Ma damnation :

L'Homme ne sait plus rêver au-delà de son médiocre quotidien. Il ne sait plus être passionné, fasciné, exalté. Il ne sait plus s'enflammer, être épris sans modération. Il ne sait plus se donner tout entier, avec ferveur et véhémence. Il ne sait plus être romantique, curieux, fougueux, lyrique. Il a oublié, il se moque, il se rit, de tout ce qu'une femme est capable de susciter en lui. Moi, toutefois, je ne l'ai jamais perdu de vue. Et je suis damné, je suis maudit, pour cette raison.

Mais tant pis, je le clame haut et fort à la face du monde : l'Homme ne sait plus, également, être romanesque au point de tout bruler pour celle qu'il aime. Il n'est plus capable de soulever des montagnes pour elle. Il n'a plus envie de se battre en son nom ; même si le combat est perdu d'avance. Ce sont des motions, des sentiments qui le dépassent. Ce sont des saisissements ébranlant ses certitudes, son intellect, sa raison.

Car j'insiste : il souhaite que tout soit facile, que celle pour laquelle il a des sentiments lui tombe aisément dans les bras. Pire que cela : il souhaite que celle-ci rejoigne son lit, et qu'il la "baise" comme un animal. Il ne souhaite pas la conquérir, sentir monter cette tension où se mêle espoir, désir, rêve, émotions. Il ne souhaite pas s'encombrer de ses besoins, de ses projets, de ses bouillonnements, de ses plaisirs. Le sexe, brut, sauvage, dénué de passion, de partage, d'écoute, de sensualité, d'érotisme, est sa seule ambition.

Et je persévère : l'Homme ne voit plus la beauté telle qu'elle est réellement. Celle qui est, non seulement esthétique, évidemment. Mais surtout, celle qui dépasse cet infime aspect de la femme qu'il cherche à approcher. L'Homme est centré sur lui-même. Il ne sait plus déifier son aimée. Il ne sait plus la vénérer au point de construire pour elle des temples aux toits d'or et d'argent. Au point de lui dédier des odes enflammées à l'encre de son sang. Il ne sait plus défier les tempêtes et les ouragans afin d'attirer un instant son attention. Il ne veut plus traverser de déserts arides où il a des chances de perdre sa vie, juste pour un geste d'elle dans sa direction. Il ne sait plus renverser des nations, des empires, afin de lui déclarer ses sentiments.

Je conclus donc - et peu importe si l'on me fustige pour mes dire : l'Homme a peur. Il a peur de ce que la femme de ses rêves peut susciter en lui comme attachement. Et la Femme, de son coté, refuse d'être l'objet de telles inclinations. Tout ceci n'est pas dans les "normes". Tout ceci sort des critères habituels de la séduction ou de la "baise" pépère. A l'heure où le - la - partenaire n'est destinée qu'à être plus ou moins éphémère dans la vie de chacun(e), où à la moindre difficulté ou épreuve on se sépare et on se hait à n'en plus finir - jusqu’à mutuellement se détruire -, ces sentiments tempétueux teintés d'éternité n'ont plus leur place...

Dominique Capo