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Mes Univers
5 avril 2016

autobiographie, pages 84 à 86 / 314

X1Parfois aussi, après avoir endossé nos parures de nuit, nous avions entre une grosse demi-heure et une petite heure de liberté avant d'aller dîner. Nous allions alors rejoindre mes grands-parents et ma mère où ils étaient : soit dans le salon en train d'observer la télévision ; soit dans la cuisine, préparant le repas, arrangeant les assiettes et les couverts tout en ingurgitant un apéritif et en discutant des plus récents potins appris auprès de l'épouse de notre arrière-petit-cousin. Ou soit, comme je le faisais quelquefois, nous poussions jusqu'aux abords de la prairie pour nous divertir ; et pour ma part, pour lire.

 

En Été, je je m'y exhibais incidemment. Je franchissais le seuil de la véranda y menant. Arrivé là, je saisissais l'un des fauteuils de plastique dont nous nous servions lors des barbecues. Je le déplaçais du auvent bétonné – ma grand-mère y pendait son linge quand il pleuvait – jusqu'à la terrasse de briques qui le jouxtait. J'enjambais le parapet qui surgissait à une demi-douzaine de mètres de là. Ce faisant, je doublais le carré de fleurs que ma grand-mère entretenait amoureusement dès que possible. Je laissais derrière moi les trois ou quatre marches que mon père avait fabriqué un jour où il avait consenti à nous accompagner dans le Doubs.

 

Il me suffit de replonger en moi même pour apercevoir sa silhouette allongée sous le cerisier antédiluvien planté à cet endroit. Dans son dos, s'accumulaient les caillasses destinées à bâtir un mince rempart glaiseux. Une truelle à la main, un seau de mortier à portée de bras, il consolidait celles qu'il y avait déjà disposé. Et tout à son affaire, il nous avait « zappé » durant une bonne semaine.

 

J'écartais les basses branches. Je pressais le pas jusque sous la fenêtre de la chambre de ma mère. En Été, ses vitres étaient ouvertes en permanence. Il aurait suffit que je piétine les bosquets se succédant en deçà de celles-ci, que je m'appuie sur leurs rebords, et que je m'élance, pour y pénétrer sans que personne ne s'en rende compte. Je clouais le siège à l'ombre des ramées florissantes. Satisfait, je lâchais un coup d’œil vers la pelouse verdoyante qui s'étendait à perte de vue. Je décelais ses innombrables dénivellations. Je jaugeais ses barrières de bois mal arrimé délimitant les deux terrains. Je repérais approximativement la borne localisant la ligne de démarcation entre celui qui, au-delà, nous appartenait et celui d'après. J'étudiais les imposants résineux qui côtoyait cette dernière. Au nombre de quatre ou cinq, ils étaient regroupés non loin de l'emplacement où, jadis, mon arrière-grand-père maternel avait façonné un enclos potager. A une époque, celui-ci y avait ensemencé des salades, des tomates, des poireaux... Il en prenait grand soin, les arrosait quotidiennement, arrachait les spinelles qui les envahissaient. Le moment venu, il les avait récolté, et mon arrière-grand-mère en avait disposé. C'était avec certains d'entre eux d'ailleurs, qu'elle nous avait confectionné sa fameuse soupe aux choux. Et plus tard, mon grand-père avait, deux ou trois ans, poursuivi son œuvre. J'inventoriais encore l'arpent herbeux que mon frère avait un jour creusé. Des éclats de dalles imposantes l'affleuraient. Une fois qu'il devait être âgé de six ou sept ans, mon grand-père lui avait en effet raconté que c'étaient les restes d'une cahute datant du Moyen-Age ou de la Préhistoire, je ne me souviens plus vraiment. Dès lors, mon benjamin s'était mis à labourer l'humus avec acharnement. Durant plusieurs jours, il avait excavé les blocs rocheux. Il y avait percé un cratère, répandu de la terre tout autour. A force de les évaser, et malgré leurs dimensions, il les avait arraché à leur stationnement originel. Il les avait fouillé. Avec l'aide de mon grand-père, il les avait soulevé. Il avait exploré ce qui se cachait sous eux. Mais, il n'avait rien découvert. Et c'est déçu, qu'il avait abandonné son chantier tel quel pour retourner à ses consoles vidéo.

Bien entendu, mon grand-père ne lui a jamais avoué qu'il lui avait menti. Car c'était un farceur. Des fois, il aimait se mettre au niveau des gamins que nous étions. Il achetait du matériel de farce et attrapes, des araignées ou des insectes en plastique. Il acquérait des masques de carnaval. Lorsque c'était possible, toutes les occasions étaient bonnes pour organiser des facéties. Ce n'était jamais méchant, évidemment. Il n'était pas de ces gens qui se moquent ou qui abusent de la crédulité des autres. Quand c'était à ses dépends, il était le premier à en rire.

 

Mon petit-frère était toujours partant pour le seconder. Il se joignait à lui quand il allait dans une boutique spécialisée pour y glaner des pétards et des fusées de 14 Juillet. Ensemble, ils les alignaient au milieu de la rue ou dans les champs. Ils les fichaient au centre d'une bouse de vache ou dans un tuyau de gouttière. Puis, ils les allumaient, s'en éloignaient, et attendaient qu'ils explosent.

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