Ces ailleurs que je porte depuis toujours en moi... :

J'ai vécu mille vies ; j'ai parcouru mille mondes, et aujourd'hui, je m'aperçois que nulle part je me sens chez moi. J'ai exploré tant d'univers, je me suis nourri de tant d'imaginaires, et pourtant, je comprends aujourd'hui que je n'ai rien appris. Je n'ai rien appris de qui je suis, de pourquoi j'existe, de comment je dois agir.

Je ne suis rien parce que je n'ai rien transmis. Personne ne me vois, personne ne m'entends. Et pourtant, j'ai tellement à partager avec tous ces gens... Toutes ces vies que j'ai traversées, toutes ces expériences dont je me suis nourri, tous ces lieux que j'ai parcouru, tous ses savoirs dont je me suis enrichi. Toutes ces personnes que j'ai croisées, que j'ai rencontré, que j'ai côtoyé, ou que j'ai aimé..., personne n'en n'a rien su. Tous ces mondes que j'ai arpenté, tous ces univers que j'ai sillonné en tous sens. Qui les a abordé et les a prospecté avec autant de passion et de fascination que moi ? Qui se rend compte qu'ils sont à sa portée et qu'ils attendent juste qu'on viennent les visiter ?

J'ai vécu mille vies ; j'ai parcouru mille mondes. Et partout, on m'a regardé comme un importun ; quelqu'un qui ne suscite que le mépris et l'indifférence. Quelqu'un de tellement singulier par le corps et par l'esprit qu'il n'a droit de subir que le pire, que le plus violent. Et partout, on m'a vu comme quelqu'un de qui on devait se détourner ; presque instinctivement, presque naturellement. Comme si c'était normal de me dépouiller de mon humanité, tout simplement. Comme si me faire souffrir continuellement était tout ce que je méritais parce que je suis différent.

Mes valeurs sont universelles ; mes imaginaires sont multiples ; mes savoirs sont incommensurables. Mon intelligence revêt des myriades de facettes ; et là est le problème pour tous ces gens qui me dénient le droit au bonheur et au contentement. Car ils jugent et condamnent. Parés de leur certitude que quelqu'un comme moi ne devrait pas exister, ils me renvoient au sein d'une obscurité et d'un silence que je n'aurai dû jamais quitter, selon eux.

Aussi, c'est ailleurs, hier et demain où je suis vraiment chez moi. C'est voyager au sein de ces ces univers qui les dépassent, c'est ausculter ces mondes où nul n'a jamais posé le pied, qu'est ma véritable place. C'est de lever les yeux en direction d'autres cieux, c'est de coudoyer d'autres peuples, c'est de modeler des mythes et des légendes dont ils auront été les inspirateurs, c'est d'écrire des histoires dont ils seront les héros, ce pour quoi je suis destiné. C'est d'écrire tout ceci, et bien davantage que jamais vous ne pourrez le supposer, ce à quoi je suis voué...

Malgré moi, puisque mes semblables ont décide que je n'étais pas des leurs. A mon insu, puisqu'ils ont jugé que la lumière qui brille dans mon cœur et dans mon âme ne scintille pas assez. Ils n'en n'ont rien discerné ; ils ne savent rien de qui je suis en réalité, des mondes, des univers, des expériences, des savoirs, des imaginaires, que sais-je encore, qui sont les miens. Mais ils m'ont déjà condamné.

Dans ces conditions alors, je ne peux que poursuivre cette quête que je mène depuis que je suis né. Depuis l'Aube des Temps, et jusqu'à la fin de l’Éternité, je n'aurai de cesse que vivre ces milliers de vies et de parcourir ces milliers de mondes. Je n'aurai de cesse que de m'enrichir émotionnellement et culturellement ; même si personne ne sait ce que j'ai entrepris, ce que j'entreprends, et ce que j'entreprendrai jusqu'à ce que la flamme qui m'anime s'éteigne définitivement. Et ces imaginaires, au travers de mes mots, au travers de mes investigations en tous genre, au travers de mes récits divers et variés que presque nul ne lit, seront l'ultime legs que je leur offrirai...

Dominique Capo