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Mes Univers
30 mars 2016

autobiographie, pages 74 à 76 / 314

X1Mes grands-parents n'auraient pas admis les relâchements qui nous étaient permis chez mes parents. Déjà, lorsque j'avais le malheur de me réveiller après dix heures du matin, c'était un drame. Dans ce cas, ma grand-mère venait toquer à la porte de ma chambre. Elle poussait son battant. Elle inspectait la pièce où seuls quelques reflets de lumière traversant les volets clos apparaissaient. Elle m'interpellait en chuchotant : « Oh, j'avais cru percevoir un mouvement ! ». Nous savions pourtant parfaitement tous deux que je n'avais aucunement bougé. J'étais dans mon lit, bien au chaud et confortablement installé. Même éveillé, je n'avais pas envie d'en bouger. J'avais uniquement le désir de profiter pleinement de cet instant éphémère et divin, avant de devoir être confronté aux turbulences à venir.

 

Quand j'avais l'audace d'éteindre ma lampe après vingt-deux heures trente au grand maximum, le procédé était le même. Mon grand-père, lui, comme il l'a été dans bien d'autres domaines, était plus permissif ; plus « cool » selon l'expression couramment employée.

 

Ma grand-mère était, en effet, très « à cheval sur l'étiquette » si je puis m'exprimer ainsi. Non pas qu'elle soit issue d'une dynastie « bourgeoise ». Ses propres parents étaient des gens très simples, très faciles d'accès. Je crois que le fait d’être expatriée et d'avoir été servie par des « Boys » tels que « Mamadou » une vingtaine d'années, lui a fait acquérir de mauvaises coutumes. C'est mon opinion et celle-ci n'implique que moi.

 

Durant toutes ces années, mon grand-père et ma grand-mère ont « possédé », au minimum, un domestique africain. En fait, c'était un employé de couleur payé aux frais de la société dans laquelle ils travaillaient ; il en était de même pour leur logement de fonction. D'ailleurs, je suppose que leur sentiment de supériorité colonialiste vient de là. Les « Nègres » - j'ai horreur de ce mot – n'étaient rien sans eux, juste des « bons à rien » que les « Blancs » se devaient de discipliner. Je me figure donc que l'inflexibilité de leurs horaires ou de divers aspects de leur comportement au quotidien vient également de là.

 

Ce n'est, en aucun cas un jugement de valeur, je tiens une fois de plus à le préciser. Je n'ai pas envie que vous vous fassiez une idée mal-appropriée à leur égard ou à mon égard. Il faut se replonger dans le contexte de ces années-là. Ce sont elles qui ont également forgé leur vision du monde ; un monde qui a disparu aujourd'hui.

 

Je nous revois encore, que ce soit dans leur pavillon parisien, ou dans notre résidence du Doubs, déjeuner à 11h30 et dîner 18h30. Quelles que soient nos obligations, à moi ou aux autres, dès que le pendule sonnait, il fallait la cesser immédiatement. Nous devions rejoindre, séance tenante, la cuisine ou de la salle à manger. Nous devions mettre les pieds sous la table parce que le repas était prêt. Aucune dérogation n'était accordée. Et si, pour une raison quelconque, un impondérable venait gripper cette belle mécanique, mes grands-parents – mais une fois de plus, plus ma grand-mère que mon grand-père – étaient bouleversés. L'heure du souper était sacré, inviolable, intouchable. Tout le monde le savait. Et gare à celui ou à celle qui viendrait la parasiter ! Il était mal reçu.

 

Mes grands-parents étaient d'ailleurs souvent ébranlés quand ils décidaient de venir chez mes parents le Dimanche, par exemple. Je choisis ce jour comme référence parce qu'il était le jour de nos rassemblements familiaux le plus fréquent. Car, au milieu des années quatre-vingts, mon père et ma mère étaient absorbés, en plus de leurs engagements conventionnels, par leurs participations continuelles, à un tissu d'associations de parents d'élèves. C'est ma mère, en suivant la scolarité de mon cadet qui, la première, s'est engouffrée dans cette entreprise. Elle qui a toujours pris soin de se préoccuper de notre environnement pédagogique, a pensé que son investissement au sein de cet univers serait le bienvenu. Elle a songé qu'il était équivalent à sa collaboration aux conseils de classe du collège où nous faisions nos études à peu près à la même époque. Par contre, ce qu'elle n'avait pas prévu, c'est que mon père s'y aventurerait.

 

Or, quand mon père se mobilise pour mener un projet à terme, il ne fait jamais les choses à moitié. Et ce qui était, à l'origine, une petite cellule associative locale, s'est, au fil des mois, transformée en colossale branche rattachée à cette confédération. D'abord communale, elle est vite devenue départementale, avant de s'insérer dans la majorité des villes de la région Parisienne. Au point qu'à un moment donné, mon père a été en confrontation directe avec le Président National de ce réseau d’associations de parents d'élèves.

En conséquences, des individus venus de tous horizons et de la plupart des municipalités de la grande banlieue parisienne, ont défilé chez nous. Mon père rentrant du Ministère de l'Intérieur vers dix-neuf ou vingt heures, ses partenaires associatifs ne pouvaient le rencontrer qu'au-delà de cet horaire. La grande majorité d'entre eux travaillant aussi, ils étaient en outre indisponibles avant.

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