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Mes Univers
27 décembre 2017

Joyeux Noël 2017

X1Beaucoup d’entre vous savent que depuis une semaine, je suis en villégiature dans ma famille. Et nombre d’entre vous, sachant les difficultés qui ont été les miennes vis-à-vis de celle-ci ces derniers mois, me demandent régulièrement si mon séjour se déroule dans les meilleures conditions possibles. Je tiens à préciser qu’exceptionnellement, tandis que j’écris ces lignes, la personne de ma famille qui a une sclérose en plaques et dont je m’occupe au quotidien, se trouve à mes cotés.

 

Comment expliquer les émotions qui sont les nôtres après quelques jours dans ma famille ? Mélange de joie d’être réunis, de partager des moments ensemble, de savoir que nous sommes les uns avec les autres sous le même toit. Et qu’éphémèrement, fugitivement, apparaissent des instants de complicité, de bonheur commun, de paix et de sérénité. Amalgamés avec des moments de profonde tristesse, de désillusion, de sentiment d’exclusion, de sentiment de rejet, d’impression, d’être encombrants, de trop.

 

Normalement, le réveillon de Noël – enfin, c’est ce que j’imagine, c’est ce que je souhaite – est un moment où tout le monde se rassemble pour se sentir appartenir à la même communauté familiale. Un moment où chacun est important. Un moment où on est particulièrement attentionné envers les plus faibles, les plus fragiles, les plus vulnérables. Un moment de compassion, d’amour, d’attention, de prévenance. D’aussi loin que je me souvienne, ces valeurs sont ancrées au plus profond de moi, de ma personnalité, de ma façon de me comporter. Dans mes rapports avec les gens qui m’entourent, qu’ils me soient proches ou moins proches.

 

Je ne pense pas être quelqu’un de méchant. Je ne pense pas être quelqu’un de vindicatif, violent – verbalement ou physiquement. J’ai des défauts, comme tout le monde. J’ai des traits de caractères qui peuvent déplaire ou heurter certains ou certaines. En même temps, ces mêmes traits de caractère peuvent paraître attirants, honorables, admirables, pour d’autres. Et vice-versa. C’est commun à tout un chacun. De ce point de vue là, je ne suis pas différent des autres. Je ne bois pas, je ne me drogue pas, j’ai rarement fait de « bêtises » dans ma vie. J’ai vécu beaucoup d’épreuves, sur le plan personnel, affectif, professionnel, amical, etc. Un point sur lequel je désire insister : c’est que j’ai toujours privilégié la mise en avant des personnes qui me sont chères, plutôt que de m’exposer et de me glorifier de mes atouts – notamment intellectuels. J’ai toujours préféré me taire pour laisser la première place à ceux et celles que j’aime, plutôt que de dévoiler qui je suis réellement, ainsi que ce que j’ai en moi.

 

C’est aussi une question d’éducation. On m’a toujours appris à me tenir en retrait, parce que c’était une question de respect, et de donner une image lisse et sans tâche de ma famille. En chemin, évidemment, je me suis perdu. En chemin, évidemment, ceux et celles avec lesquels je suis lié par le sang ont trouvé naturel, normal, évident, que cela demeure ainsi ad vitam eternam. Même quand je suis devenu adulte, ma place était dans l’ombre des autres. Ma parole, mes centres d’intérêts, mes passions, ma personnalité, mes fragilités, mes blessures, mon parcours, les richesses intérieures que je détiens, et qui font que je suis moi, ont toujours été mises à l’écart, discréditées, remises en cause ou en question.

 

Autant ce qui caractérise chacun des autres membres de ma famille est digne de curiosité, d’intérêt, digne de débats, d’échanges, de dialogues. Autant, quand j’ai le malheur d’intervenir pour tenter d’exister est considéré comme une intrusion malvenue.

 

Ainsi, par exemple, quand il y a peu, j’ai évoqué le fait que ce que je partageais ou partage plus ou moins régulièrement ici avec vous est susceptible d’être mis en avant au cours d’une conversation familiale, on m’a répondu que cela n’intéressait personne. On m’a fait comprendre qu’on jugeait ce que j’écris, ce que je pense, ce que je ressens, est trop « intellectuel », « spirituel ». On m’a fait comprendre que les connaissances sur lesquelles je base mes réflexions et mes échanges verbaux, sont trop éloignés du concret pour que ça soit accessible au commun des mortels. On m’a comprendre qu’on jugeait que les gens étaient « trop simples », trop peu au fait de mes centres d’intérêts, pour qu’ils aient l’envie de découvrir ce que j’ai à leur offrir.

 

De fait, comme à l’accoutumée dans ce genre de circonstances – réunion familiale -, depuis que je suis enfant, je me suis tu tout le long de la soirée et du 25 Décembre qui a suivi. Je dois aussi avouer que j’ai pris un décontractant avant le début de ces réjouissances, tellement j’ai été stressé par l’approche de celles-ci. Et, dès le lendemain, j’ai eu une crise d’angoisse telle que je n’en n’avais pas vécu depuis trois ou quatre ans. Au matin, dès que je me suis levé de mon lit, j’ai été pris de hauts le cœur par cette accumulation de stress, et par cette remontée d’émotions dont j’avais été la proie les deux jours précédents.

 

Car, nul n’a prêté attention à moi, je le répète. Oh, bien sûr, j’ai eu mon lot de cadeaux. Un livre de fantasy pour adolescents, ainsi qu’un chèque substantiel. C’est toujours ainsi que se renouvelle ce rituel chaque année. Si je ne m’offre pas moi-même des présents qui me font plaisir, soit avant soit après Noël, quand je suis à mon domicile, nul ne se préoccupe de savoir ce qui me plaît, ce qui me ferait plaisir. Alors qu’à coté de moi, ma sœur, mes neveux, etc. sont couverts de cadeaux qu’ils se sont choisis, ou dont on s’est préoccupé pour les leur procurer.

 

Ensuite, moi et la personne ayant la sclérose en plaques dont je m’occupe – avec laquelle on s’est comporté pareillement pour les présents qui lui étaient dévolus – avons été les potiches de la soirée. Tout le long de celle-ci, discours sur l’élevage des poulets, sur des voyages remontant à des années, sur le club équestre de ma sœur, sur les victuailles du repas, de repas précédents ou de futurs repas, sur les préoccupations plus ou moins immédiates des uns et des autres, se sont succédé… en omettant tout ce qui pouvait me caractériser ou me concerner directement. Comme d’habitude, j’ai été l’homme invisible, celui qui n’existait que pour alimenter l’ego des autres participants. A écouter leurs rodomontades maintes fois répétées, rabâchées.

 

S’il n’y avait que cela, je prendrais sur moi. Mais parce que la personne dont je m’occupe et qui a la sclérose en plaques, a de plus en plus de mal à se déplacer, un siège de toilettes a été mis dans la chambre qu’elle occupe avec moi. Pour la nuit, et afin d’éviter les fuites urinaires malencontreuses inérantes à sa maladie. Dans la journée, ou jusqu’à ce que les autres membres de famille regagnent leurs chambres respectives, sont disponibles d’autres cabinets de toilettes, un à l’étage, un au rez-de-chaussée. Mais, parce que ceux de l’étage sont le censés être le « domaine réservé » de ma grand-mère, cette personne qui a la sclérose en plaques devrait être confinée à sa chaise percée. Pour ne pas déranger ma grand-mère, qui en a le privilège quasi-exclusif.

 

J’ai haussé le ton pour dire mon mécontentement, et expliquer que c’était inadmissible. Cette pauvre personne qui a la sclérose en plaques est obligée de se retrancher dans notre chambre tous les après-midi parce qu’elle a l’impression de déranger. Je la rejoins vers 15h pour être avec elle, visionner des DVD ou des films que nous avons ramené exprès, afin de bouleverser le moins possible les habitudes des autres occupants de la maison. Mais, à la moindre occasion, on nous fait bien comprendre – il n’y a pas besoin de mots pour cela ; les gestes, les regards, les attitudes, l’expriment tout autant – que nous sommes encombrants. Nous venons bouleverser le train train quotidien, que ces « contraintes » que nous amenons avec nous lors de notre séjour.

 

La dernière contrainte en date que l’on nous a reproché se rapporte à nos vêtements. Comme cette personne qui a la sclérose en plaques, je suis quelqu’un de propre. Cette personne a des fuites urinaires parfois, mais elle met des protections. Et c’est moi qui nettoie sa chaise percée, ou qui met aux ordures sa protection souillée chaque jour. C’est parfois éprouvant, mais je m’adapte. Et je peux faire ça pour lui faciliter la vie. Et encore, il y a de l’amélioration, parce qu’à une époque pas si lointaine, cette personne, stressée par le changement de rythme, par les pressions qui lui étaient imposées, avait des fuites urinaires catastrophiques. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

 

J’ai dû me battre, au travers de certains textes destinés à ma famille, pour faire comprendre et admettre qu’on devait ménager cette personne, qu’on devait aller à son rythme parce que physiquement sa maladie la rendait incapable d’aller à une allure précipitée – comme c’est le cas chez les miens à l’accoutumée. Qu’au moment des repas, il était inadmissible qu’on ne l’attende pas à chaque passage de plat. Et qu’elle se retrouve seule à la fin de chaque repas, parce que tout le monde avait débarrassé la table pour reprendre ses activités du moment. Il n’y avait que moi qui patientait, prenait le temps pour l’accompagner. Je peux avouer que ce point a évolué positivement.

 

Par contre, nos vêtements sont des encombrants. Bien sûr, ils sont passés au lave-linge. Cependant, ils nous sont rendus encore humide. On nous les jettes presque à la figure comme s’il s’agissait de déchets qu’on ne mélange pas avec les autres affaires à sécher sur l’étendage prévu à cet effet. Nous devons les faire sécher sur le radiateur de notre chambre, amoindrissant ainsi la diffusion de sa chaleur, et nous obligeant à avoir froid ; un froid teinté d’humidité – une bonne partie de la journée ou de la soirée.

 

Dans ces conditions, je me réfugie aussi souvent que possible à mon ordinateur portable. Je poursuis, plus lentement mais avec constance, la rédaction des chapitres suivants de mon livre sur les origines idéologiques et ésotériques du Nazisme. En ce moment, je jongle entre deux chapitres venant après celui que j’ai terminé quelques jours avant le début des vacances de fin d’année. Je vous ai parfois relaté les différentes péripéties.

 

Ce que vous ne savez pas, par contre, c’est que si je m’y suis autant investi au cours des deux mois qui viennent de s’écouler, ce n’est pas uniquement parce que mon accès aux groupes Facebook était bloqué. Ça a joué son rôle, je ne le nie pas. Toutefois, ce n’est pas la seule raison. Une autre raison est que je souhaitais terminé la relecture, les corrections, les disparitions de fautes d’orthographe, de grammaire, de lourdeurs, de répétitions, avant cette date butoir, pour faire plaisir à ma maman. Ça faisait un certain temps qu’elle me demandait si j’avançais ; quand est-ce qu’elle pourrait en lire le résultat. Si certains jours, il y a deux ou trois semaines, j’ai relu mes épreuves rédactionnelles jusqu’à une dizaine de fois, et jusqu’à une ou deux heures du matin, c’est aussi pour tenir ces délais.

 

Finalement, après bien des épuisements, de la concentration, de l’attention, etc., j’y suis parvenu. Moins d’une semaine avant qu’elle ne vienne me chercher, les trente pages de ce chapitre étaient finies. Heureux et fier de les lui offrir en exclusivité, depuis le temps qu’elle me les réclamait, je pensais qu’elle allait s’y plonger avec joie et fierté. Qu’elle y verrait tout le travail accompli, tous les efforts déployés, toute l’énergie dégagée, toute l’attention que j’y avais mis. Pour me rendre compte que ce n’est qu’avec réticence, en prétextant chaque jour qu’elle avait d’autres priorités, qu’elle les lisait. Quelques lignes, pour montrer qu’elle s’y intéressait. Mais avec une lenteur telle qu’elle n’aurait pas fini ces trente pages – alors que des centaines d’autres en devenir sont en cours d’élaboration – avant 2019 ou 2020.

 

Et puis, pas un mot devant les autres membres de la famille. Aucune allusion, aucune montre de fierté ou de respect devant quiconque, face à l’ampleur du challenge auquel je m’attelle chaque jour pour progresser. Au prix d’une concentration extrême, de recherches considérable, de séances d’écriture exténuantes physiquement et psychiquement. J’en ressors vidé à chaque fois.

 

Parler des poulets de mon beau-frère, du club hippique de ma sœur, des repas pantagruéliques jusqu’à l’overdose ; qu’il faut finir quitte à avoir des crises d’indigestion parce qu’il faut absolument, dans les plus brefs délais que ma grand-mère puisse retourner faire des courses au supermarché. En effet, si ce n’est les voyages et parler d’elle, c’est son seul plaisir.

 

Tout ça, m’a t-on avoué, parce qu’on juge que les gens – de notre famille ou que celle-ci côtoie plus ou moins régulièrement – ne sont pas assez intelligents, pas assez cultivés, aux yeux de ma mère ou de ma grand-mère, pour qu’on développe d’autres thèmes plus riches et plus diversifiés avec eux. Tout cela parce qu’on juge, sans leur demander leur avis, sans qu’ils puissent s’exprimer par eux-mêmes à ce propos, que ce sont des gens qui ne sont pas capables de s’intéresser à autre chose qu’aux sujets que ma mère et ma grand-mère leur évoquent – et maintes fois rebattus – quand ils sont à leur contact.

 

Que dire de ma sœur et de son compagnon qui ne savent même pas sur quoi je travaille. Ma sœur qui, à chaque fois qu’elle le peut, s’exclame que je ferais mieux de venir avec elle nettoyer ses écuries, parce que, ça, au moins, c’est un vrai boulot. Qui voyage pour ses vacances jusque dans le Doubs et notre maison ancestrale, mais qui n’est jamais venu me rendre visite là où je vis. Qui me dit que je ne viens jamais chez elle voir mes neveux – c’est vrai – mais qui n’aura jamais un mot pour me demander quelles sont mes préoccupations, mes épreuves, mon quotidien – bon ou moins bon. Il est vrai que tout ça, aux yeux des uns et des autres, est quantité négligeable ; voire, est sans valeur et davantage une gène à la mise en avant de ce qui les intéresse vraiment.

 

Depuis toujours, j’ai tu, je tais, tout ce que j’écris là. Je l’ai toujours gardé au fond de moi. Je le répète, parce que c’est comme ça que ça fonctionne, « naturellement » dans ma famille ; que c’est un ordre établi inamovible, indétrônable. Depuis quelques temps, j’essaye, parce que la maladie de cette personne qui a la sclérose en plaques progresse, de faire modestement bouger les choses. Je ne veux pas de grande révolution, tout bouleverser pour que je devienne le centre du monde – bien qu’on me fasse comprendre que par mes timides initiatives, on me fasse sentir que c’était ainsi que c’est perçu. Et on m’en culpabilise. -. Non, je le fais pour que cette personne puisse partager au mieux ce que nous avons à partager, elle et moi, avec ma famille.

 

Car, pour elle autant que moi, tout ce que je viens de décrire tout le long de ce texte, est une terrible souffrance. Une source de tristesse, de pleurs, de repli sur soi. Si j’ai eu une crise d’angoisse dernièrement, si j’ai eu une crise de convulsions hier – ce qui ne m’était pas arrivé depuis des mois -, ce n’est pas anodin. Le pire, c’est que j’ai une amie Facebook qui vit le même dilemme avec sa propre famille. Les circonstances sont différentes, mais elle aussi est écrivain. Et elle aussi subit les mêmes outrages que moi quant à sa profession, sa vocation, et sa passion. J’avoue que c’est en partie pour cette raison que j’ai entrepris de rédiger ce texte aujourd’hui, alors que je pensais passer mon après-midi à la rédaction de mon livre sur le Nazisme.

 

Et encore, je ne dévoile pas tout. Il y aurait tant à dévoiler. Et je suis peiné de savoir que certaines personnes qui me connaissent bien dans la réalité non virtuelle espéraient que les conditions de mon séjour dans ma famille seraient sereins, apaisés, tranquilles, calmes. Or, les vieux démons ne sont jamais loin. Et il est facile pour ceux et celles que j’ai mentionné plus haut, de les réactiver.

 

Pour terminer, je soulignerais néanmoins ceci. Je ne blâme pas ma famille. Je ne lui en veux même pas. Comme tout un chacun, comme moi, elle pense faire au mieux de mes intérêts, des intérêts de cette personne qui a la sclérose en plaques, au mieux des intérêts de l’ensemble des membres de ma famille. Il n’y a pas de méchanceté, der bêtise. Il y a surtout de la maladresse – je le suis également souvent, et o combien. Je ne le conteste pas. Il y a un sentiment de supériorité naturelle auquel ils ont été habitué, qui est dans leurs gênes presque, qui transpire à travers leur personnalité, parce que c’est comme ça qu’on les a éduqué. Il y a une confusion symptomatique entre respect qu’on leur doit et soumission que doit être, à leurs yeux, la notre à leur égard. Il y a ce retrait automatique de ma part parce que je n’ai pas trouvé d’autre moyen pour exister, pour survivre à l’écrasement de leur personnalité, alors que je n’ai pas cette capacité à imposer naturellement ma voix aux autres. A faire entendre ce que j’ai à dire.

 

Les épreuves du passé, en ce qui concerne ce dernier point, m’ont profondément marqué. Et ma maman a beau s’exclamer que quand on veut, on peut, ce n’est pas vrai. Mème avec toute la volonté du monde, même quand on sait pourquoi, comment, ça a débuté, ça se manifeste, etc., on ne peut pas toujours le modifier. Elle devrait être la première à le comprendre, elle qui n’arrive pas à s’imposer auprès de sa propre mère. Elle attend de moi ce qu’elle même est incapable de faire. Je ne lui en veux pas. Mais ce poids est une souffrance dévastatrice que j’avais besoin d’écrire et de partager au travers de ce texte – du moins partiellement – afin de m’en libérer – du moins partiellement…

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