergure, sans ambitions. Et nous ne serions qu'un continent de seconde ou de troisième zone qui n'aurait pas accompli tout ce chemin. La civilisation européenne, avec ses bons et ses mauvais cotés – nul n'en doute – n'aurait jamais pu se développer.

 

Alors, prenons garde de ne pas engendrer pire que ce que nous avons, par crainte des soubresauts de l'Histoire auxquels nous sommes soumis. Prenons garde de ne pas perdre tout ce à quoi nous tenons tant, parce que le monde idéal dont nous rêvons n'existe pas ; et n'existera probablement jamais. Prenons garde de ne pas devenir un continent figé, vieillissant, sclérosé par nos peurs et nos doutes, parce que nous n'aurons pas réalisé que demain se détermine aujourd'hui ; et que si nous ne prenons pas le train des bouleversements en cours en route, notre destin sera d’être l'équivalent de l'Asie et de l'Afrique d'hier ; dominés par des puissances extérieures qui feront de chez nous leurs colonies économiques et récréatives.

 

Car, n'en doutons pas. Ce schéma est déjà en mouvement, que nous le voulions ou non ; que nous l'acceptions ou non. A se replier ainsi, c'est ce qui nous attend inévitablement.

 

L'Avenir n'est pas écrit. L'exemple de la Grande-Bretagne – appelée à devenir la « Petite-Bretagne » si l’Écosse et l'Irlande du Nord s'en détachent pour conserver leur place en Europe – est susceptible de provoquer ce sursaut dont les institutions de l'Europe a besoin pour refonder l'Europe. Pour la relancer sur de nouvelles bases. Pour faire primer ce que les peuples en attendent, plutôt que ce que les multinationales, les banques, les intérêts partisans et égoïstes, en montrent. La marge est faible pour réussir ce pari. Ne le ratons pas. Parce que si nous le ratons, non seulement l'Angleterre et l'Europe, mais nous aussi français, nous n'en nous relèverons pas...

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