Mort en sursis...

L'immense majorité des gens n'a pas conscience du bonheur qu'elle a d'être en "vie". Oh, je ne parle du fait de manger, de respirer, de dormir, de penser, de parler, etc. Ce sont des facultés dont nous sommes tous et toutes dotés. Les morts-vivants ou autres vampires n'existent que dans l'imagination d'auteurs de récits fantastiques. J'en fait partie, mais je suis loin d'être le seul. Et il y a des écrivain(e)s bien plus doué(e)s que moi pour ce genre de littérature.

Non, être en "vie" signifie avoir droit à sa part de bonheur. Cela signifie être entouré(e) des hommes et des femmes que l'on aime ou que l'on apprécie. Être en "vie" veut dire qu'on n'est jamais oublié, mis de coté, humilié, rejeté, terrorisé, blessé... Cela veut dire que vous êtes capable de susciter l'attention de votre entourage. De susciter son respect, sa fierté, sa tendresse, ses émotions. Cela met en avant vos valeurs, vos rêves, vos projets, vos espoirs, vos savoirs, vos centres d’intérêts. Cela figure que la personne que vous êtes, que tout ce que vous portez en vous, est digne de prévenance, de curiosité, de considération, d'audience.

Être en "vie" signifie que l'immense majorité des gens a le désir instinctif, naturel, d'aller vers vous ; de faire des efforts pour apprendre à vous découvrir et à vous connaitre davantage. Cela signifie qu'à ses yeux vous n'êtes jamais invisible ou insignifiant. Que ce que vous dites, ce que vous faites, ce que vous pensez... a tous ses égards et son estime.

Cela veut dire que l'immense majorité des gens ne vous regarde pas comme un importun quand vous vous exprimez, quand vous vous approchez d'elle, lorsque vous tentez de tisser des liens avec elle. Cela veut dire que vous êtes bienvenu dans leur univers ; et que si celui-ci est attrayant pour vous, pour elle le votre l'est également.

Les relations que nous avons avec notre environnement et avec l'immense majorité des gens détermine si vous êtes en "vie" ou si vous ne l'êtes pas. Cela détermine si vous avez le bonheur "d'exister" véritablement... ou pas. Cela a des conséquences incalculables sur votre faculté à être heureux, détendu, serein, épanoui, jovial... ou pas. Cela a des conséquences considérables sur votre capacité à rire, à être détaché, à prendre de la distance, à faire fi des épreuves que vous subissez... ou pas.

Pour ma part, pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres encore que je ne puis ni évaluer ni lister ici - ce serait trop long, et le but de ce texte n'est pas celui ci -, je ne suis "pas en vie". Je respire, je mange, je dors, mon corps se meut, mon esprit fonctionne au maximum de ses possibilités, c'est une évidence que nul ne peut contester.

Mais tout ce que j'ai décris plus haut, je n'y ai pas droit, je n'y ai pas accès. Je suis un "étranger" au milieu de la multitude. Je suis différent du fait de ma singularité - autant physique qu'intellectuelle - ; donc, je n'appartiens pas à "cette" humanité". Cette humanité en "vie" qui, par son comportement envers moi depuis longtemps fait de moi un mort en sursis...

Dominique Capo