La Citadelle des Ombres - Premier Jour, Neuvième Partie

Je progresse maintenant rapidement en direction du cercle Mégalithique. Alors que les éclairs se déchainent autour de moi et que le tonnerre gronde au-dessus de ma tète, mes pas accélèrent leur cadence. Mes yeux tentent sans cesse de percer l'obscurité et de ne pas perdre de vue les blocs de pierre. Malgré la pluie et le vent me fouettant continuellement le visage, mon regard se tend vers eux. Je profite de chaque zébrure surgissant des nuages pour éviter les amas de ronces qui s'amoncellent sur le sol ; j'ai d'ailleurs l'impression que, plus je me rapproche de ce site abandonné, plus ceux-ci sont nombreux. J'en évite plusieurs qui étalent leurs racines un peu partout. Non loin de moi, tout à coup, j'aperçois une lueur cinglante, et fond brutalement au cœur d'un buisson un peu plus volumineux que les autres. Celui-ci s'embrase aussitôt dans une gerbe de flammes orangée illuminant l'espace à des dizaines de pas à la ronde. Et je me dis alors que, pour une fois, les Dieux sont de mon coté ; ce brasier providentiel va me permettre de retrouver plus facilement mon chemin.

Car en effet, maintenant, malgré la nuit, la pluie et le vent, je discerne distinctement les blocs aux hauteurs démesurées. Je parcours donc les derniers mètres qui me séparent encore d'eux. Lorsque je ne suis plus qu'à quelque pas des Mégalithes, je me rends fugitivement compte que ceux-ci semblent recouverts de hiéroglyphes plus ou moins semblables à ceux que j'ai étudiés la veille. Mais je n'ai pas le temps de m'attarder. Je suis trempé jusqu'aux os ; ma cape ne me protège que modérément des assauts continus de l'averse qui s'abat en giboulées, et des bourrasques qui parcourent la plaine tout autour de moi. J'essayerai de les examiner plus attentivement lorsque cet orage aura fini de déchainer sa colère.

Je me glisse dans la fente de plusieurs dizaines de centimètres de large située entre deux roches taillées. Je regarde droit devant afin d'étudier sommairement la scène qui s’y dévoile. L'espace qui apparait est d'une quinzaine de mètres. Je vois un monticule herbeux au centre duquel se dresse une sorte d'autel. Je jette un coup d'œil rapide vers lui ; il s'agit d'un bloc de granit lui aussi sculpté de formes hiéroglyphiques. Ses pentagrammes sont associés à des symboles à la fois proches dans leurs formes, mais également différents dans leurs compositions. Ils me rappellent ceux que j'ai examinés au bas de la Pierre Levée devant laquelle je me suis arrêté lors de mon premier jour de marche vers l'Est. Je tourne ensuite mon regard en direction du soubassement de la colline qui lui sert de support. Un nouvel éclair zébrant l'obscurité me permet de noter la présence d'une ouverture dans le sol.

De fait, je m'élance vers elle. Je me rends compte qu'une volée de marches s'y enfonce. Composées de pierres mal taillées et recouvertes en partie de moisissures multicolores, ces dernières disparaissent sous la colline. Sans aucune hésitation, je les dévale donc, tout en jetant une dernière fois un regard en direction de la plaine. Et je murmure le mot "Shalëk" - ou "Lumière" pour ceux qui sont habilités aux subtilités et à la maitrise de l'Art, afin d'éclairer le chemin qui s'ouvre devant moi.