La Citadelle des Ombres - Deuxième Jour, Septième Partie

Au cours des heures suivantes, un certain nombre d’images n'ont pas cessé de me hanter. J'ai imaginé les atroces souffrances des voyageurs qui se sont arrêté aux abords du point d’eau la nuit précédente, afin d'y prendre un peu de repos, ainsi qu'un repas bien mérité. Je les ai vus en train de se faire déchiqueter les chairs. J’ai visualisé les terrifiants volatiles en train de labourer le corps à coups de griffes acérées, fondant sur eux à la vitesse de l'éclair. Je me suis représenté leurs douleurs alors qu’ils s'emparaient de leurs corps à moitié éventrés. J’ai songé à leurs traits déformés par la peur et par l'angoisse quand - peut-être - ils ont ouvert un moment les yeux, tandis que le sol s'éloignait d'eux de plus en plus rapidement. Puis, leur questionnement quant à leur destination. Je souhaite du plus profond de mon cœur qu'ils n'aient pas eu le temps de découvrir l'endroit ou ces monstres les emmenaient. J'espère qu'ils ont rendu leur dernier souffle de vie aux Dieux bien avant de parvenir en ces lieux maudits où un destin malheureux a conduit. Car, il ne fait aucun doute qu'ils ont dû servir de nourriture à ces volatiles géants, ainsi qu'à leur immonde progéniture. Je suppose en outre que leurs antres se trouvent dans les recoins les plus sombres et les plus éloignés des plus hauts pics des Monts du Levant. Je présume d’ailleurs que celles-ci s’accrochent au sommet des falaises les plus abruptes, là où les racines les plus venimeuses sont les plus nombreuses, et ses mêlent aux roches recouvertes de moisissures multicolores. Là également où les brumes sont éternelles et dissimulent leurs repaires aux yeux de ceux qui s'aventurent sur la plaine.

Ces images n'ont pas cessé de me tourmenter alors que mes pas m'emmenaient toujours plus loin vers l'Est. J'ai jeté régulièrement un regard inquiet vers le Ciel, toujours sur mes gardes. Les phrasés Magiques délivrant des Sortilèges de protection et des Incantations de Défense - tels que ceux capables de faire surgir des éclats de feu de mes doigts - étaient prêts à l'emploi. J'étais décidé à défendre chèrement ma vie si cela s'avérait nécessaire.

C'est d'ailleurs toujours le cas, tandis que je continue à avancer. Ma vigilance est certes un peu moindre. J'ai l'impression que le danger n'est plus aussi présent que cela. Malgré tout, je sens que celui-ci n'est pas totalement écarté ; l'est t'il jamais vraiment totalement au cœur des Territoires Extérieurs ? Mais, maintenant, ce que je contemple surtout avec épouvante et stupéfaction, ce sont les nuages noirs qui viennent de surgir brusquement de derrière l'horizon. Ces masses nébuleuses se meuvent à une vitesse stupéfiante au-dessus de la masse imposante des Monts du Levant. Elles sont accompagnées de bourrasques répandant leur souffle coléreux loin devant elles. Leurs ombres enveloppent très vite le firmament, et le Soleil s'éteint brusquement. La nuit habille la plaine en moins d'une minute. Une pluie fine et drue se met à tomber. C'est comme si une nuée acide se déversait tout à coup. Par ailleurs, je perçois dans la foulée des grondements sourds ; les nuages s'entrechoquent les uns contre les autres, provoquant des craquements et des déflagrations multiples. Des éclairs blancs surgissent et fondent sur le sol tout autour de moi. J'ai l'impression que les Enfers se déchainent. Il va donc falloir que je trouve un abri au plus vite si je ne veux pas être foudroyé par l'un d'eux ; ou, au mieux, si je ne souhaite pas être trempé jusqu'aux os, et incapable de me défendre si jamais un danger surgissait brutalement.