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Mes Univers
10 avril 2016

autobiographie, pages 94 à 96 / 314

X1J'ai soulevé le couvercle de la malle. Ainsi que je le faisais d'ordinaire afin de m'imprégner de l'atmosphère surannée de la grange. J'y ai plongé mon regard. De la même façon que j'avais déjà fouillé la penderie où étaient alignés les costumes de carnaval que mes grands-parents et ma mère avaient rapatrié du Sénégal, j'ai déplacé les monceaux de papiers et de journaux qui s'y concentraient. En vérité, j'étais en quête de bandes dessinées telles que celles sur lesquelles j'avais mis la main une fois précédente. En effet, en inventoriant la commode où se cataloguaient les habits d'apparat, j'avais déniché des illustrés datant de la jeunesse de ma mère. J'en avais même saisi plusieurs remontant à l'enfance de ma grand-mère. J'avais été enchanté de les feuilleter, et je ne souhaitais donc qu'à en localiser d'autres.

 

Quelle n'a pas été ma stupéfaction lorsque j'ai retiré un « Play-boy » de ce bric-à-brac. Intrigué et curieux, mes hormones s'éveillant, j'ai poursuivi mon exploration. Et ce n'est pas un ou deux périodiques érotiques que j'y ai décelé, mais une trentaine ! Quelle chance ! Moi qui, jusqu'alors, n'avais jamais connu, ni les désirs sensuels ni les plaisirs de la chair, ils m’accordaient une incursion au sein de cet univers jusqu'alors inconnu de moi.

 

Je me suis emparé d'une demi-douzaine d'entre eux. Je les ai caché sous mon accoutrement. Silencieusement, prenant garde que ni ma mère, ni mon grand-père, ni ma grand-mère ne soient dans les parages, j'ai déserté le grenier. Je suis retourné dans la chambre des Jumeaux. J'ai enseveli ces périodiques sous mon matelas. Et ce n'est que plus tard, définitivement seul et rasséréné que j'ai pu les enfouir dans les encoignures les plus discrètes de notre armoire à tenues de jour.

 

Par la suite, je me suis couramment absorbé dans ces « Lui » ou ces « Play-boy ». Profitant que j'étais seul dans la propriété ou que l'intégralité de la famille était à l'autre bout de bâtiment, voire dans le pré, je m'isolais quelques minutes. Je libérais les revues de leurs cachettes. Et je me délectais de ces visions fantasmées de jeunes femmes dénudées. Je rêvais de ce jour où je pourrais tenir l'une d'elles entre mes bras. Je songeais que, si mon premier amour avait été producteur d'effroi et de mortification, celui qui germerait bientôt, serait générateur de bonheur et de satisfaction.

 

Quel mensonge ! Comme j'étais naïf. Comme je me trompais. Ces créatures sur papier glacé dévoilant leurs charmes et leur beauté m'induisaient en erreur. Elles représentaient un Mythe qui flattait les sens de l'adolescent en devenir que j'étais. De fait, ma chute s'en est avérée d'autant plus apocalyptique ; j'y reviendrais.

 

Ce n'est qu'un ou deux ans après, que mon grand-père s'est rendu compte de mon indélicatesse. Il a été étonné, évidemment. M'a t'il grondé ? Je ne dirai pas cela en ces termes. Il m'a pris à part. Il m'a demandé par quel moyens je m'étais accaparé ces fascicules. Il a souligné, en s’efforçant de garder une attitude fermée et sérieuse – mais en y parvenant mal -, que ce n'étaient pas des journaux de mon age. Il m'a rappelé que j'avais encore bien assez de temps devant moi pour me préoccuper de ces choses là. Me les a-t-il confisquées. Franchement, je ne m'en rappelle plus. Ce dont je me souviens par contre, c'est que je n'ai pas été puni, ni par lui, ni par ma grand-mère, ni par ma mère. Les a-t-il informé de cet incident ? Il est probable que non. S'il me les a peut-être soustrais, je ne me remémore pas que l'une ou l'autre m'en ai reparlé ensuite. Ne ressurgit pas dans mon esprit l'image de condamnations, d'accrochages entre elles et moi sur ce thème. Et il est évident que, si cela avait été le cas, je me serai tu et aurais encaissé leurs remontrances penaud d'avoir été pris la main dans le sac. J'aurai courbé l'échine en attendant que la foudre s'éloigne. Et j'aurai admis ma faute, me serai sincèrement repenti.

 

Il y a en effet une posture que l'on ne peux pas me reprocher dans ce genre de circonstances, c'est ma sincérité. Je ne suis pas forcément les promesses que je fais lors de ces pénibles instants. Mais, lorsque je les prononce, je suis convaincu que je vais m'y tenir.

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