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Mes Univers
21 janvier 2019

Abandon des personnes handicapées

X1Pour une fois, durant les quelques jours ou les quelques semaines à venir, je vais m'occuper un peu de moi-même.

 
Je vais très provisoirement mettre entre parenthèse la poursuite de la rédaction de mon livre sur les origines idéologiques et ésotériques du Nazisme pour écrire un texte me concernant. En effet, comme ceux et celles qui me suivent et me lisent plus ou moins régulièrement le savent, je suis une personne très isolée.
 
Pourtant, je vis à Valognes, qui est une petite cité située en périphérie quasi-immédiate de Cherbourg. Valognes est une municipalité très agréable, verdoyante, tranquille, avec des commerces de proximité, sans délinquance ou presque ; tout ce qu'il faut pour y demeurer paisiblement. Que demander de mieux ?
 
Ça fait presque quinze ans que j'y habite. Quinze ans durant lesquels j'ai tenté par tous les moyens de m'y intégrer socialement. Je l'ai parcourue en tous sens à l'époque où je pouvais encore me déplacer sans soucis hors de chez moi. J'ai initié des dizaines de démarches pour essayer d'y rencontrer des gens d'à peu près de mon âge - entre quarante et cinquante ans - ayant le même genre de passions, de centres d’intérêt, de hobbies, etc. que moi.
 
Seulement, e malheureusement pour moi, du fait de mon handicap qu'est mon hémiplégie partielle du coté droit de mon corps, ainsi que la maladie de Sturge-Weber qui lui est associée, je n'ai pas de moyen de locomotion individuel. Je dois en effet avouer que, même utiliser un vélo m'est impossible. Du fait de mon état, je n'ai pas l'équilibre nécessaire et utile pour me tenir et employer l'un d'eux pour aller d'un point à un autre. En ce qui concerne une moto ou une voiture, les médicaments que je prends matin et soir amoindrissent légèrement l'attention et la vigilance nécessaires à leur usage. En outre, les doigts de ma main droite n'ayant pas la motricité et la force musculaire indispensables au recours de tels véhicules, je suis extrêmement limité dans mes déplacements.
 
Je rajouterai que ma jambe droite étant plus faible que la gauche, lorsqu'il m'arrive de marcher longtemps - au-delà d'une à deux heures -, son contrôle finis par m'échapper : je commence à boiter, au point que de minuscules obstacles - des pavés ou des fissures sur le bitume - deviennent dangereux pour moi. Je peux buter sur eux, et tomber, au risque de me blesser. Je ne parle même pas de la fatigue engendrée susceptible de déclencher de mini crises de convulsions de quelques minutes.
 
Heureusement, dans mon malheur, je sens "venir" ces dernières, et je m'assoit généralement avant qu'elles ne se déclenchent. Mais, à chaque fois, c'est très douloureux, comme si ma jambe était prise dans un étau que l'on serrait de plus en plus fort afin de l'écraser.
 
Enfin, je ne parle pas non plus des autres maux dont mon corps est affligé depuis plusieurs années, et qui sont sources de fatigue physique, psychique, émotionnelle : les crises de gingivite aiguë à répétition dont je suis fréquemment la proie. Elles disparaissent, avant de renaitre quelques semaines plus tard, ou - comme c'est le cas actuellement - quasi-immédiatement à gauche - quand elle était auparavant à droite ; et vice-versa. Les crampes et les tendinites qui meurtrissent mes jambes et mes pieds chaque soir et chaque nuit, m’empêchant de m'endormir - et de me reposer - efficacement. Systématiquement, chaque soir, elles surgissent subitement au moment où mon corps commence à se détendre, au moment où je suis en train de m'assoupir. Elles m'obligent alors, dans un sursaut de douleur, à me lever précipitamment, à faire les cent pas dans le noir, dans le silence et la solitude de mes tourments. Ce n'est, généralement, que vers trois heures du matin qu'elles se dissipent finalement, me laissant totalement épuisé. Exceptionnellement, elles se prolongent jusqu'à quatre ou cinq heures du matin, et je ne dors alors que quatre heures maximum puisque mon réveil sonne à 9h30, mettant ainsi à plus rude épreuve encore mon corps à déjà abominablement accablé.
 
Au début de mon installation à Valognes, une fois par moi environ, j'allais à Cherbourg. Je me promenais dans ses rues piétonnes, y faisais du shopping - surtout dans ses librairies (on ne se refait pas !!) -, toute une journée. Ce sont des membres de ma famille que je côtoyais à l'époque - mais qui ont désormais disparu de ma vie - qui m'y conduisaient en m'en ramenaient.
 
Aujourd'hui, cette ère est révolue. Toutes mes démarches effectuées alors n'ont abouti à rien. Rencontrer des gens avec lesquels devenir ami a été un échec retentissant. Je dois, là aussi, avouer, qu'outre mon handicap et ma maladie, j'ai un désavantage supplémentaire : je suis un intellectuel. Ceux et celles qui me lisent ici plus ou moins régulièrement s'en sont certainement aperçu : ma passion, mon "amour" des livres, de l'Histoire, de la Connaissance sous ses aspects les plus divers et variés, est insatiable. Ma quête perpétuelle en matière de savoir, de réflexion intellectuelle et raisonnée, sur des myriades de thèmes que j'aborde parfois en profondeur dans certains de mes - trop me reprochent-on parfois - longs articles et textes, est incommensurable. Elle est le centre de mon existence quotidienne depuis que je suis adolescent.
 
C'est elle qui m'a, plus d'une fois, sauvé la vie - notamment à partir de l'époque où j'ai travaillé à la Bibliothèque Nationale ; c'est là que j'ai "trouvé ma voie" -, car je crois qu'avec tout ce que ma destinée m'a fait subir comme épreuves de toutes sortes il y a longtemps que j'aurai baissé les bras. Je suis même à peu près convaincu qu'il y a longtemps que la démence se serait emparée de moi. Ou alors, il y a longtemps que j'aurai mis fin à mes jours. Elle a été un vecteur plus puissant que tout le reste, qui m'a permis de survivre à tout ce que j'ai enduré depuis mon enfance.
 
Dans ces conditions, il est vrai que les préoccupations quotidiennes de la grande majorité des gens, que leurs passions, leurs centres d’intérêts, leurs hobbies, me sont viscéralement étrangers. Le football, le sport plus généralement, la valorisation au corps au détriment de l'esprit comme on le constate trop souvent et de plus en plus dans notre société, les petits riens du quotidien autour desquels ils ont l'habitude de se rassembler, me sont étranger. Pire encore, malgré mes efforts de temps en temps - en particulier quand je suis en famille - me sont devenus des vecteurs de souffrance.
 
Dès lors, s'il m'a toujours été difficile de m'intégrer à un groupe, aujourd'hui, à Valognes, mon état fait que c'est devenu totalement impossible. Autrefois, j'y parvenais parfois quand je croisais des personnes qui s'intéressaient aux jeux de rôles autour d'une table, au travers de "soirées philosophie", quand je fréquentais bibliothèques et librairies. Une connaissance dans ces milieux en amenait une autre, et ainsi de suite. Lors de mon séjour à la Bibliothèque Nationale, j'organisais des soirées de jeux de rôles ; des amis en organisaient, et je m'y rendais souvent. Quand je vivais à Laval, par le même biais, j'ai connu nombre de gens. D'autre part, les soirées philosophie m'ont ouvert d'autres portes, vers d'autres sortes d'amis. En confiance, j'osais m'aventurer à mettre en avant d'autres aspects de ma personnalité, de mes passions, comme le cinéma, la musique, les voyages, l'Histoire, la Bande Dessinée, etc.
 
Tout ceci n'existe pas à Valognes. A Cherbourg, peut-être, mais étant dans l'incapacité de m'y déplacer aisément, ces opportunités sont hors de ma portée. D'autant moins que, même si je prenais le train entre Valognes et Cherbourg, un déplacement qui durerait une a deux heures pour le commun des gens, me durerait toute une journée, avec les inconvénient et l'épuisement dus à mon état, que cela engendrerait.
 
Il se trouve, pour en terminer avec ce tour d'horizon, que je vis avec un membre de' ma famille dont je préfère taire le nom - et le reste - afin de le préserver. C'est d'ailleurs pour cette raison que je suis venu habiter Valognes il y a une quinzaine d'années. Cette personne est atteinte de la sclérose en plaques depuis 2012. Son état de santé est assez stable, malgré sa fragilité. Elle fatigue très cite, a des pertes de la mémoire immédiate. Elle se déplace en déambulateur depuis deux ans à peu près. Je suis à ses cotés en permanence afin de la seconder, parce qu'elle est incapable d'être autonome et indépendante. Au contraire de moi qui, malgré tout ce que j'ai décris ci-dessus, parvient tout de même à faire face. Même si je suis continuellement éprouvé par les situations auxquelles je suis confronté quotidiennement.
 
Je suis très vigilant, tout le temps sur le qui-vive, pour que cette personne vive au mieux avec sa maladie. Je prends tout en charge : rendez-vous, administratif, consultations chez son neurologue, renouvellement de médicaments, repas, toilette, cuisine, courses, etc. J'accepte et j'assume, sans remord ni regret, sans me plaindre, ni rechigner, à l'accompagnement permanent de ce membre de ma famille. C'est de ma responsabilité d'être présent à ses cotés en toutes circonstances, même quand je n'en peux plus, même quand je suis usé, même quand je me sens perdu, seul, isolé, abandonné ; le reste de ma famille vit à 300km de Valognes. J'en prends soin parce que je l'aime, parce que je ne veux pas qu'elle soit placée dans un établissement médicalisé où l'on ne s'occuperait d'elle que quand les infirmiers en ont le temps. Où elle serait lavée une fois par semaine, où elle végéterait toute la journée, sauf durant le court moment où on lui ferait faire une séance de kinésithérapie, à l'heure des repas, ou pour changer es protections.
 
Vous le savez aussi bien que moi, les hôpitaux ou les établissements spécialisés, n'ont pas assez de médecins, d'infirmiers, de spécialistes, pour avoir le temps et l'énergie de pendre soin humainement et efficacement, de leurs patients. La course à la rentabilité, les restrictions de budget et de personnel, sont la norme en vigueur. Les patients sont souvent délaissés, quand il n'y a pas maltraitance ou négligence - volontaire ou involontaire -, parce que le personnel doit parer au plus pressé, au plus urgent. Et par-dessus tout, j'aime de tout mon cœur, de toutes mes forces, ce membre de ma famille. Moi qui ai souvent eu le sentiment d'être abandonné, délaissé, trahi, par les gens qui m'entouraient, il m'est insupportable d'envisager de la laisser dans un tel endroit.
 
Pour moi, cette solution est pire que la mort. Je préfère endurer toutes les difficultés liées à sa sclérose en plaques, plutôt que d'envisager cette solution dénuée de la moindre humanité, de la moindre compassion, de la moindre empathie, du moindre amour.
 
Ce serait de l’égoïsme et de l'égocentrisme pur et simple. Or, comme dans tout ce je partage avec les autres - que soit ici ou dans la réalité "matérielle", les souvenirs qui m'ont le plus marqué - qui me marquent le plus - sont le délaissement, l'abandon, la trahison, la mise à l'écart, l'indifférence face aux malheurs que j'ai vécu - que je vis. Trop souvent, j'ai été ignoré parce que je suis différent, autant physiquement qu'intellectuellement. C'est une blessure qui ne s'est jamais refermée, qui est ravivée en de nombreuses occasions, et qui, j'en suis convaincu, ne guérira jamais.
 
Dans cette optique, jamais, jamais, je ne l'infligerai à quiconque, et encore moins à ceux et celles que j'aime. Je préfère mille fois me mettre en retrait pour laisser la place à ces personnes. Je préfère mille fois demeurer dans l'ombre, la solitude, le silence, que l'on me délaisse à leur profit. Je préfère mille fois m'épuiser corps et âme à leur bien-être, à leur sérénité, à leur bien-être, à leur bonheur, etc. Même si c'est moi qui suis confronté aux ouragans, aux effrois, aux épuisements physiques et nerveux de cette situation.
 
D'ailleurs, ma maman, qui veille elle-même sur sa propre mère de plus de quatre-vingt-dix ans en habitant avec elle, n'a t'elle pas également choisi ce chemin de vie. Malgré que ce soit parfois à son détriment, malgré les soucis, malgré les inconvénients, malgré les sacrifices, auxquels elle est quotidiennement confrontée, jamais elle n'enverrait ma grand-mère dans un établissement pour personnes âgées. Elle sait parfaitement qu'elle en mourrait, comme je sais que si j'en faisais de même pour le membre de ma famille dont je m'occupe, ce serait plus néfaste que bénéfique pour lui.
 
Avec moi, il est entouré, il est protégé - surprotégé considèrent certains ou certaines proches -, il a toute mon attention, il a toute ma bienveillance. Toute mon aide lui est acquise. Il même une existence la plus calme, la plus apaisée, la plus sereine, possible.
 
Évidemment, souvent, c'est moi qui en subis les conséquences. Mais cela n'a rien à voir avec la gestion de sa maladie au quotidien. C'est quand quelque chose d'extérieur à ce quotidien vient bouleverser ce fragile équilibre. Là, c'est comme un tsunami me dévastait. Émotionnellement, toutes ces duretés auxquelles je suis capable de faire face au jour le jour, m'accablent et me déchirent au-delà de ce que je suis capable de supporter. Et je n'ai personne vers qui me tourner. Je n'ai personne qui m'aide, moi. Je n'ai personne sur qui m'appuyer. Je n'ai personne qui pose une main apaisante sur mon épaule, et me dis : "je suis là. Laisse moi prendre en charge ce trop plein qui pèse sur tes épaules, et dont tu as besoin de te défaire un moment".
 
Rien à voir avec la maladie de ce membre de ma famille. Le reste. Il n'y a que par le biais de mes textes les plus personnels, de mes écrits, que je peux déverser tout ce que je ressens, tout ce qui est trop lourd, trop dur, trop écrasant. C'est en partageant ici mes "états d'âme", en m'isolant avec mes livres et mes écrits, puisqu'il n'y a personne pour moi dans la réalité, que je parviens à évacuer tout cela. Heureusement, malgré tout, que ma maman me contacte par Skype quotidiennement pour prendre de mes nouvelles. Heureusement que ma sœur de cœur - qui compte tant pour moi -, avec laquelle je suis en contact par mp ou sms chaque soir, est présente.
 
Sinon, je n'existerai pas vraiment. Nul ne saurai si je suis en vie ou si je suis mort. Si je suis en bonne santé ou malade. Nul ne serais là pour moi, comme les médecins ou la curatrice du membre de la famille dont je m'occupe, me l'ont fait comprendre : nous, nous ne sommes là que pour celle-ci. Vous n'êtes pas notre préoccupation. Ou, pour citer son neurologue "soyez fort pour elle, ne baissez pas les bras. Car elle ne pourrait pas se débrouiller sans vous.".
 
Je suis un prisonnier de tous ces aspects de mon existence. Je n'ai pas d'autre choix, d'autre option, que celle de poursuivre sur cette voix. Je ne suis pas là pour me plaindre, je tiens à le souligner avec le maximum de force. Je ne suis pas là pour pleurer sur mon sort, car parmi tout ce que j'ai évoqué, ce sont ces choix pleinement conscients que j'ai fais. Il y a aussi des gens qui sont bien davantage dans la misère, le froid, la faim, la précarité. Il y a aussi des gens confronté à la mort, à la guerre, aux problèmes d'argent, de logement, d'emploi, etc. Des problèmes que je n'ai pas ou juste éphémèrement.
 
Non, ce que je tiens à souligner, c'est que du fait de ma différence, de mes choix, je suis seul. Toute ma vie - et surtout depuis quelques années -, j'ai beau eu chercher partout les moyens pour ne plus être seul, pour tendre la main vers des gens vers lesquels je désirais aller ; j'ai tant de fois laissé la place prépondérante aux autres, et notamment aux autres membres de ma famille, que c'est devenu quelque chose de "normal" de me laisser sur le coté.
 
Oui, c'est normal qu'on m'oublie, qu'on me délaisse, qu'on pense à moi en dernier, qu'on se tourne vers moi uniquement quand on a un peu de temps à perdre, quand on a cinq minutes à combler. Oui, c'est normal que je sois mis dans un coin, en me demandant de faire encore plus d'efforts pour me manifester, alors que c'est non seulement impossible, mais que j'en suis incapable. Et que je n'en n'ai ni la force ou la volonté morale ou physique. Parce que tout ce que j'ai décris précédemment l’empêche. Oui, c'est normal que je doive payer le prix le plus élevé au nom de ce que je suis. Oui, c'est normal de plier devant ce destin que je n'ai pas choisi, et avec lequel je bats en fonction des armes, des capacités, et des possibilités, dont je suis doté. Oui, c'est normal...
 
Voila pourquoi, dans les jours et les semaines qui viennent, je vais écrire une fois de plus, tout seul dans mon coin, un texte qui expliquera au plus proche de cette réalité, ce qu'est mon existence. Voila pourquoi j'écrirai un texte à envoyer aux différents acteurs dont mon handicap, mon état de santé, ma situation personnelle, dépends. Voila pourquoi j'ai écris ce -trop ? - long texte ici afin d'en résumer la teneur. Afin de mettre en avant que j'essaye en vain ici aussi, de nouer des relations humaines dont ceux et celles auxquels je tends la main ici se détournent. Ils n'en veulent pas,
 
ils n'y répondent pas, parce que les relations humaines différentes, les gens différents d'eux, ne les intéressent pas. Aussi, parce que "c'est comme ça que ce genre de "réseau social" fonctionne. Dans ce cas, dans un monde dématérialisé, individualiste, où ses utilisateurs sont aussi automatisés que les machines qu'ils emploient, pourquoi en faire "un instrument plus humain". Pourquoi changer leurs "habitudes" où ce n'est que le divertissement momentané, l'entre-soi, le repli sur ses acquis, qui domine. Alors que pour des gens comme moi, pour les raisons que j'ai abordées, c'est la seule issue à leur état pour "rencontrer" autrui qu'ils ont à leur portée...
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