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Mes Univers
31 mars 2017

Sclérose en plaques et justice :

134Je me nomme Dominique Capo. Je suis né le 22 Octobre 1969 à Marseille. Je suis le compagnon de Vanessa Ruiz, qui est née le 21 Octobre 1973. Nous sommes en couple depuis Septembre 2004 ; nous sommes pacsés depuis Aout 2012.

 
Si je vous fais parvenir cette missive particulièrement longue au nom de ma compagne, c'est qu'elle et moi avons besoin de spécifier certains points.
 
En effet, il faut savoir que nous sommes tous les deux des personnes handicapées. Vanessa a une légère atrophie du cervelet. Cet état la rend plus lente, et sujette, parfois, à des pertes d'équilibre. Néanmoins, cette atrophie du cervelet n'est pas destinée à évoluer ou à régresser.
 
Elle a aussi une sclérose en plaques. Nous avons découvert cette maladie au mois de Mai 2012. Elle a été hospitalisée un mois afin que son neurologue lui fasse passer tous les examens médicaux possibles et imaginables. C'était à la suite d'une perte subite de la motricité de ses membres inférieurs. Ensuite, elle a séjourné un mois au centre de rééducation de Siouville. Elle y a suivi des séances de kinésithérapie intensives pendant un mois.
 
Les maux liés à cette sclérose en plaques, eux, par contre, sont évolutifs. Vanessa prend des médicaments régulièrement afin de les résorber au maximum. Elle a des rendez-vous semestriels avec le docteur Lebiez dans le but d'en surveiller la progression. Elle est également examinée une fois par un par un urologue au CHU de Caen. Car la sclérose en plaques peut avoir des conséquences sur le fonctionnement de ses reins. Pour autant, son état est stable.
 
Des infirmiers viennent chez nous une fois par semaine pour lui administrer de l'Avonex en piqûre. L'Avonex est le régulateur des symptômes de la sclérose en plaques. Nous avons une aide-ménagère qui nous rend visite trois fois par semaine. Comme Vanessa ne peut plus s'occuper d'un certain nombre de tâches, j'en prends un grand nombre à ma charge – dîner, courses, démarches administratives, gestion des revenus du couple, etc. Pour le reste, c'est notre aide-ménagère qui s'en occupe. Nous sommes très bien organisés. C'est un système qui fonctionne parfaitement.
 
Pour ma part, je suis également handicapé. Mais cet handicap est d'une autre nature. J'ai un angiome facial interne et externe sur le haut du coté gauche de mon visage. Il ressemble à une sorte d'éponge constituée de milliers de petits vaisseaux sanguins. Ceux-ci s'imbriquent partiellement aux marges de mon cerveau. En conséquences, à l'age de six mois, j'ai été la victime de graves crises de convulsions qui ont entièrement paralysé le coté droit de mon corps. Les spécialistes nomment ce phénomène : la « maladie de Sturge-Weber ».
 
Pendant une vingtaine d'années, j'ai suivi des séances de kinésithérapie jusqu’à trois fois par semaines. Mais j'ai eu d'autres crises de convulsions tout le long de mon enfance et de mon adolescence. Elles m'ont conduit à plusieurs reprises à l’hôpital. Je prends malgré tout des médicaments. Ils sont essentiels pour qu'elles soient les moins fréquentes et les moins violentes possibles. De fait, désormais, à chaque fois que j'ai une crise de convulsions – c'est à dire très épisodiquement -, elle ne dure que cinq minutes environs. Je sais la gérer : je m'assieds afin de me décontracter. Elle se dissipe peu à peu d'elle-même.
 
Depuis que j'ai à peu près vingt ans, j'ai récupéré une fraction non négligeable de la motricité du coté droit de mon corps. Au point que, longtemps, j'ai travaillé. Je suis actuellement en recherche d'emploi. je cherche toujours activement, et je touche dans ce but une Allocation Spécifique de Solidarité – ASS. Depuis que je suis enfant, je suis reconnu handicapé à 90 %. Je bénéficie une Allocation Adulte Handicapé. Mais, avant tout, je me consacre Néanmoins, dans le contexte de Crise actuel, et devant m'occuper journellement à Vanessa et à sa maladie.
 
Aujourd'hui, en attendant des jours meilleurs en ce qui concerne un travail « officiel », je suis écrivain. C'est pour cette raison que cette lettre peut vous paraître très – trop - longue. Puis, il me semble nécessaire de vous décrire avec le plus de précision pourquoi Vanessa et moi vous contactons. L'écriture est donc autant ma vocation que ma passion. Mon emploi à la Bibliothèque Nationale de 1992 à 1995 n'y est pas étranger. Je suis un lecteur insatiable, un curieux de tout. Et les textes que je rédige – j'en ai publié deux – ont un petit succès sur les réseaux sociaux ou les sites consacrés à la littérature. En ce moment, je suis en train d'élaborer – entre autres - un ouvrage sur les « Origines idéologiques et ésotériques du Nazisme ». Et c'est pour cette raison que cette lettre peut vous paraître longue.
 
Durant les années quatre-vingt-dix, j'ai aussi subi un certain nombre d'interventions de chirurgie esthétique. Je désirais effacer la part visible de cet angiome facial. Nous étions alors aux balbutiements de cette technique. Ce n'a pas été très concluant : mon visage laisse depuis lors apparaître quelques cicatrices. Mon œil gauche est légèrement plus lourd que l'autre.
A mon initiative, quelques mois après le début de notre relation, Vanessa est allé voir un Neurologue : le Docteur Lebiez. C'est un praticien reconnu. C'est lui qui, après un IRM, nous a révélé qu'elle avait une atrophie du cervelet. Jusqu'alors, ses parents avaient entrepris un certain nombre de démarches pour savoir pourquoi elle était depuis toujours lente et malhabile. Toutefois, les examens qu'ils ont demandé aux différents médecins auprès de qui ils se sont adressé n'ont jamais mis cette anomalie en évidence.
 
A la décharge des parents de Vanessa, il faut souligner qu'ils ont entrepris ces démarches dans les années soixante-dix. C'était une époque où repérer ce genre de mal était beaucoup plus difficile qu'actuellement. Ensuite, Vanessa est l’aînée de trois enfants. La sœur qui vient juste après elle n'a pas de problèmes de santé. Sa cadette, par contre, est atteinte d'autisme au dernier degré. Elle ne marche pas, ne parle pas, a le comportement d'un bébé de deux ou trois ans. Il faut la nourrir, la laver, l'emmener au WC, j'en passe. L'attention des parents de Vanessa s'est très tôt quasi-exclusivement concentrée sur sa prise en charge. En désespoir de cause, ses parents n'obtenant aucune réponse satisfaisante des médecins, ils en ont conclu que Vanessa était « naturellement » lente et maladroite. Ce n'est que lorsque je l'ai conduit, après son IRM pour la première fois chez le docteur Lebiez que nous avons réalisé qu'elle a une atrophie du cervelet.
 
Dans la foulée, j'ai entrepris toutes les démarches utiles et nécessaires afin qu'elle soit reconnue en tant que personne handicapée par la MDPH. J'ai rempli les dossiers dans le but qu'elle obtienne une Allocation Adulte Handicapée. Ce qui lui a été accordée. Et, une huitaine d'années plus tard, au cours de son séjour à l’hôpital Pasteur en Mai-Juin-Juillet 2012, a été mise au jour sa sclérose en plaques. C'est à ce moment-là que nos difficultés, à Vanessa et à moi, ont commencé.
 
Entrons dans le vif du sujet : lors de son hospitalisation, Vanessa a été vue une quinzaine de minutes par un « Médecin-conseil ». L'un des symptômes de la sclérose en plaques est qu'elle engendre des pertes de mémoire. Non pas de la mémoire à long terme, mais de la mémoire immédiate. Elle a donc « omis » de transmettre à ce Médecin-conseil que, depuis une huitaine d'années elle vivait en couple avec moi ; autonome et indépendante. N'étant pas informée de cette situation, le Médecin-conseil – en toute bonne foi – a préconisé une option inutile : qu'elle soit placée sous tutelle.
 
Le malheur est que Vanessa est, en outre, une personne très introvertie ; et notamment face à ses parents. Avant de me rencontrer, elle a toujours vécu chez eux. Ils ont été ses repères et ses référents exclusifs, Ils ont, de plus, chacun, de très fortes personnalités. Vanessa n'a jamais osé s'affirmer devant eux. Du fait de leurs soucis avec leur cadette autiste, Vanessa a toujours été considérée comme la cinquième roue du carrosse de sa famille. Elle n'a jamais eu son mot à dire, y compris pour les décisions ou les choix qui la concernaient.
 
Autre difficulté venant s'ajouter aux précédentes pour Vanessa : ses parents sont exclusifs. Sa famille forme une cellule clanique. Et ses parents ont toujours vu en elle une enfant qu'ils devaient protéger en se mêlant de tout ce qui la concerne. Malgré qu'elle et moi soyons en couple depuis longtemps, c'était encore le cas en 2012. Dès lors, lorsqu'ils ont reçu la recommandation de ce Médecin-conseil, ils l'ont suivi sans réfléchir. Sans lui demande son avis, ils ont enclenché la procédure de mise sous tutelle.
 
Vanessa est, pour une fois, légèrement sorti de sa coquille. Elle a tenté de faire entendre sa voix : elle ne désirait pas être mise sous tutelle. En conséquences, elle a écrit à ses parents. Je l'ai aidé dans sa démarche. Mais ils ont fait la sourde oreille. Vanessa, soutenue par moi, a essayé de sonner à toutes les portes. Ensemble, nous avons contacté assistante sociale, famille, amis, médecins pour qu'ils nous aident à les raisonner. Rien n'y a fait. Puisque le Médecin-conseil leur avait suggéré de placer Vanessa sous tutelle, ils étaient déterminés à aller jusqu'au bout de cette démarche.
 
Pire encore : le jour où son Neurologue nous a tous réuni afin de nous expliquer de quelle maladie Vanessa était atteinte, ses parents s'en sont pris à moi : d'après eux, si Vanessa avait la sclérose en plaques, c'était de ma faute. J'aurai dû faire le nécessaire pour freiner son mal avant. Je profitais depuis toujours de Vanessa. Je ne l'aimais pas. Si je n'étais pas handicapé, son père « m'aurait cassé la gueule » - ce sont ses propres mots. Et il ne serait heureux que le jour où Vanessa me quitterait. Elle méritait un autre homme que moi.
 
Je suis ressorti de cet entretien et de cette volée de réprimandes K.O. Il m'a fallu plusieurs jours pour m'en remettre. Et j'avoue que, par la suite, pendant plusieurs mois, j'ai eu peur pour mon intégrité physique. J'étais terrifié que le père de Vanessa mette ses menaces à exécution. Au point que j'en ai informé le maire de Valognes. Lequel m'a conseillé de le prévenir immédiatement si quelque incident se produisait. Au point que durant cette période, j'en ai subi des crises d'angoisse : chaque matin, dès que je sortais du lit, je courrais aux toilettes pour vomir. Ça a duré six, huit mois environs. Puis, progressivement, ça a disparu. C'est juste pour souligner le fait que, moi aussi, j'ai été perturbé par cet engrenage dans lequel Vanessa et moi avons été entraînés malgré nous.
 
Vanessa, elle, était surtout anxieuse d'être mise sous tutelle. Elle avait conscience que si c'était le cas, elle ne pourrait plus être autonome et indépendante en tant qu'adulte. Elle avait consciente que si ses parents s'ingéraient de cette manière dans son existence, jamais elle ne pourrait vivre sa vie d'adulte. Elle avait conscience que sa vie de couple serait en péril.
 
Les parents de Vanessa, eux, ont supposé que sa sclérose en plaques et sa légère atrophie du cervelet, la mettaient en danger. Qu'elles les les rendaient incapable de jugement, de réflexion, de compréhension. Son Neurologue a pourtant déclaré que ces maux ne sont pas mortels. Elle n'est pas dégénérative vis-à-vis de sa conscience d'elle-même ou de son environnement. Elle demeure – et demeurera – apte à prendre des décisions et à les assumer. Ils sont néanmoins restés arc-boutés sur leurs certitudes.
 
J'ai longuement interrogé le Neurologue de Vanessa afin de savoir ce à quoi je devais m'attendre. Je l'ai questionné sur de quelle manière je devais me préparer à gérer notre quotidien à l'avenir. Il m'a répété que ce sont essentiellement les muscles, et éventuellement les reins, qui sont atteints par cette maladie. Il m'a également appris que Vanessa pouvait aussi être sujette à des pertes de mémoire immédiate. Toutefois, il a insisté que le pire qui puisse lui arriver, c'est de se retrouver en fauteuil roulant. C'est d'avoir besoin d'aide pour se laver, aller aux toilettes, etc. Pas de lien effectif avec ses aptitudes à prendre des décisions en pleine conscience de soi, des autres, ou de son environnement.
 
Vanessa et moi avons peu à peu compris que ses parents s'obstineraient envers et contre tout. Tant qu'ils n'auraient pas atteint l'objectif qu'ils s'étaient fixés ils ne s’arrêteraient pas. Ils ont dès lors usé de chaque occasion où ils rencontraient Vanessa seule pour semer la discorde entre nous. A chaque fois, c'était afin de la convaincre que la tutelle était la meilleure option pour elle. Dépité, se sentant trahie, Vanessa a fini par couper les ponts avec ses parents dans le but de se protéger ; mais aussi de protéger son couple.
 
Vanessa et moi avons dû prendre un avocat pour qu'il défende les intérêts de ma compagne. Hélas, celui-ci n'a pas été efficace : Nous lui avons rendu visite une fois à son cabinet de Cherbourg. Nous lui avons expliqué ce à quoi nous étions confrontés. Il a été froid. D'emblée, il nous a réclamé 800 euros pour s'occuper de l'affaire jusqu’à ce que nous soyons devant le juge. Il a questionné Vanessa, comme si je n'existais pas. Alors que c'est moi qui, au quotidien, m'occupe d'elle. Ce sont en effet des aspects qui la dépassent, pour lesquels elle n'a aucune connaissance – j'ai quelques bases, pour ma part -, et dont elle ne se soucie pas. Il est vrai, aussi, que ses parents, en toute bonne foi, ont toujours tout fait pour elle. Ensuite, par commodité, elle a préféré que ce soit moi qui la représente.
 
Vanessa s'appuie depuis toujours sur moi. Elle n'a pas confiance. Elle baisse vite les bras lorsque des épreuves se dressent devant elle. Vis-à-vis de ses parents, elle n'ose pas s'exprimer librement. puisque depuis toujours. Elle a en permanence l'impression d'être été bridée par ses parents eux du fait de leur forte personnalité. De peur qu'ils l'abandonnent, qu'ils l'oublient, qu'ils la négligent, elle se figure que se soumettre à ce qu'ils pensent être le mieux pour elle les rapprochera d'elle. Elle redevient la petite fille qui ne veut pas leur faire de peine.
 
Mais, en même, temps, elle juge qu'ils ne lui demandent jamais son avis. Et comme Vanessa voit que je suis prompt à réagir, elle s'en remet à moi. Elle sait que je révélerai à ses parents ce qu'elle souhaiterait leur exprimer si elle en avait la force morale. elle sait que je prends les problèmes à bras le corps immédiatement.
Par contre, avec moi,lorsqu'il y a quelque chose qui ne lui plaît pas, elle sait défendre ses arguments. Quand elle désire ou ne désire pas quelque chose, elle n'hésite pas à insister. Elle fait en sorte que je n'oublie pas son opinion, son choix, ou son besoin.
 
Elle sait encore que je m'empare de n'importe quel souci du quotidien pour le résoudre au plus tôt. Elle sait qu'elle peut me faire confiance pour qu'administrativement, financièrement, médicalement, etc., tout soit toujours en ordre. Et le fait est que depuis que Vanessa et moi sommes en couple, nous n'avons jamais eu de soucis dans tous ces domaines. Nos comptes bancaires ont toujours été – sont toujours - dans le vert.
Or, vous le savez autant que moi, les préconisations d'un Médecin-conseil s’arrêtent à ce dernier aspect. Il examine les ressources et les dépenses de l'homme ou la femme que l'on envisage de mettre sous tutelle. Et, il s'avère, dans ce cas précis, que tout était parfaitement organisé.
 
Vanessa et moi nous souviendrons toute notre vie du jour où le juge a rendu sa décision. L'ambiance était glaciale. Tout d'abord, Vanessa et ses parents ont été reçus seuls. Pour ce qu'elle m'en a relaté plus tard, le juge a demandé à ces derniers pour quelle raison ils songeaient à mettre leur fille – majeure – sous tutelle. Ils lui ont expliqué que c'était le Médecin-conseil de l’Hôpital Pasteur qui leur avait préconisé cette solution. C'était, ont-ils affirmé, afin de la protéger. Ils étaient inquiets pour son avenir. Que deviendrait-elle s'ils disparaissaient ?
 
Evidemment, durant cet échange, ils n'ont jamais souligné que Vanessa était en couple depuis presque dix ans. Pour eux, j'étais inexistant ; et encore plus depuis les mots terribles qu'ils avaient prononcé à mon encontre.
 
Puis, le juge leur a énuméré les trois options qui s'offraient à lui : la tutelle ; la plus contraignante et la plus humiliante. Elle condamnait Vanessa à être dépendante financièrement d'une tierce personne à vie. La curatelle renforcée ; un peu moins assujettissante. Pour autant, Vanessa n'aurait pas le droit d'avoir de chéquier, ou de carte bancaire « normale ». La seule autorisée serait celle consentant à une somme minime d'argent liquide par semaine. Cinquante ou cent euros par exemple. Autrement, elle devrait passer par sa curatrice. Enfin, la curatelle simple : là, sa curatrice gérerait pour elle ses comptes d’Épargne. Elle pourrait néanmoins user de son compte courant sans contraintes. Elle détiendrait un chéquier et une carte bancaire habituels.
 
Notre avocat et moi sommes alors entrés dans son bureau. Et le juge nous a, à notre tour, demandé notre avis sur la question.
Notre avocat a commencé. Pour lui, tous les documents qu'il avait en sa possession et que nous lui avions fourni, démontraient que les comptes de Vanessa ou du couple étaient bien gérés.
Administrativement, tout était en ordre. Il ne comprenait pas l’intérêt d'une telle mesure à son encontre. De mon coté, j'ai insisté sur le fait que Vanessa était triste et malheureuse de cette initiative de la part de ses parents. Ils avaient décidé seuls, effectué les démarches seuls. Ils ne l'avaient jamais questionné sur ce qu'elle désirait ou en pensait. Au contraire, épaulée par moi, elle avait déployé des efforts inimaginables afin qu'ils se rendent compte qu'elle n'en voulait pas ; en vain.
 
J'ai aussi souligné que j'étais en permanence présent. Je m'occupais d'elle journellement pour l'ensemble de ses besoins. A ce que je voyais, en usant de cette méthode, ont l'infantilisait. On l'humiliait, c'était incontestable. Ses parents montraient ainsi leur volonté de s'ingérer dans sa vie de couple. Et, en fait, ce n'est pas Vanessa qui serait mises sous tutelle, mais moi, ai-je conclu. Puisque c'est moi qui me chargeait de son quotidien.
 
Le juge a pris la parole pour délibérer. Tout d'abord, il a confirmé que nos finances et nos obligations administratives étaient parfaitement conduites. Il n'avait rien à nous reprocher dans la manière dont notre couple fonctionnait. Il a relaté qu'il avait déjà eu à faire à des cas bien plus grave que celui de Vanessa. La justice n'avait pas estimé nécessaire de les protéger. Il a raconté que, mème si, un jour, elle était en fauteuil roulant, si ses facultés intellectuelles fonctionnaient normalement, si elle avait conscience d'elle-même, des autres, de son environnement, etc., nul besoin de mettre en place une telle mesure.
 
cette déclaration émise, le silence s'est fait dans le bureau du juge. Je me rappelle encore ses allées et ses venues tandis que sa greffière notait tout. Il a réfléchi, a hésité. Nous étions tous suspendus à ses lèvres. Puis, il a dit qu'une tutelle simple était la meilleure solution. C'était ce qui convenait pour un cas comme celui de Vanessa. Ce n'est que mon avis personnel, mais selon moi, il a choisi la curatelle simple pour apaiser les parents de Vanessa. Je reste convaincu que si ceux-ci n'avaient pas lourdement insisté, elle y aurait échappé.
 
Aussitôt, les parents de Vanessa se sont emporté. Son père a fait une esclandre. Il a hurlé qu'il ne comprenait pas pourquoi le médecin-conseil leur avait suggéré que cette tutelle si le juge ne l'ordonnait pas. Il est vrai que le père de Vanessa s'emporte facilement. Il s'est levé, suivi de son épouse. Il a claqué la porte en sortant. Nous l'avons entendu dévaler les escalier tout en maudissant le juge et en m'invectivant.
 
Les coordonnées de la curatrice de Vanessa étaient jointes à la décision officielle du juge que nous avons reçu deux semaines plus tard. J'ai donc immédiatement téléphoné à celle-ci. Nous l'avons rencontré très rapidement. Nous lui avons expliqué la situation de Vanessa.
 
En fait, c'est plus moi que Vanessa qui ai discuté avec cette personne. curatrice. Ses locaux se situaient à moins d'une centaine de mètres de notre domicile, nous a-t-elle dit. Cela faciliterait les choses. madame Lecarpentier – tel est son nom - est une femme très gentille, très ouverte, très compréhensive. Elle a toujours pris en compte nos intérêts, besoins et nos désirs à tous les deux ; et non pas seulement ceux de Vanessa. Ça a beaucoup aidé. Nous lui avons décrit le pourquoi et le comment de sa demande d'intervention de la part du juge. Et elle s'est très vite aperçu que le dossier de Vanessa serait très simple. Les jours suivants, elle a rendu visite aux parents de Vanessa. Elle souhaitait évaluer par elle-même le motif sa mandature. Et quand deux ou trois jours après, elle est revenu pour nous en détailler le résultat, elle son échange avec eux, son constat a été le même que le notre : les raisons de son office avaient peu de sens. Les certitudes des parents de Vanessa étaient erronées.
 
Madame Lecarpentier nous a, en effet, précisé que les parents de Vanessa s'imaginaient qu'elle allait prendre en charge les relations de Vanessa avec son neurologue. Elle leur a dit que ce n'était pas dans ses attributions. Ils supposaient, a-t-elle poursuivi, qu'elle conduirait Vanessa régulièrement chez eux. Ainsi, ils pourraient passer un moment en sa compagnie. Elle leur a répliqué, selon ses propres termes « qu'elle ne faisait pas le taxi ». Elle leur a souligné qu'elle n'avait de comptes à rendre qu'à Vanessa et au juge. Leurs espoirs de reprendre l'existence de leur fille en main ont dès lors fini de s'envoler. Madame Lecarpentier, Vanessa, et moi, avons été très amusé par tant de naïveté après coup. Il est d'ailleurs à remarquer qu'à l'issue de cet entretien, les parents de Vanessa n'ont plus jamais demandé après madame Lecarpentier.
Au début, afin de réaménager quelques détails financiers anodins, nous avons rencontré madame Lecarpentier assez régulièrement. Mais c'était moi qui démarchais les organismes concernés. Ce n'était pas trop astreignant ou compliqué. Et ça n'a duré que quelques mois.
 
Peu à peu, toutefois, nos rendez-vous se sont espacés. Ce n'est, par exemple, que lorsqu'il a fallu renouveler le dossier d'AAH de Vanessa – ou le mien – que nous avons fait appel à elle. Quand, exceptionnellement, il a été nécessaire de remplir des documents qui m'interpellaient, et où je craignais de faire des erreurs, je prenais contact avec elle. Nous nous en acquittions ensemble ; ça rassurait Vanessa, et anxieux que j'étais à l'époque, ça me rassurait aussi.
 
La présence de madame Lecarpentier, si elle n'était pas vitale – nous aurions pu nous tourner vers une assistante sociale – nous a donc éphémèrement été utile. Ensuite, nous n'avons eu besoin de ses services qu'occasionnellement. Elle a d'abord, tenu à ce que nous fassions le point sur nos besoins une fois par trimestre. Puis, ça a été de plus en plus irrégulier. Et désormais, sauf exception, elle dépose des documents qu'elle reçoit au nom de Vanessa dans notre boite aux lettres. Vanessa les signe au cas échéant. Et je vais aussitôt jusqu'à son cabinet pour les y déposer.
 
Aujourd'hui, nous sommes à peu près quatre ans et demi plus tard. L'échéance du renouvellement éventuel de la curatelle de Vanessa approche. Et je suis certain, Madame, Monsieur, que vous vous posez la question suivante : quel est l'objet de cette longue missive ? Ne vous inquiétez pas, j'y viens.
 
La situation a évoluée depuis les faits que j'ai détaillé précédemment. Cette mise sous curatelle a eu de nombreux effets pervers : le plus symptomatique est que, depuis sa mise en place, Vanessa a baissé les bras. Évidemment, l'évolution des symptômes de sa sclérose en plaques y est pour quelque chose. Mais pas seulement. Elle part également du principe que des personnes sont là pour la soulager de tâches qui ne lui apportent aucune satisfaction. Aide-ménagère, infirmiers, kinésithérapeute, moi… s'occupent de tout. « Donc, pourquoi s'en soucier ? ». « Pourquoi s'en inquiéter alors que Dominique y pourvoit également en permanence ? ».
 
Elle s'est très vite détourné d'obligations autant intellectuelles que physiques. Elle a progressivement délaissé cuisine, ménage, linge, courses, etc. Elle s'est engoncée dans quelques habitudes. Elles rythment désormais son quotidien. Elle a abandonné tout le reste. Si ce n'est nettoyer la vaisselle du matin après le petit-déjeuner. Sortir un plateau-repas vite réchauffé au micro-onde le midi. Déblayer la table où on déjeune et on on dîne le soir. S'exercer sans efforts trente minutes au vélo d'appartement en début d'après-midi. Se laver et s'habiller le matin. Se mettre en pyjama et robe de chambre le soir vers vingt heures. Dans la foulée, préparer nos médicaments. Attendre que je la rejoigne à l'issue de ma session d'écriture – mon travail - vers 16h30 ou 17h. Se pencher sur des magazines de mots-croisés durant ce laps de temps. Rien de plus, rien de moins. Tout le reste, c'est moi, son compagnon, qui le régit.
 
Ce qui captive essentiellement son attention, ce sont les images qui défilent sur l'écran de télévision. C'est plus fort qu'elle. Un rien la distrait. Néanmoins, la télévision l'attire comme un aimant. Rien d'autre n'existe au sein de son univers. Savoir quel film ou quelle émission je vais lui proposer de visionner en fin d'après-midi, puis, après dîner, est son unique préoccupation. Tout le reste, elle l'a évacué de son ordinaire. Et quand elle est condamnée à affronter une quelconque difficulté, si minime soit-elle, elle s’apitoie sur son malheur. Elle se lamente au sujet de sa maladie et de son handicap. Elle pleure toutes les larmes de son corps.
 
Il est vrai que sa sclérose en plaques a progressé. Nul ne peut le nier. C'est une maladie évolutive, donc celle-ci évolue. Tous les soins apportés à Vanessa pour la freiner ne font que retarder l'inéluctable. Il ne faut pas être naïf. Néanmoins, parfois, Vanessa profite de son état. Et lorsqu'elle le veut, sa mémoire est excellente. Elle peut aussi s'avérer déterminée, tenace. De plus, elle n'hésite pas à me rappeler ce pour quoi elle éprouve un attachement. Or, comment réussir à déterminer quand c'est sa maladie qui la dessert, ou quand c'est elle qui en joue ?
Un autre effet pervers concerne ses fuites urinaires. Elle en a de très épisodiques durant ses heures de sommeil. Pour s'en protéger Vanessa met des protections. Malheureusement, la majorité du temps, parce qu'elle est bien au chaud au fond de son lit, elle urine sur elle pour éviter d'avoir à se lever. Et à chaque fois, c'est moi, son compagnon, qui intervient. Je suis obligé de descendre jusqu'à la poubelle commune de l'immeuble pour y jeter sa protection souillée.
 
Vanessa attend que ce soit moi qui m'occupe de tout. Je prends ses rendez-vous médicaux divers et variés. Ça ne me dérange pas outre mesure. Je n'en n'ai jamais pour longtemps : un coup de fil, noter l'heure et le jour sur le calendrier, appeler le taxi-ambulance. Ce n'est pas très astreignant, je le reconnais. C'est encore moi qui vais avec elle à ses rendez-vous semestriels avec son neurologue ; ou annuels avec son urologue. Je dois dès lors lui rendre des comptes de l'évolution de sa maladie. Et éventuellement, j'ai à me justifier devant sa curatrice ou devant le juge.
 
Cette épée de Damoclès est en permanence suspendue au-dessus de ma tète. Elle ne quitte jamais mon esprit. Et c'est un facteur d'inquiétude chronique. Je n'ai le droit à aucune erreur, j'en suis perpétuellement conscient. C'est aussi perturbant, avilissant, de devoir être celui qui a obligation de s'expliquer au cas échéant. Les parents de Vanessa le jour où le Docteur Lebiez nous a annoncé de quoi elle était atteinte, me l'ont bien fait comprendre.
 
Jusqu'à il y a peu, et en conséquences de leur attitude vis-à-vis d'elle, Vanessa a coupé les ponts avec ses parents. Longtemps, elle ne leur a pas pardonné leur désir de la mettre sous tutelle. Elle en a été profondément choqué : constater qu'ils n'avaient pas l'intention de l'écouter, et de prendre en compte son avis l'a meurtri. Tout essayer pour qu'ils entendent que je n’exerçais aucune emprise sur elle afin d'aller contre leur décision, l'a affligé. Et ne pas réussir à se faire entendre d'eux, l'a irrémédiablement éloignée d'eux.
 
Tout le long de cette période pourtant, Vanessa leur a tendu des perches Elle a, à plusieurs reprises, renouer le contact. La seule condition en était que je trouve à ses cotés. C'était pour l'aider à se déplacer. C'était également pour être rassurée : elle était inquiète que ses parents ne l'invectivent. Il est a signaler que c'est ce qui s'est passé l'unique fois où elle leur a téléphoné pour prendre de leurs nouvelles. Elle espérait ainsi que je m'exprime en son nom si elle n'était pas d'accord avec eux, et impuissante à ce que ses mots ne les pénètre.
 
Ils n'ont jamais accepté. Et leur réaction a été de lui expédier épisodiquement une carte postale. Autrement, ils ne se sont plus manifesté à elle. L'ultime fois où nous l'avons croisé, son père a même avoué qu'il ne voulait plus de ma présence aux cotés de Vanessa s'il était amené à la rencontrer. Or, comme Vanessa estimait celle-ci indispensable pour sa tranquillité d'esprit dans cette sorte de situation, toute possibilité de retrouvailles avec eux était vouée à l'échec.
 
En Octobre 2016, la grand-mère de Vanessa est décédée. Et lors de la cérémonie funéraire qui s'en est suivie, l'occasion nous a été de revoir ses parents.
 
Je tiens d'ailleurs à préciser que cette mésentente ne concernait qu'eux et nous. Durant ces quatre ans et demi, les autres membres de sa famille ont régulièrement échangé avec nous. Par téléphone ou via Skype. Nous les avons vu, déjeuné avec eux, etc.
En tout état de cause, ce jour-là, nous avons pu converser un instant avec la mère de Vanessa. Son père, lui, est resté en retrait. Et ce n'est que mon opinion, mais je pense qu'il n'avait toujours pas surmonté sa rancœur à mon égard.
 
L'échange est resté neutre. Sa mère a toutefois demandé si elle pouvait venir visiter Vanessa de temps en temps chez nous. Elle acceptait que je sois présent. Vanessa et moi lui avons répondu qu'elle était la bienvenue ; du moment qu'elle nous prévenait un ou deux jours à l'avance.
 
La semaine suivante, la mère de Vanessa est venue chez nous. Elle est resté environ deux heures. Et la discussion a été agréable. A la fin, elle a suggéré que l'expérience se renouvelle. Vanessa et moi en avons été heureux. Enfin, lentement, à leur rythme, nos relations avec les parents de Vanessa normalisaient. Nous savions qu'il faudrait du temps pour que les blessures se cicatrisent de part et d'autre. Le processus était toutefois lancé. Désormais donc, la mère de Vanessa vient quand elle le souhaite ; en fonction, évidemment des obligations de chacun.
 
Je pense que ça sera plus long et plus difficile pour le père de Vanessa. – s'ils se déploient un jour – à se faire jour. Ses mots prononcés à mon encontre lui sont encore douloureux. De plus, il est déchiré : je lui ai volé sa fille ; elle n'est plus sous sa responsabilité. Et ça lui fait mal.
 
L'interrogation qui se pose pour les mois à venir est dès lors celle-ci : Puisque son échéance arrive à terme, la curatelle de Vanessa doit-elle être prolongée, abolie, ou renforcée ?
Comme la première fois, Vanessa ne le désire pas. Je ne le souhaite pas non plus pour toutes les raisons citées précédemment. Madame Lecarpentier pense qu'il serait préférable qu'elle soit maintenue en l'état. Or, de la même façon que son neurologue, elle s'en remet entièrement à la justice pour trancher. Quant à ses parents, nous ne connaissons pas ce qu'ils veulent. Et leur appréciation est sujette à caution du fait qu'ils n'ont pas vu leur fille durant quatre ans et demi. Néanmoins, il ne faut pas omettre qu'ils sont à l'origine de la procédure.
 
Dans ce cadre, Vanessa a rencontré le Médecin-conseil ayant jadis proposé sa mise sous tutelle à ses parents. Puisqu'elle en était dans l'obligation légale, sa curatrice en a fait la requête.
Nous sommes allé en taxi jusqu'au centre médico-social où celui-ci avait sa permanence. Après avoir patienté quelques minutes, il s'est présenté à nous – une femme d'une cinquantaine d'années, pour dire la vérité. Il a fait signe à Vanessa de la suivre. Je lui ai demandé de m'entretenir un instant avec lui. Il a refusé. J'ai insisté. Il a à nouveau refusé. J'ai indiqué que Vanessa avait besoin de mon aide pour se déplacer. Puis, je lui ai avoué que j'avais quelques mots importants à lui transmettre. Il en a été mécontent. Mais il m'a accordé cinq minutes.
 
Nous nous sommes tous trois installés dans son bureau. Il a parcouru son dossier en s'informant de l'évolution des crises d'épilepsie de Vanessa. Vanessa n'a jamais eu de crises d'épilepsie !!! Vanessa et moi avons été interloqués par cette méprise. Je lui ai alors détaillé que presque cinq ans plus tôt, Vanessa ne lui avait pas révélé qu'elle vivait en concubinage depuis presque dix ans. Il ne l'avait pas questionné à ce sujet au demeurant.
 
Ce manquement appuyant sa recommandation au juge de placer Vanessa sous tutelle, avaient occasionné de terribles dégâts familiaux. De plus, c'était moi qui avait dû gérer cette mesure tout le long de cette période. Comme j'avais maîtrisé la gestion financière et administrative du couple depuis pratiquement dix ans que nous étions ensemble. Vanessa s'en était sentie humiliée Elle avait eu l'impression d'être considérée comme une moins que rien. Ça avait était une grave erreur, à la limite de la faute professionnelle, de la part de ce médecin-conseil.
 
J'étais passablement indigné au terme de cet entretien. J'ai quitté la pièce tandis que le médecin-conseil demeurait imperturbable. J'ai attendu une dizaine de minutes que Vanessa conclue son échange avec lui. D'après ce qu'elle m'en a relaté par la suite, celui-ci ne lui aurait posé que quelques questions anecdotiques : où elle résidait, depuis combien de temps elle habitait avec moi, comment se nommaient ses parents... Rien d'extraordinaire. Puis, il l'a raccompagné et a appelé son rendez-vous suivant.
 
Une quinzaine de jours plus tard, gênée, madame Lecarpentier nous a téléphoné pour nous prévenir du résultat de cet échange. Le compte-rendu du médecin-conseil conseillait de poursuivre la curatelle. Il suggérait même de la transformer en « curatelle renforcée. Selon, madame Lecarpentier, le médecin-conseil avait longuement réfléchi avant de le rédiger. Le motif essentiel qu'il mettait en avant, toujours d'après madame Lecarpentier, était que j'étais « trop intrusif » vis-à-vis de ma compagne.
 
Les jours suivants, j'ai longuement réfléchi à son assertion. Et je suppute que ce médecin-conseil n'a pas apprécié mon intervention inopinée. Il n'a pas aimé, non plus, que je lui annonce quelles ont été les conséquences de ses suggestions catastrophiques au juge. Il a imaginé, à tort, que j'étais le seul soutien de Vanessa. Il est parti du principe que Vanessa est vulnérable : Que deviendrait-elle, si, pour une raison ou pour une autre, je n'étais plus là ? Comment pourrait-elle se débrouiller ? Vers qui pourrait-elle se tourner ? Qui gérerait son quotidien ? J'en passe… Et tout ça selon moi, ne lui a pas plu.
 
Or, son dossier ne contient pas tout ce qui fait le quotidien de Vanessa. Celle-ci n'est pas isolée. Déjà, je suis présent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En tant que compagnon, c'est moi qui pourvoie à tous ses besoins. S'il m'arrivait quelque chose, nos voisins nous connaissent un peu. Donc, sur l'instant, elle les avertirait qu'un incident – accident – s'est produit. Ses parents demeurent à une dizaine de kilomètres alentours de Valognes. Ils peuvent accourir en un quart d'heure. Notre aide-ménagère est présente trois matinées par semaine. Nous avons son numéro de téléphone, si nécessaire. Les infirmiers ou conducteurs des taxis-ambulances auxquels nous faisons régulièrement appel, se manifestent périodiquement. Son kinésithérapeute également. Plus important encore, ma mère me contacte par téléphone, ou par Skype, plusieurs fois par semaine. Elle vient nous voir chez nous assez souvent. Donc, Vanessa a de la ressource au cas où.
 
Par ailleurs, le handicap et la maladie dont je suis atteint ne sont pas destinés à évoluer. Avant de faire la connaissance de Vanessa, j'ai longtemps vécu seul. J'ai toujours été indépendant et autonome. Enfant, ma mère m'a toujours appris à trouver les ressources pour dépasser mes incapacités. Elle m'a éduqué de manière à user des moyens à ma disposition pour dépasser leurs limites. Elle n'a jamais estimé utile de me placer sous tutelle, curatelle renforcée, ou curatelle simple. Puis, je m'y serai opposé. Je n'aurai pas hésité à faire entendre ma voix haut et fort. Et après avoir emménagé avec Vanessa, et encore plus depuis la découverte de sa sclérose en plaques, j'ai en permanence appliqué cette mème méthode journellement.
 
Je le répète, si la curatelle de Vanessa est renforcée, ainsi que le prône le médecin-conseil, ce ne sera pas Vanessa qui en sera victime. Ce sera moi, son concubin !!! C'est moi qui devra la gérer. C'est moi qui serai l’interlocuteur.
 
privilégié de madame Lecarpentier. Celle-ci se tournera avant tout vers moi pour connaître les besoins de Vanessa. Je la contacterai chaque fois que nous aurons besoin de fonds, puisque Vanessa n'aura plus l'autorisation de posséder de chéquier ou de carte bancaire. Pas Vanessa. Moi, son pacsé !!! Parce que, qui plus est, elle et moi sommes pacsés depuis quatre ans.
 
Ce Médecin-conseil, n'est pas au courant de ce que je viens de mentionner. S'il en avait été informé, en aurait-il tenu compte ? Je n'en suis pas sûr. Il ne se réfère qu'à son propre jugement. Celui-ci est censé être objectif. Il est soi-disant dans l’intérêt de Vanessa. Comment aurait-il pu être avisé de l'ensemble de ces paramètres, d'ailleurs ? Il n'a croisé Vanessa que deux fois quinze minutes en l'espace de cinq ans!!! Il ne détient aucune donnée sur la manière dont Vanessa et moi fonctionnons journellement. Il n'est pas prévenu des gens qui nous entourent régulièrement. Il rédige donc un rapport qui ne se préoccupe nullement de cette réalité. Ce n'est pas dans ses attributions. Ce n'est pas quantifiable, détectable, indexable dans le dossier qu'il a sur Vanessa. Il menace de mettre en péril le couple de Vanessa. Or, ce n'est pas son tracas initial. Il ébranle celui que Vanessa s'est péniblement construit au fil de ces dernières années, mais peu importe...
 
Ces critères ne sont que financiers ou administratifs. Alors, arrêtons-nous un bref instant sur ces sujets. Si Vanessa est placée sous curatelle renforcée, elle n'aura plus le droit de détenir de chéquier. Elle ne pourra se servir que d'une carte bancaire à retrait limité. Ce même médecin-conseil ne sait pas que Vanessa n'est pas capable de marcher au-delà de quelques dizaines de mètres. Il lui faut une cane. Elle a besoin de s'appuyer sur moi pour que je l'aide à progresser. Nous n'avons pas de moyen de locomotion autonome. Nous ne nous déplaçons, par la force des choses, qu'en taxi. Ce sera donc moi, son compagnon, qui devrait aller au distributeur de billets pour y retirer son argent. Ce médecin-conseil n'y a pas songé. Lorsque nous partons en vacances dans ma famille, ma mère vient chez nous. Elle y demeure un ou deux jours, le temps de se reposer. Elle nous amène en automobile chez elle, dans la Sarthe. Vanessa ne bouge pas de son domicile toute la durée de notre séjour. Tout y est mis en place pour son bien être: elle s'y repose autant que moi, y est « chouchoutée » autant que moi. Quand elle a des rendez-vous chez le kinésithérapeute du village, c'est ma mère qui l'y conduit. C'est elle qui va la rechercher. Et quand il est question de revenir, ma mère use du même système qu'à l'aller.
 
Nos deux AAH réunies servent sert aux besoins quotidiens du couple. Mais elle en garde une fraction pour ses nécessités personnelles. Ainsi, nous effectuons nos achats alimentaires sur Internet. Nous les commandons via le drive local. Nous les payons en ligne à l'aide de notre carte bancaire commune. Puis, notre aide-ménagère. Et elle m'aide à les ranger, parce que Vanessa en est incapable ; elle fatigue trop vite pour ce genre d'exercice. Vanessa a parfois besoin d'acquérir des protections contre les fuites urinaires. C'est également par internet qu'elle se les procure. Elle a envie – nous avons envie – de se faire plaisir en s'offrant vêtements, livres, ou autre. Toujours par internet à l'aide de la carte bancaire rattaché à notre compte commun. La manucure, le coiffeur, viennent chez nous, autant pour moi que pour elle. Nous les payons par chèque – chéquier, une fois de plus, lié à notre compte commun. Quant aux dépenses incompréhensibles comme le loyer, EDF, etc. tout est prélevé automatiquement sur notre compte commun.
 
Il n'y a que son assurance, le salaire de l'aide-ménagère, des économies qu'elle transfère chaque mois sur un compte d'épargne, qui sont exclusivement à sa charge. Et comme seulement les deux tiers de son AAH est déplacé sur notre compte commun -contrairement à la mienne qui l'est totalement -, elle recoure au reste dans ce but. Pour ma part, j'en fais de même de mon coté avec mon ASS – Allocation Spécifique de Solidarité en tant que demandeur d'emploi actif - pour mon assurance, mon compte d'épargne, etc. Nous sommes donc parfaitement organisés. A tel point que nous avons un tableau excel sur lequel nous recensons toutes nos dépenses par chèque ou carte bancaire. Nous y faisons une petite croix lorsque nous sommes débités de la somme appropriée. Nous sommes donc au courant au jour le jour des revenus dont nous disposons. Et nous ne sommes, de fait, jamais à découvert financièrement parlant.
Or, que va t-il se produire si la justice suit les recommandations de ce médecin-conseil ? Avec cette curatelle renforcée qui la guette et la terrorise, celle-ci va lui retirer définitivement chéquier et carte bancaire ? Va t-elle, davantage qu'elle ne la fait précédemment, entraver la gestion de son quotidien ; de son couple et du mien par la même occasion ? Notre couple est, depuis les débuts de notre relation, extrêmement solide. de son couple. Il a traversé de multiples épreuves depuis quatorze ans. Par cette éventuelle décision, ce dernier va être fragilisé, mis en péril. Vanessa ne pourra plus participer à hauteur de ses revenus à son fonctionnement de celui-ci. Nos AAH vont se retrouver irrémédiablement séparées. Celle de Vanessa va être en permanence surveillée, contrôlée, par un tiers. Vanessa devra demander l'autorisation à sa curatrice afin d'en disposer. Toutefois, ce sera moi qui la démarchera. C'est moi qui m'emploierai à aller au distributeur pour lui fournir le minimum de liquidités qu'on aura bien voulu lui accorder.
 
Tout ceci, nul n'y a réfléchi. Le seul critère aura été que je sois « trop intrusif ». Alors que cet arbitrage engendrera d'innombrables problèmes pour Vanessa, pour notre couple, et pour moi. En désirant la protéger, elle deviendra encore plus vulnérable. Elle sera encore plus dépendante de moi. Pire encore si c'était une tutelle qui était envisagée.
 
Il est vrai cependant que ni un médecin-conseil, ni un juge n'a à se préoccuper de cette sorte de considérations. Ce n'est pas leur affaire de contribuer à briser un couple heureux, épanoui, depuis quatorze ans. Nos handicaps et maladies respectifs ne nous simplifient pas l'existence. Ils ne l'ont jamais fait. Pour autant, nous avons su – nous savons - surmonter ensemble ces obstacles. Nous avons réussi – nous réussissons - à trouver notre plénitude.
Et tout cela remis en question à cause de la prescription faussée d'un médecin-conseil. C'est une personne qui ne sait rien des tenants et des aboutissants de notre situation, c'est indéniable. Mais la machine judiciaire l'écoute et l'approuve trop souvent les yeux fermés. Mise en mouvement il y a cinq ans, elle s’apprête à commettre une faute encore plus funeste qu'alors. Et aujourd'hui, elle est sur le point d'engendrer d'implacables dégâts. Froide, sans état-d'âme, elle va nous broyer. Ne se référant qu'à des dossiers, qu'à des comptes-rendus d'experts méconnaissant leur sujet, elle va être brutale avec nous. Elle va décider de notre sort et être impitoyable. Parce que nous sommes happés par elle sans que nous puissions lui échapper, elle va détruire tout ce à quoi nous tenons.
 
Elle ne va s’enquérir que de nos finances. On ne sait jamais, au cas où j'abuserais matériellement de Vanessa ; après quatorze ans de concubinage !!! Au cas où je capterai ses deniers, alors qu'elle n'a jamais disposé d'autant d'épargne de sa vie. Moi qui, au décès de mon père, il y quelques années, je lui ai transmis 4000 euros afin d'alimenter cette dernière. Pas celle qui nous est commune, celle qui lui est spécifique !!! Au cas où je tirais parti du handicap et de la maladie de Vanessa, alors qu'elle l'approvisionne un peu plus chaque mois !!!et l'alimentant chaque mois. Au cas où j'abuserai de sa naïveté, alors que nous n'avons, ni l'un ni l'autre, jamais été à découvert ; que nous n'avons aucune dette ou aucun crédit en cours…
 
Mais ce n'est pas suffisant, n'est-ce-pas ? Tout ceci n'est pas du ressort du médecin-conseil ou de la justice. Ils n'interviennent que pour être suspicieux, que pour avoir des doutes, à priori. C'est aux accusés de prouver qu'ils n'ont rien à se reprocher !!!
 
Alors ? Qu'est-ce-que Vanessa et moi devons faire de plus – ou de moins -, Madame, Monsieur le juge des Tutelles ? Que dois-je accomplir de plus – ou de moins - : Si je me soucie moins de Vanessa lorsqu'elle a besoin que je l'épaule, financièrement ou autre, le médecin-conseil et la justice vont m'accuser de négligence, d'inattention, voire d'abandon !!! Si je m'en enquiert « trop », ils vont m'accuser d'être « intrusif » !!! Ça équivaut à une quadrature du cercle !!! C'est une équation insoluble. Comment, dans ces conditions, démontrer que nous sommes véritablement autonomes et indépendants ? Comment déterminer que lorsqu'une épreuve se présente à nous, nous trouvons à chaque fois les solutions adéquates pour y remédier ? Il est, en tout cas, évident que ce genre d'observation ne peut se mesurer dans un dossier à l'aide de graphiques !!! Il est clair que ce ne sont pas des pièces légales, des preuves matérielles identifiables dans des cases, qui vont y pourvoir !!!
 
Néanmoins, parce que Vanessa et moi sommes handicapés et malades, la justice doit se mêler de notre vie !!! Parce que nous sommes différents, il faut se méfier, a-priori, de la façon dont nous menons notre existence !!! Il faut surveiller notre budget, même si celui-ci est bien coordonné !!! ; au cas où… Au cas où, moi, son compagnon, je serai malveillant, indélicat, spoliateur !!! C'est tellement évident que je m'enrichis sur le dos de celle que j'aime et accompagne dans toutes ses épreuves depuis quatorze ans !!! C'est si limpide, alors que les comptes bancaires de Vanessa sont excellemment tenus depuis le début de notre relation !!! Et tant pis si cette curatelle – renforcée ? - n'est d'aucune utilité à Vanessa !!! Comme si son état de santé allait s'en trouver rétabli !!! Tant pis si c'est une contrainte, un poids, une source d'anxiété, pour elle !!! Tant pis si c'est une humiliation supplémentaire qui nous écrase !!!
Après tout, nos soucis personnels ne sont pas suffisants ? Après tout, nous n'avons pas assez souffert, nous ne souffrons pas assez, de ce que nous sommes ? Que ce médecin-conseil, ainsi que la justice, nous meurtrissent psychologiquement et moralement depuis quatre ans et demi, n'est pas significatif ?
Leurs préjugés à notre encontre, en nous imposant cette curatelle n'est pas notable ? Cette erreur qui n'a apportée que pleurs, souffrances, déchirements, blessures, et inquiétudes, n'est pas conséquente ? Recouvrer la paix et la sérénité nécessaires à notre état n'est pas légitime ?Après tout, le dossier de Vanessa n'est qu'un dossier parmi d'autres à régenter, n'est-ce-pas ?
 
Voilà pourquoi, Madame, Monsieur, Vanessa et moi vous envoyons cette lettre. Voilà pourquoi, par mes mots, Vanessa vous a expliqué, tout le long de cette missive, ce à quoi elle est confrontée. Voilà pourquoi j'ai relaté ce dont je suis victime par ricochet. Voilà pourquoi nous vous implorons de mettre fin à notre calvaire.
Bien à vous.
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