Torrents de chagrin

Il y a des chagrins qui ne se consolent pas. Il y a des larmes si fécondes qu'elles n'en finissent pas de se déverser dans l'océan de mes pensées. Elles se mêlent aux songes qui y sont noyés. Elles s'accrochent aux rêves immodérés qui y surgissent comme des roches aux esquilles acérées. Et tandis que les orages grondent dans un ciel enveloppé de nuages noirs, d'éclairs zébrant l'horizon, de tonnerre mugissant, et de tourbillons de vent rugissants, elles n'en finissent pas de me briser.

Vous qui régnez sur mes espoirs les plus véhéments, vous qui gouvernez mes désirs les plus sacrés, vous n'imaginez pas les sacrifices auxquels j'ai dû consentir pour vous trouver. Quelles souffrances, quelles afflictions, quels sanglots j'ai dû éprouver pour vous approcher. Quelles épreuves, quelles difficultés j'ai dû affronter, quelles parcelles de ma vie et de ma personnalité j'ai dû abandonner, afin de vous contempler. Momentanément, il est vrai. Mais chaque trait de votre visage, chaque contour de votre corps, chaque aspect de votre être tout entier, est désormais gravé en moi à tout jamais.

Vous qui, malgré tout ce que j'entreprends quotidiennement pour vous surprendre, vous détournez de moi systématiquement ; vous qui, malgré tout ce que je mets en œuvre pour exalter ce que, pour vous, je ressens ; vous qui, malgré tout ce que j'érige pour vous vénérer plus que vous ne l'imaginez certainement ; vous me condamnez à la Géhenne abyssale irrémédiablement. Vous me causez effroi, tortures, avilissement, ou sidération. Vous me soumettez à ce que nul ne peut endurer sans y perdre la raison. Alors que je souhaite uniquement vous apporter un petit peu de ce que j'ai dans le cœur ; de ce que dissimule mon âme et qui, au premier abord, ne se discerne pas. Alors que je désire simplement déceler qui vous êtes au-delà des apparences ; au-delà de cette superficialité dont vous êtes les jouets parce que votre plastique est attrayante. Et que, justement, parce que celle-ci prend toute la place dans les rapports que vous avez avec vous-même ou avec vos semblables, ce qui fait que vous êtes vous concrètement disparaît inévitablement.

Et ce que vous déplorez de la part de ceux et de celles qui vous jugent et vous condamnent par ce comportement, vous le reproduisez en repoussant l'ardeur, la passion, l'espérance, l'expression de ce qu'à votre égard je ressens. Vous alimentez ce chagrin dont je suis le prisonnier journellement. Et vous transformez mes larmes en torrents de douleur inconsolables...