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Mes Univers
27 novembre 2016

Aujourd'hui, j'ai 25 ans, cinquième partie :

X3Puis, au bout d’un moment, j’ai réintégré mon appartement. Mes joueurs étaient toujours là. Rien n’avait changé depuis mon départ. L’un d’eux avait pris le relais pour poursuivre la partie de jeu en cours. De toute façon, je n’avais plus envie de la présider, puisqu’ils avaient anéanti le scénario que j’avais mis tant de temps et d’énergie à créer. Je me suis réfugié dans ma chambre. Non pas pour dormir : avec le bruit que faisaient mes amis, je n’aurai pas pu. Je n’avais pas non plus la force psychique, ou la volonté de leur dire de partir. J’avais l’impression que si je leur avouais que j’étais fatigué, ils se détourneraient de moi, et qu’il n’y aurait plus jamais de partie de jeux de rôles chez moi. Alors que c’était le seul divertissement qui me permettait de rencontrer des jeunes de mon âge. Non, je suis resté dans le noir, attendant – espérant – que l’un d’eux vienne me voir pour me tenir compagnie. Que l’un d’eux se préoccupe de mon sort, qu’il me pose des questions, qu’il s’intéresse réellement à moi ; et éventuellement, qu’il m’aide à croiser une jeune femme qui n’aurait pas peur de mon handicap et de ma tâche de naissance. Pour me regarder et m’apprécier comme un homme à part entière. Néanmoins, jusqu’à ce jour, ce miracle n’a jamais eu lieu.

De fait, le seul refuge qu’il me reste, c’est de poursuivre mes investigations intellectuelles. Que ce soit à la Bibliothèque de l’Arsenal avec la bénédiction de mes supérieurs en dehors de mes heures de travail. Que ce soit à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, dans le bâtiment principal de la Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu, ou ailleurs. C’est la seule porte de sortie qu’il me reste afin de donner un sens à mon existence. Un jour, peut-être, écrirai-je mes mémoires ? Un jour, peut-être, raconterai-je ces années de cauchemar qui m’ont poursuivi lors de ce qu’on prétend être « l’Age d’Or » de n’importe quel être humain. Ces années entre adolescence et jeune adulte où tout est possible, où tout est faisable. Mais, moi, je sais que ce n’est pas vrai.

Pour certains et certaines, si bien entendu. Or, dans mon cas, je suis trop conscient des différences dont je suis le porteur, pour croire en de telles choses. Je n’ai qu’un moyen de survivre au sein de ce monde brutal, sans pitié, qui me broie et qui me brule : les livres. Seuls eux m’apportent cette sérénité, ce calme, cette paix de l’âme, cette ouverture vers quelque chose qui me touche au plus profond de mon cœur. Eux ne me trahissent pas, eux ne m’abandonnent pas. Eux ne me méprisent pas, eux ne me repoussent pas. Eux ne me jugent pas, eux ne me condamnent pas.

C’est comme lorsque j’écris mes scénarios, mes nouvelles, mes récits. La Bibliothèque Nationale dont j’arpente les couloirs en tous sens, muni de mon carnet de notes et de mon crayon afin de marquer les références des livres que j’aimerai consulter ultérieurement, est un havre. Je m’y sens chez moi, à ma place. Elle m’autorise à découvrir un univers de connaissance dont je n’ai jamais imaginé l’étendue jusqu’alors. Et je m’abreuve sans cesse aux sources de ce savoir faramineux. Je suppose que celui-ci me maintient debout malgré toutes les épreuves de l’existence. Si je ne l’avais pas eu à portée de la main, je pense qu’il y a longtemps que je me serai suicidé. Et puis, qui sait, un jour, toutes les notes que j’en accumule me permettront peut-être d’écrire une saga romanesque que je pourrais publier chez un éditeur digne de ce nom ? Peut-être mes recherches sur l’Histoire, la Mythologie, la Philosophie, la Religion, etc. engendreront des textes que des gens apprécieront de lire, de partager, d’échanger. Peut-être, dès lors, ces personnes ne s’arrêteront pas à mon visage, à mes cicatrices, à mon handicap ? Peut-être des jeunes femmes oseront-elles m’aimer pour l’homme que je suis réellement, et non pour la plastique qui est la mienne. Peut-être…

Aujourd’hui, alors que nous sommes au milieu des années quatre-vingt-dix, j’en rêve. J’aimerai tant que dans vingt ans, ce soit le cas. En tout cas, pour le moment, ce soir, je ne sais pas encore ce que je vais faire. Surement rentrer chez moi, manger, dormir jusqu’à demain midi, avant de rejoindre mes camarades chez celui qui organise les parties de jeux de rôles « Vampire ». Néanmoins, il faut maintenant que je me dépêche de finir de me raser, de me doucher, de m’habiller en costume-cravate. Si je ne souhaite pas être en retard à la Bibliothèque de l’Arsenal pour son horaire d’ouverture…

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