Je rêve d'un monde...

Je rêve d’un monde où mon corps ne serait pas que blessures et souffrances. Où, chaque jour, chaque nuit, il ne me trahirait pas. Où il ne se retournerait pas contre moi. Où il ne me briserait pas. Où il ne serait ni difforme ni sujet de moqueries ou de rejets. Où il serait beau dans ton regard, tout simplement.

Je rêve d’un monde où tu serais mienne. Où tu ferais volontiers de moi ton amant. Où tu m’accueillerait en toi autant physiquement que spirituellement. Ou, lorsque tu m’apercevrais, tu te précipiterais vers moi, la cœur en émoi, et des étoiles brillant au fond de ton regard Où je ne serai pas qu’un homme que tu ne vois que pour ce qu’il sait, ce qu’il pense, ce qu’il croit. Que tu côtoierais pas seulement pour les combats qu’il mène contre la violence, la haine, la bêtise, la méconnaissance. Où je serai à toi, rien qu’à toi, tout à toi.

Je rêve d’un monde où je pourrais me promener dans la rue avec toi. Où je pourrais te prendre par la main sans que les gens se rient de nous, de toi, de moi. Où je pourrais t’enlacer sans avoir peur d’être repoussé, humilié, rabaissé, parce que je n’ai pas une plastique de rêve, parce que je ne reflète pas l’idéal masculin auquel tu aspire tant.

Je pleure cette beauté dont je ne suis pas le légataire. Et qui, pourtant, a, dans ce monde, force de loi. Je pleure cette sensualité que je n’ai pas, parce que mon corps n’est que tourments et désespoir. Je te pleure, parce que jamais tu ne me regarderas ; parce que jamais tu ne me verras ; parce que jamais tu ne m’approcheras ou tu ne me parleras. Ou, parce que jamais tu n’auras jamais de geste tendre envers moi. Que jamais je n’aurais l’honneur et le privilège d’avoir le droit de te tenir dans mes bras ; de t’offrir mes sentiments, ma passion. Que jamais, o suprême audace, je pourrais partager une nuit avec toi, à te posséder, à t’ouvrir les portes d’une Éternité dont tu seras ma reine, et dont je serai ton roi.

Non, ce monde n’existe pas, et n’existera jamais. Il n’appartient qu’à ceux et celles dont les traits, dont le corps, dont l’âme, dont le cœur, sont destinés à être aimés. Moi, je n’ai que mes mots pour déclamer à ce monde auquel je n’ai pas accès, que ce bonheur, je ne le connaîtrais jamais. Et qu’en conséquences, il me détruit lentement, mais irrémédiablement...