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Mes Univers
6 mars 2016

autobiographie, pages 29 à 31 / 312

X1Dès lors, c'est contraint et forcé, mécontent de devoir les suivre dans ce temple de la consommation où je m'ennuyais à mourir, que je les ai escorté. Chaque arrêt dans un rayonnage était un calvaire. Les observer discuter de tel ou tel produit, d'à quels fins il allait être utilisé pour le repas du soir, du lendemain, ou de la semaine suivante m'assommait. De les voir s'extasier devant la qualité de tel morceau de viande – et pourtant, aujourd'hui, j'adore la viande -, de tel saucisson, de tel plat du Dimanche en devenir, m'horripilait. J'en ai, depuis, gardé de profondes séquelles. J'essayais donc du mieux que je le pouvais de me divertir. Et je jetais des regards alentours sur tout ce qui était susceptible de m'éloigner des préoccupations immédiates de ma mère et de mes grands-parents.

Le meilleur moyen d'échapper à mes obligations a été de demander à pouvoir rejoindre le rayon des jouets ou des livres. Il était fréquent que mes grands-parents – mon grand-père surtout – me concédait l'achat d'un Lego, d'un Playmobil ou d'un roman de mon age. Ils m'allouaient une somme à ne pas dépasser. Je courais vers linéaire consacré à ces divertissements. J'y restais jusqu’à ce qu'ils aient terminé d'en faire le tour et d'avoir rempli leurs caddies. Puis, ils venaient m'y chercher avant de se rendre à la caisse afin de payer leurs marchandises ; en y intégrant ce que j'avais choisi.

Souvent, ma mère n'approuvait pas cette méthode pour que je ne rechigne pas à participer à ce raid alimentaire. Mais elle n'avait pas trop le choix puisque c'était eux qui en payaient habituellement une fraction non négligeable. Elle s'inclinait et les laissait me gâter. Je tiens tout de même à dire que ma sœur et mon frère ont profité autant que moi des largesses de mes grands-parents. C'était une tradition que nous avons connu jusqu’à ce que nous soyons jeunes adultes et que nous puissions nous payer ce que nous voulions avec notre propre argent. Je conviens que certaines personnes trouveront cette démarche peu raisonnable. Mais c'est ainsi !

Normalement, je me précipitais immédiatement devant l'alignement de boites de Legos et de Playmobils. Je les inspectais longuement. J'hésitais entre tel ou tel emballage. Je ne réussissais pas à me décider entre telle et telle nouveauté. Parfois, au terme du séjour en ce lieu d’hyper-consommation, quand ils venaient me chercher, voyant mon embarras, mon grand-père acceptait que deux boites rejoignent le caddie au lieu d'une ; même si leur prix dépassait plus ou moins largement le budget qu'il m'avait octroyé. Ma mère et ma grand-mère étaient mécontentes de sa décision. Mais il n'en n'avait que faire. Je crois surtout que cela lui était aussi agréable de me les offrir, que moi de les recevoir. Mon grand-père était comme ça.

Il était d'une immense générosité avec ses petits-enfants. Ceux-ci – et surtout mon puîné – auraient pu lui demander la Lune, qu'il l'aurait décroché pour eux. J'imagine que celui-ci ayant été extrêmement pauvre tout le long de son enfance, dans une région de France au climat rude et sauvage, puis ayant réussi à gravir les échelons de la société à la force du poignet jusqu’à l'aisance financière, il ne souhaitait pas que nous connaissions la dureté de l'existence à laquelle il a été confronté gamin. Je crois aussi que c'était sa façon de compenser, d’être fier de sa réussite. Je suppose enfin que c'était pour lui son moyen de nous montrer son amour et sa tendresse qu'il ne parvenait pas à exprimer par des mots ou des gestes.

Et ce jour là, je m'y suis élancé avec le même enthousiasme qu'à l'accoutumée. J'ai fouillé les étalages qui s'offraient à moi. J'ai étudié leurs rangées de linéaires jusque dans leurs moindres recoins durant de longues minutes. Fouillant , refouillant, soulevant, déplaçant, entassant boites de Legos et de Playmobil frénétiquement, je me suis acharné à essayer d'en découvrir des inédites.. En vain, puisqu'au bout de ce qui m'a semblé être des heures, je n'en n'ai trouvé aucune qui me satisfasse.

L'enfant que j'étais a été terriblement frustré. Il était exceptionnel que je ne revienne sans rien chez nous. Cela peux ressembler à un caprice de gamin. C'en était effectivement un ; je ne le nie pas. Mais en rédigeant cette Chronique, mon intention est de montrer la réalité telle que je la vivais tout le long de ces événements fondateurs. Il y a eu des instants dont je suis fier ; il y en a dont je suis moins fier ; il y en a dont je ne le suis pas du tout. Qui peux se targuer d'avoir eu une existence sans tâche ? Celui qui l'affirme est non seulement un menteur, mais un orgueilleux irrécupérable.

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