Pensée livresque du jour

Je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, il y une chose dont je suis certain. Au plus profond de mon âme, de mon cœur, de ma conscience, de tout ce qui fait que je suis l'homme que je suis, je sais que mon destin est lié aux livres. D'une façon ou d'une autre, tout au long de mon existence, tout ce que j'ai vécu m'a ramené vers eux.

Parfois, les vicissitudes, les épreuves, que j'ai endurée - elles sont nombreuses, diverses et variées - m'ont obligé de m'éloigner de l'univers dont ils sont constitué. Parfois aussi, y compris parmi les miens, les personnes que j'ai croisées n'ont pas compris, n'ont pas accepté, que je leur consacre toutes mes forces, toute mon énergie mentale. Elles ont été hermétiques au fait que toute mon attention, toute ma concentration, toute ma joie, soit d'arpenter les couloirs des Bibliothèques - et pas seulement Nationale - que j'ai tant aimer explorer. Elles ne se sont pas expliqué que je préférais - que je préfère - passer des heures assis plongé dans l'un d'eux ; avec une montagne d'autres à mes cotés.

Elles n'ont jamais intégré - n'intègrent pas - que je préfère utiliser mes journées à écrire, écrire encore, écrire toujours, mes articles sur l'actualité, sur la science, sur l'histoire, sur la religion, sur les connaissances que j'ai acquises au fur et à mesure des années en plongeant quotidiennement dans leurs méandres. Certaines personnes considèrent en effet que c'est du temps perdu ; qu'il serait préférable pour moi que je sorte de mon antre, que j'aille à la rencontre des gens. D'autres pensent qu'il ne s'agit pas là d'un métier. D'autres encore disent que le sport, l'activité physique, le bricolage, le jardinage, etc. m'apporteraient davantage de bien-être et de sérénité, plutôt que d'aligner des lignes à longueur de journée ; ou de consacrer des soirées jusqu'au milieu de la nuit, à des ouvrages que je prends plaisir à dévorer.

Pourtant, à chaque fois que je m'en suis éloigné, j'en ai subi mille tourments, mille moqueries, mille violences mille haines. A chaque fois que j'ai désiré me confronter au monde, aux autres, autrement qu'au travers de mes écrits, tout n'a été que rêves brisés, que désillusions, que rejets. Tout n'a été qu'abandons, désespoirs, humiliations, solitudes et silences.

Je ne suis pas une personne "normale". J'aurai beau me battre contre cette réalité, elle reviendra systématiquement me percuter, tel un coup de poing dans le ventre d'une violence inouïe, et me mettre à genoux. A chaque fois que j'ai essayé, ça a été un échec cuisant qui m'a meurtri, qui m'a détruit moralement, physique, qui m'a parfois conduit aux porte de la folie.

Je n'ai pas le choix. Et ceux et celles qui me disent le contraire, je les invite à prendre ma place quelques temps. Ils se rendront vite compte que la vie, parfois, vous impose un destin qui ne vous laisse qu'une seule option si vous désirez survivre. Même pas vivre, car vivre implique le bonheur d'être entouré, d'être écouté, que l'on vienne vers vous autant que vous avez envie d'aller vers les gens que vous aimeriez fréquenter. Vivre veut dure partager, rire, se sentir le bienvenu, que l'on se soucie de vous autant que vous vous souciez des autres. Toutes ces choses que je n'ai que peu ou pas connu, du fait de ma différence.

Différence tout d'abord physique, avec mon handicap, et ma tache de naissance. Ensuite, intellectuelle, puisque là a été ma seule planche de salut si je désirais être capable d'affronter toutes les épreuves, tous les tourments, qui ont jalonné - qui jalonnent mon existence. Dès lors, le chemin sur lequel je progresse sans peur ni affliction, sans angoisse ni sentiment d'être oublié, abandonné, c'est celui où les livres, où l'écriture, sont rois. C'est celui où nul, parce qu'il ou elle ne manifeste pas pour moi du dédain, de l'indifférence, du mépris, ou me faisant comprendre que ce que je fais n'est pas si important que cela, est incapable de m'atteindre et de me blesser irrémédiablement...

C'est pour ces raisons, notamment mais pas seulement, que je retourne immédiatement à la rédaction de mes Chroniques Personnelles. Et que ce soir, je me replonge dans les livres que je dévore quotidiennement avec un bonheur sans équivalent..

Dominique Capo