De Deiteus Mythica, le Mythe des Demi-Dieux, pages 1018 à 1019 / 1803

Pour faire appliquer ces nouvelles dispositions, Las Casas accepte de devenir évêque de Chiapa, au Mexique, mais les lois se heurtent immédiatement à la fureur des colons, qui comptent léguer leurs biens à leurs descendants et qui s’estiment donc spoliés. Les pressions sont terribles, et Las Casas, qui refuse les sacrements à ceux qui persécutent les Indiens, est fortement désavoué dans son propre diocèse. Au Mexique, le « visitador », chargé de l’application des lois, les suspend de lui même, tandis que le vice-roi du Pérou est décapité par les conquistadors révoltés. Les encomiendas sont maintenus partout. Découragé, constatant que les « lois nouvelles » ne sont pas respectées du tout, Las Casas regagne définitivement l’Espagne.

Il continue cependant à lutter en rédigeant de nombreux ouvrages et en multipliant les controverses. La plus imposante d’entre elles à lieu à Valladolid et l’oppose au chroniqueur officiel Sépuvelda. Celui-ci considère que les Indiens font partie des ces êtres « inférieurs par nature » qu’Aristote a définis. Au contraire, Las Casas soutient que ces habitants du Nouveau Monde sont des êtres raisonnables. Pour lui, en partageant l’Amérique entre zones d’influences portugaise et espagnole, le pape Alexandre VI n’a donné qu’un pouvoir spirituel aux deux puissances qui ne peuvent donc pas s’approprier les terres des Indiens. Soucieuse de ses intérêts économiques, la Couronne d’Espagne ne prend aucune décision dans ce conflit doctrinal. Pourtant, la hiérarchie ecclésiastique, s’inquiétant de la rapidité et de la légèreté des conversions, refuse que les Indiens soient ordonnés prêtres.

Les efforts de Las Casas n’empêchent en fait pas l’exploitation continue et effrénée du Nouveau Monde aux dépens de ses habitants. Déjà frappés lors de la conquête, les Indiens sont victimes du travail épuisant imposé par la récolte du sucre et du cacao, et plus encore par l’extraction de l’or, qui mobilise d’énormes masses humaines. En outre, les Indiens ne sont pas immunisés contre certaines maladies européennes, et les épidémies les atteignent de plein fouet. Et quand ils ne tuent pas, les microbes rendent stériles un très grand nombre de femmes, interdisant ainsi le renouvellement des générations. L’effondrement démographique est important : la Nouvelle Espagne perd 90 % de sa population. Cette dépopulation a une autre conséquence dramatique, pour l’Afrique cette fois, car c’est par la traite des Noirs que les colons y remédient bientôt.

A suivre...