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16 juin 2021

Etre différent :

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C'est sur la souffrance et sur le malheur d'une minorité que le bonheur et la tranquillité de la majorité s'édifie. C'est de l'indifférence, de la médiocrité, des platitudes, auxquels ces derniers sont assujettis que se battit le désespoir et la solitude des premiers. Pas une seule personne issue de la masse ne lèvera jamais le doigt pour les aider à cicatriser leurs blessures, à moins d'y être contraints, ou à moins d'y trouver un intérêt personnel.
 
Jusqu'au jour où, évidemment, la roue de la fortune ne tourne en leur défaveur à la suite d'un accident de la vie, d'une période de chômage les faisant basculer dans cette précarité à laquelle est enchainée cette minorité. A moins que la maladie ou le handicap, ou toute autre forme de souffrance, ne les atteigne brusquement et irrémédiablement ; sans possibilité de retour en arrière. Alors là, ces personnes issues de la masse égoïste et stoïque, ne souhaiteront qu'une chose : c'est que cette majorité à laquelle ils appartenaient il y a encore peu, se souviennent d'elles, les regardent et les considèrent pareillement qu'autrefois. C'est que cette masse ne les oublie pas, ne les rejette pas. C'est qu'elles puissent toujours faire partie d'elle ; comme avant.
 
Mais non !!! Le regard de la masse sur ces personnes aura changé, et définitivement. Désormais, en effet, ces personnes seront liées à cette minorité qu'elles ont contribué à fuir, à rejeter, à moquer, à isoler. Elles tenteront en vain de leur rappeler qu'elles faisaient partie de cette masse placide, imperméable à sa douleur et à sa détresse. Mais la masse des gens "biens nés", "normaux", ancrés dans un quotidien dénué de scrupules, d'empathie, de bienveillance à l'encontre de ceux et celles qui ne sont pas comme eux, ne faiblira pas.
 
Être en contact, être ami, être ouvert et accueillant vis-à-vis des personnes que la vie n'a pas - ou n'a plus - favorisé, n'est pas ce vers quoi cette masse tend. Elle veut être uniquement constituée de gens qui ressemblent aux foules qui la composent. De gens qui pensent, qui agissent, qui croient, qui ont les mêmes habitudes ou préoccupations, qui ont les mêmes projets ou les mêmes rêves, qui ont les mêmes passions ou les mêmes existences que leurs semblables.
 
Ces gens ne veulent pas de personnes différentes parmi eux. Alors, lorsque l'un d'eux devient malheureusement différent, ils s'en séparent sans regret ni remord. Lorsque quelqu'un nait différent - et peu importe la forme que prend cette différence -, cette masse le juge et le condamne à la déportation, à l'exil, à la solitude, et ce à perpétuité.
 
Je plains de tout cœur cette masse de gens. Je la plains parce qu'inévitablement, un jour, ces gens qui la constituent rejoindront malgré eux cette minorité qu'ils ont toujours cherché à fuir. Parce qu'ils deviendront trop vieux, parce qu'ils ne seront plus aussi vifs, plus aussi dans le coup que quelques années auparavant, parce que leurs préoccupations, parce que leur vision du monde sera celle-ci : "Ah, c'était mieux avant", ils seront relégué au statut d'antiquités. Parce qu'ils seront à la retraite, forcé à l'inactivité, parce que l'invalidité les aura frappé, la masse les contraindra au silence et à l'obscurité.
 
Éventuellement, ils seront autant maltraités, humiliés, rabaissés, fui que cette minorité qu'ils ont jadis abandonné. Et ils pleureront toutes les larmes de leur corps d’être victime de l'indifférence et de l'apathie de cette masse discriminante et violente à leur égard. Et ils maudiront leurs enfants qui auront fait leur vie, et qui ne viendront leur rendre visite que très rarement ; parce que jeune et bien portante, ils ne désireront pas subir leur déchéance. Après tout, ils auront d'autres choses plus importantes à leurs yeux à faire.
 
Dans une société où le culte de la performance, où le culte du corps, où le jeunisme et ses attraits voluptueux sont la norme, on est vieux de plus en plus tôt. La moindre imperfection physique est considérée comme un motif de rejet ou de moquerie. Or, nul n'est parfait ; la perfection n'est pas de ce monde. Et tant mieux, sinon cela voudrait dire que la diversité nécessaire à la perpétuation des espèces - et l'espèce humaine notamment - n'aurait pu droit de cité.
 
Et leur déclin, puis leur extinction, et la notre, serait inéluctable. Voila ce que cette masse de gens médiocres et communs propagent comme doctrine lorsqu'ils ne désirent pas se mélanger à cette minorité qui ne leur ressemble pas. La standardisation des corps, des pensées, des rêves, des projets, des ambitions, etc. qu'ils encensent est le moteur de leur propre déchéance. Oui, le jour où ils seront obsolètes, remplacés par d'autres critères d'homogénéisation, ils deviendront des membres de cette minorité qui les effrayait tant ; et qu'ils rejetaient avec force.
 
Regardez-vous !!! Vous qui rejetez ou fuyez des personnes comme moi parce que physiquement et intellectuellement je ne vous ressemble pas ; parce que je n'adhère pas à vos critères de ce que doit être la normalité - cette normalité teintée de médiocrité, de petitesse d'esprit, de métro-boulot-dodo, de pain et de jeux, et j'en passe - ; dites-vous bien qu'un jour, inévitablement, inéluctablement, vous serez à ma place. Dites vous bien que la souffrance que vous m'infligez, que le désespoir dont vous êtes la cause, vous l'endurerez également. Que vous les ressentirez probablement mille fois plus durement, vu que vous n'y avez jamais été confronté du fait de ne pas être né différent...
 
Dominique Capo
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