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15 mai 2022

Le mystère de Rennes-le-Chateau, première partie

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Semées de petites villes et de minuscules villages, des vagues de collines partent des Pyrénées pour venir mourir à Carcassonne. La terre est dure. Les habitants sont rares. Entre les coteaux de pierrailles trop sèches et les landes sauvages et sablonneuses que couvre le thym, des petits ruisseaux se fraient rapidement un chemin.

La région est pauvre. Elle était pourtant très riche. Autrefois, il y a 2000 ans, les Celtes Gauls y habitaient. Nahro -Narbonne – était leur capitale. Les Wisigoths, fondateurs du royaume de Septimanie, ont pris leur suite jusqu'aux invasions musulmanes de l'an 700. Depuis, le pays se méfie : des tours de guet, aujourd'hui ruinées, cernent le paysage. Des châteaux forts achèvent de s'écrouler au sommet des collines. Pendant des centaines d'années, les hommes ont nourri cette terre dans leur sang.

Devenue partie intégrante du comté de Toulouse en 1050, la région a suivi son seigneur dans le catharisme. Non loin de Rennes-le-Chateau, l'antique « Rhedea » des Romains, on aperçoit la silhouette austère de Montségur, le dernier bastion des combattants cathares, tombé en 1244. Comme tout le reste du pays, Rennes – qui a donné son nom au pays : « Rhedesium », le Razès – s'est endormi loin de l'histoire. Après avoir été une capitale de plus de 30 000 habitants, la ville a fini par devenir un pauvre hameau défendu par un vieux château, au confluent de l'Aude et de la Sals.

En 1885, un homme de trente ans découvre les quelques petites maisons qui bordent l'unique rue du village. François Bérenger Saunière vient d'être nommé curé de la minuscule église de Sainte-Madeleine. Il jette un œil distrait sur le bâtiment. D'origine pauvre et premier de sept enfants, l'abbé Saunière n'a pas de goûts de luxe. C'est un homme solide, rustique même, pour qui l’Église constitue une sorte de promotion sociale.

L'église Sainte-Madeleine se dresse sur l'emplacement de l'ancien palais fortifié des Wisigoths. Elle n'est pas en très bon état. En 1892, l'abbé Saunière, qui a, entre-temps, pris la jeune Marie Dernadaud pour gouvernante, veut restaurer le bâtiment : il vient d'apprendre qu'un de ses prédécesseurs a fait un legs pour assurer l'entretien des lieux.

Premier travail d'urgence : réparer l'autel. C'est une épaisse dalle de pierre, dont une extrémité est scellée dans le mur de l'église, tandis que l'autre est soutenue par une colonne sculptée par le Wisigoths. En faisant soulever la dalle, l'abbé Saunière a la surprise de découvrir que la colonne est creuse : trois tubes de bois, scellés à la cire, sont dans la cavité.

Ils contiennent quatre manuscrits. Leur copie est parvenue jusqu'à nous. A première vue, ce ne sont rien d'autre que des transcriptions de passages de l’Évangile, rédigées en latin dans une écriture archaïque et quelque peu étrange.

Le premier de ces manuscrits (Jean, XII, 1-12) décrit la visite du Christ à la maison de Lazare, à Béthanie. Le deuxième raconte l'histoire des disciples qui égrènent les épis de blé le jour du Sabbat : cette version est élaborée à partir de celle de Matthieu (XII, 1-8), de Marc (II, 23-28) et de Luc (VI, 1-5).

Cependant, si on les examine plus attentivement, ces manuscrits font apparaître un certain nombre de détails inattendus : les monogrammes respectent des compositions différentes. Des lettres ont été ajoutées au texte. Certaines sont remplacées par des points. D'autres ont été déplacées… L'ensemble compose une énigme dont la clé est accessible aux seuls cryptographes.

Au début de 1893, l'abbé Saunière soumet les manuscrits à Monseigneur Billard, évêque de Carcassonne. Celui-ci l'autorise à partir pour Paris et lui accorde une bourse pour les faire déchiffrer. Dans la capitale, François Bérenger Saunière montre les documents à l'abbé Biel, le directeur spirituel de Saint-Sulpice, qui l'introduit auprès de son neveu. L'abbé Biel présente également Saunière à son petit-neveu Émile Hoffet, qui allait devenir une autorité en matière de vieux manuscrits et d'ésotérisme.

En trois semaines, le curé de Rennes-le-Chateau passe le plus clair de son temps au Louvre. Il y achète trois reproductions de tableaux apparemment sans lien : « les Bergers d'Arcadie », de Nicolas Poussin, « le Portrait de Saint-Antoine », de David Teniers, et « le Portrait du pape Célestin V », d'un artiste inconnu. Il devient également l'ami d'Emma Calvé, qui est alors la coqueluche de Paris. Pour un curé de campagne inconnu, ce n'est pas un mince succès. Cette belle chanteuse est alors au faite de sa carrière ; célèbre dans « Carmen » et dans « Faust », l'opéra de Gounod où elle donne toute la mesure de sa voix de soprano, elle revient tout juste de Londres, où les Anglais lui ont fait un triomphe. La reine Victoria l'a même invitée à Windsor. Elle restera très longtemps l'amie de l'abbé Saunière et lui rendra régulièrement visite, jusqu'à son mariage en 1914.

De retour à Rennes-le-Chateau, le jeune curé reprend son travail de restauration. Avec quelques jeunes gens du village, il entreprend de soulever une autre dalle face à l'autel. La face cachée se révèle sculptée, fans un style archaïque daté du VIe ou VIIe siècle.

On peut y voir deux scènes, qui se déroulent toutes deux dans un lieu voûté ou dans une crypte. A gauche, un chevalier sur sa monture sonne du cor de chasse, tandis que son cheval abaisse le col pour s'abreuver dans une fontaine. A droite, un autre chevalier brandit un bâton de pèlerin et porte un enfant sur son arçon. Usée et cassée, la pierre laisse difficilement deviner les sujets, mais la facture est incontestablement ancienne.

Une fois la pierre levée, l'abbé Saunière demande aux jeunes gens de creuser sur plusieurs mètres. Au bout d'un moment, la pioche fait sonner un objet dur. C'est alors qu'il s'enferme dans son église.

D'après la rumeur publique, deux squelettes auraient été exhumés, ainsi qu'un pot de médailles sans valeur. Ce qui est tout à fait plausible : dans les années soixante, au cours de fouilles autour de l'église, on a retrouvé un crane fendu rituellement.

Après cette découverte, l'abbé Saunière arrête de travailler dans son église. On le voit courir la campagne, un sac sur le dos, en compagnie de sa gouvernante. Il revient le soir, le sac plein de cailloux choisis avec soin. Quand on l'interroge sur son étrange comportement, il répond qu'il a décidé d'orner une grotte en pierres le minuscule jardin qui se trouve en face de l'église.

La grotte est toujours en place de nos jours. Mais elle a été pillée. Par des amateurs de souvenirs ou par ceux qui cherchaient peut-être le secret de François Bérenger Saunière.

Autre passe-temps étrange de l'abbé : au fond du cimetière, près de l'église, il y avait deux pierres tombales, dont celle de Marie de Négri d'Albes, morte en 1781, épouse de Francis d'Hautpoul, seigneur de Rennes-le-Chateau. Une nuit, il les déplace à l'autre bout du cimetière et efface soigneusement les inscriptions. En vain : certains archéologues les avaient déjà relevées et nous savons aujourd'hui que l'une de ces pierres portait la même composition de monogramme que l'un des manuscrits.

Au cours de deux années suivantes, le curé de Rennes-le-Chateau ne cesse de voyager. Il ouvre un compte en banque à Perpignan. Un autre à Toulouse. Un autre encore à Paris, et un quatrième à Budapest. Des mandats arrivent de toute l'Europe, libellés au nom de Marie Dernadaud, apparemment expédiés par différentes communautés religieuses.

A partir de 1896, l'abbé Saunière entame un vaste programme de remise à neuf de l'église. Presque tout a subsisté de nos jours, et l'effet est saisissant : adaptant un carrelage de 64 carreaux noirs et blancs alternés, François Bérenger Saunière les ordonne diagonalement à la jonction de la nef et du transept. A coté du portail d'entrée, il dresse un monument étrange, aux couleurs criardes : un bénitier posé sur la tète d'Asmodée, de dimensions humaines et le regard mauvais. Au-dessus : quatre anges ailés qui portent la devise : « Par ce signe, tu vaincras », une citation qui passe pour avoir entraîné la conversion de l'empereur Constantin.

Les murs de l'église sont recouverts de peintures en relief de style populaire : quelques stations de chemin de croix et des représentations du Christ. Le curé entreprend lui-même de peindre le portrait de Marie-Madeleine qui orne le devant de l'autel. Encore plus étrange : les paroles de Jacob, à Bethléem, « Ceci est un endroit terrible ».

Une fois les travaux terminés dans l'église, l'abbé Saunière ne renonce pas à sa soif de reconstruction. Il achète un terrain situé entre l'église et la partie ouest de la colline, et il y fait construire une promenade semi-circulaire terminée au sud par une tour de deux étages, la tour Madeleine.

A l'intérieur de la promenade, il crée un jardin et, à l'est, il fait construire une pension, baptisée Béthanie. Il y entasse des meubles rares, y reçoit royalement ses invités, toujours traités avec vins fins et bonne chère. On y voit, aux cotés d'Emma Calvé, des académiciens, des ministres, des écrivains, presque tous les notables de la région, et même un homme que l'on dit être – incognito – l'archiduc Jean de Hasbourg.

En 1917, quand l'abbé Saunière disparaît, on calcule rapidement le montant de ses dépenses : 2 millions de nos euros actuels. Jusqu'à sa mort, Marie Dernadaud, sa gouvernante, n'a manqué de rien. Elle a elle-même estimé sa propre fortune à 1 million d'euros d'aujourd'hui.

Mais comment ce petit abbé, pauvre curé d'une paroisse encore plus pauvre, a t-il pu devenir une homme aussi riche ? Quel trésor a-t-il pu retrouver pour pouvoir se permettre de telle dépenses ?

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Commentaires
B
J'ai passé une semaine à Rennes le Château avec les élèves de ma classe. Votre article est très intéressant et bon pour remettre en mémoire ces renseignements.A bientôt . Merci
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