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Mes Univers
28 juin 2016

autobiographie, pages 249 à 251 / 312

X1A l’origine, je l’ai dit dans mon texte précédent, le concours que j’ai passé était prévu pour les personnes handicapées. Cette jeune femme, elle, n’en n’a pas tenu compte. Contrairement à son prédécesseur qui, dès le départ, m’avait ménagé afin que je m’adapte à mon nouvel environnement sans me presser, à mon rythme, elle, a estimé que je devais tout savoir tout de suite. Elle a pensé que j’étais capable de me débrouiller seul sans être aidé. J’ai fait de mon mieux. Je me suis démené pour essayer de la satisfaire au mieux de mes possibilités. Elle me reprenait à chaque fois. Elle n’était jamais contente de mes résultats. Alors, entre mon travail qui me pressurait la journée, et mon appartement transformé en enfer le soir et le week-end, mes forces mentales et physiques ont décliné de plus en plus vite. J’avoue qu’au terme de cette première année à l’Éducation Nationale, mon enthousiasme du début n’était plus qu’un lointain souvenir. J’étais démoralisé, affecté, et, qui plus est, seul.

 

Car, tous les amis de jeux de rôles que j’avais quittés en 1996 en laissant Paris derrière moi, avaient disparu. Il n’y en a qu’un ou deux, un bref laps de temps, qui ont ressurgi. Mais ça n’a pas duré très longtemps. De toute façon, je ne pouvais pas leur consacrer beaucoup de temps. La semaine, je travaillais, le week-end j’essayais tant bien que mal de me reposer. Les seuls contacts amicaux réguliers que je possédais étaient tous issus de l’Université. J’avais très tôt sympathisé avec deux ou trois personnes qui étaient de la même session de rentrée que moi. Une jeune femme, notamment, une maman célibataire, qui m’avait un peu pris sous son aile, et avec laquelle je bavardais. Mais, aussi, le bras droit de la présidente de l’Université, qui avait débuté le même jour que moi.

 

C’était quelqu’un de gentil, d’ouvert, de sympathique. Il m’avait tout de suite tendu la main, parce que nous ne connaissions aucun membre de ce nouvel environnement. J’ai déjeuné avec lui une ou deux fois au début. Mais, il a très vite accaparé par ses nouvelles fonctions, ce qui peut se concevoir. J’ai aussi sympathisé avec une des collègues employées au même étage que moi. Une femme d’une quarantaine d’années, au physique très agréable, plutôt séduisante. Et c’est souvent que j’allais dans son bureau ou que nous nous retrouvions autour de la machine à café pour discuter cinq minutes.

 

Cet état de grâce en ce qui concerne mes relations amicalement professionnelles ne s’est pas éternisé. Chacun étant très pris par ses activités, il n’était pas concevable de les consolider d’une manière ou d’une autre. De plus, chacun avait sa vie, qui l’occupait suffisamment. Je n’ai donc pas insisté. Et c’est donc seul, chaque midi, que je mangeais au réfectoire de l’université. Je ne m’y attardais pas ; je ne m’y sentais pas à l’aise. Car je voyais, tout autour de moi, des groupes de collègues discutant ensemble. Ils paraissaient heureux de vivre, décontractés. Or, moi, à cause des soucis auxquels j’étais confronté depuis mon arrivée, je ne l’étais pas. J’étais assez renfermé, fatigué, stressé, perdu, pour tout dire. Et pourtant, je les enviais ; j’aurai tant aimé partager les moments de joie et de bonheur qu’ils montraient. J’aurai tant aimé être aussi décontracté, apaisé, serein qu’eux. Mais il n’y avait rien à faire : le poids qui pesait sur mes épaules depuis mon retour dans la capitale, m’empêchais de profiter pleinement d’instants privilégiés tels que ceux qu’ils montraient.

 

Quelques fois, j’ai demandé à ce collègue affecté auprès de la présidente de l’Université, si je pouvais me joindre au groupe auquel il avait facilement adhéré. Il m’a promis de faire le nécessaire. Mais il m’a fallu attendre longtemps avant que je n’y sois invité. Et puis, je me suis immédiatement que ce n’était pas de bon cœur que ses participants m’acceptaient. Cela ne venait pas de ce collègue qui avait intégré l’université le même jour que moi. Non, c’était les autres.

 

Je sais que je suis qui, en groupe, au sein de la réalité quotidienne, m’ouvre difficilement. Autant, lorsque j’écris, les mots me viennent aisément. Autant je sais développer des thèmes ou des idées qui me sont chères, lorsque je les inscris sur le papier. Autant, lorsque je me retrouve en groupe, au milieu de personnes – connues ou inconnues -, et même au milieu de ma famille, j’ai le sentiment d’être un intrus. Je me renferme dans ma coquille. Les mots ne parviennent pas à sortir de ma bouche. Le brouhaha environnant m’oppresse, me terrorise.

 

Il y avait de ça, évidemment. Et depuis, ce phénomène n’a fait qu’empirer. Mais, dans ce cas précis, il y avait aussi des regards ou des sourires qui ne trompaient pas. L’effet de groupe, une fois encore. Chacun d’eux était, amical, sympathique, cordial, pris séparément. Mais, lorsqu’ils se retrouvaient ensemble au réfectoire, ils me regardaient comme si j’étais un étranger. Lorsque je mangeais seul et que je les voyais au loin, je remarquais régulièrement qu’ils me regardaient de biais, un sourire en coin aux lèvres. Comme si me voir seul, avec cette envie de me joindre à eux sans en avoir la possibilité, les amusait. Comme si ils se délectaient de ma timidité à leur égard. Comme si ils savouraient l’air supérieur dont ils étaient dotés, et qui m’excluait forcément.

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