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Mes Univers
5 juin 2017

De Deiteus Mythica, pages 802 à 804 / 1803 :

X1Occident, An 1000 :

 

L’approche de l’an Mille s’accompagne d’une appréhension qui est suscitée par le chapitre XX de l’Apocalypse de Saint-Jean : « Au terme de mille ans pendant lesquels il aura été enchaîné, l’Antéchrist surgira et le Mal envahira le Monde. Puis, le Ciel s’ouvrira pour le retour du Christ en gloire, venant juger les vivants et les morts. Il convient de se tenir prêt pour ce jour et d’en guetter les signes précurseurs. ».

 

Mais, après le temps du châtiment vient la certitude du règne de Dieu, puis le récit s’achève sur l’installation de la « Jérusalem nouvelle, vêtue comme une mariée parée pour son époux ».

 

Comme pour donner raison au texte de Saint-Jean, les événements malheureux se succèdent entre 980 et 1030 : pluies diluviennes, hivers interminables, invasions de sauterelles provoquent disettes et famines. Un jour, une immense comète plane pendant trois mois au-dessus de l’Occident. Et celle-ci entraîne à sa suite la pulvérisation d’un amas d’Etoiles nommé « Crabe ». Un autre, ce sont des tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des incendies formidables qui apparaissent un peu partout. Un autre encore, c’est un éclipse de Soleil, la Lune prenant la couleur du sang, des chutes de météorites, des apparitions de dragons dans le ciel. Rome est presque réduite en cendres ; Naples manque de tomber sous une mer de feu débordant du Vésuve. Des pluies de grenouilles surgissent du néant en Allemagne du Nord ; tandis qu’en Angleterre, des champs sont arrachés du sol par une force inconnue ; se retrouvant à de grandes distances de leur lieu d’origine.

 

Le paroxysme est atteint lorsque les événements politiques eux mêmes suggèrent que l’Antéchrist est à l’œuvre : en 997, al-Mansur détruit Saint Jacques de Compostelle ; en Egypte, le calife Al-Hakam inaugure une politique antichrétienne et fait détruire le Saint Sépulcre de Jérusalem. Persuadés de l’imminence de la venue du Christ sur Terre, appelée Parousie par les théologiens, des bandes de pèlerins se mettent en route pour Jérusalem, dans l’espoir d’y mourir ou d’y être présents à la venue du Christ. L’Eglise semble elle même être emportée par la tourmente.

 

Mais la date fatidique ayant été franchie sans dommages, à peine la peur de l’an 1000 est t’elle passée, que les hommes reportent leurs craintes sur l’année 1033 ; car la Passion du Christ s’est déroulée en 33 et non en l’an 0. La psychose de l’Apocalypse redémarre de plus belle.

 

Raoul, un moine de la congrégation clunisienne décrit cette période dans une « Histoire de son temps » en cinq livres. Le chroniqueur ne se soucie guère des précisions géographiques ou chronologiques. Ce qui l’intéresse, ce sont les événements qui marquent profondément le monde occidental autour de l’an 1000 : les terreurs qui l’accompagnent, la course aux reliques, la foule des pèlerins sur la route de Jérusalem, les signes avant-coureurs de l’Apocalypse, le mouvement de la paix de Dieu et ses premières hérésies. Il trace même un portrait du Diable prêt à surgir pour s’emparer de l’Humanité : « Une nuit, avant l’office de matines, se dresse devant moi au pied de mon lit une espèce de nain horrible à voir. Il est de stature médiocre, avec un cou grêle, un visage émacié, des yeux très noirs, une barbe de bouc, les oreilles velues et effilées, les cheveux hérissés, le dos bossu. Il saisit l’extrémité de la couche où je repose, et imprime le lit de secousses terribles. ».

 

De nouveau, il se met à pleuvoir à torrents. Pendant plus de trois ans, tout devient boue, tout pourrit. Pas de récoltes. La fange et les marais provoquent maladies et disettes. Un peu partout, des charniers sont ouverts. Les plus valides y portent leurs parents expirants. Par ailleurs, les gens en sont bientôt réduits à manger les voyageurs attardés, voire leurs propres enfants.

 

Et pourtant, pas plus que l’an 1000, l’année 1033 n’apporte Parousie ou fin du Monde. Malgré tout, toute cette misère, toute cette pourriture par l’eau et par la boue, laissent derrière elles un merveilleux limon fécond. Les hommes se remettent fort bien des événements. Ils oublient la possible fin du Monde. Un sentiment de soulagement s’empare alors de tous. Une frénésie de construction anime le peuple Chrétien, et la vie reprend ses droits. Un grand mouvement d’expansion anime l’Occident au début du XIème siècle.

 

D’un autre coté, dès l’an 1000, une température moyenne plus élevée et une plus grande sécheresse autorisent la mise en culture de terres jusqu’alors abandonnées à la friche. Les défrichements les plus nombreux restent discrets et anonymes : le paysan essarte quelques ares sur la forêt ou la friche limitrophe. Plus spectaculaires sont les entreprises de colonisation entraînant la création de villages nouveaux. Un seigneur désireux de rentabiliser une terre inculte réunit une équipe de colons défricheurs, qu’il attire par des conditions favorables ; parfois, deux seigneurs s’associent et partagent ensuite les revenus de la terre : c’est « l’accord de pariage ». De vastes régions sont ainsi gagnées à l’agriculture : l’Espagne, au Sud du Douro, au fur et à mesure de la Reconquête Chrétienne sur les Musulmans ; l’Europe, à l’Est de l’Elbe ; les pays de la Mer du Nord, où sont constitués les premiers polders.

 

L’équipement des campagnes connaît par ailleurs une amélioration spectaculaire. La charrue et le moulin à eau se diffusent rapidement, et le travail du fer gagne la plupart des villages. Les paysans diversifient leur production et accordent une large place aux cultures commercialisables, telles que la vigne et le lin : l’esprit de profit apparaît. Et, seul l’élevage reste négligé. Le bétail est laissé sur les terres en jachère ou sur les chaumes après la moisson, et on emmène les porcs dans les forêts de chênes, où ils se nourrissent de feuilles et de glands.

 

Les progrès techniques réalisés à ce moment là s’accompagnent d’une incontestable croissance démographique. 90 % de la population vit de la terre. Se mettent en place au cours de cette période les cadres sociaux à l’intérieur desquels s’ordonne la vie des hommes. Dans la seigneurie, les paysans sont soumis au châtelain : c’est lui qui assure la paix, rend la justice, organise les voies de communication, installe les péages. En échange, il exige des habitants des redevances en nature ou en argent, des prestations de travail, ou corvées. Le paysan est tout de même plus ou moins libre suivant la lourdeur des charges auxquelles il est soumis. Même ceux qui sont propriétaires de leur terre, les « alleutiers », restent sous contrôle seigneurial. Quant aux serfs, ou hommes de corps, ils ajoutent leur dépendance territoriale une dépendance domestique envers la personne de leur seigneur, à qui ils appartiennent dès leur naissance et paient certaines redevances, telles que la « mainmorte », qui leur permet d’entrer en possession de leur héritage, ou le « formariage », qui les autorise à épouser une femme n’appartenant pas à la même seigneurie.

 

Ces années là sont en outre le théâtre d’une renaissance urbaine. A proximité d’une cité épiscopale mais aussi d’un monastère ou d’un château, à un croisement de routes ou au passage d’une rivière apparaissent de nouvelles agglomérations.

 

Mais surtout, parallèlement à la ville, s’affirme le village. Désormais fixe, parfois enclos, construit en matériaux durables, occupant une superficie réduite au cœur d’un terroir réparti entre les chefs de famille, le village devient le cadre de l’existence paysanne. La conscience d’intérêts communs se cristallise autour de points d’ancrage : le château, l’église entourée du cimetière, mais aussi la place publique, et divers lieux de convivialité comme le moulin, le lavoir ou la forge. Chaque village s’identifie à une paroisse : la communauté de foi, e culte d’un saint patron représentent la forme la plus immédiate d’existence collective. Le fidèle accomplit devant l’assemblée villageoise les rites qui ponctuent la vie du Chrétien : le baptême, le mariage, la mort. Outre son rôle religieux, l’église sert de lieu de réunion. Espace de paix inviolable, c’est aussi l’endroit où ont lieu les spectacles et les marchés. Le cimetière qui l’entoure est l’expression de la croyance en la résurrection.

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