Prométhée :

Des maux aux mots, il n'y a qu'un pas ; une frontière qui se meut en permanence aux fins fonds de mon esprit tourmenté. Ces maux qui me hantent jour et nuit, et que je crie à la face du monde, lorsqu'en mots je les transforme. Ils sont inscrits dans ma chair, ils s'écoulent de mon âme en permanence. Ils me brisent à chaque fois que je transpire leur virulence. Ils sont présents en moi, que je le désire ou non, que je l'accepte ou non, que je les fuis ou non.

Ces maux suintent des plus infimes parcelles de mon existence. Ces mots sont ce qui me maintiens debout quoiqu'il advienne. Ils me torturent ; ils me blessent. Ils me laissent fragile, anéanti, épuisé, sur le sol de ce lieu vidé de rêves, d'espoir, et d'avenir. Ils me laissent recroquevillés dans un flaque de sang ; entouré de rires moqueurs et de cauchemars permanents. Ils se matérialisent parfois, et laissent sur mon corps des cicatrices nées des assauts de crocs acérés, de griffes recourbées, de regards démoniaques au fond desquels se dessinent d'incandescents brasiers. Ces maux, ces mots, il m'est impossible de leur échapper.

Je meurs progressivement de vivre cette lente agonie. Alors que je n'aspire qu'au repos et à la paix, qu'au bonheur et à la sérénité. Mais c'est aux feux de l'Enfer auquel je suis voué.

Ceux et celles qui me sont chers n'apparaissent que fugitivement ; ils me laissent, un instant, croire en autre chose que ce à quoi je suis enchainé. Puis, ils s'évanouissent subitement, brutalement, me destinant à ce Néant dont j'ai été tiré fugitivement.

Et, tel Prométhée dont le foie est dévoré chaque matin pour un oiseau de proie affamé, avant de décéder. Je renais chaque soir pour être envahi de songes éphémères, avant que la réalité du lendemain ne s'écrive une fois de plus en lettres de sang...