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Mes Univers
26 avril 2016

autobiographie, pages 123 à 125 / 314

X1L’unique fois où j’ai essayé de dépasser mes terreurs a été un échec retentissant. Le copain d’un copain la connaissait. J’ai donc demandé à celui-ci s’il ne pouvait pas m’arranger un tête à tête avec cette jeune fille. A ma grande surprise, à ma grande satisfaction, et rempli de terreur également, elle m’a accordé cet entretien. C’était au stade municipal, juste avant notre cours de sport rattaché au lycée. Des jours durant, auparavant, je me suis répété les arguments, les phrases que je voulais lui déclamer. Ce que je ressentais, combien je la trouvais belle, attirante, séduisante. Combien je serai fier, honoré, heureux, de la côtoyer, même si ce n’était qu’amicalement. Je crois que c’est ainsi que le pic de mon anorexie a été atteint. Au point que, ma mère, inquiète, m’a emmenée chez le médecin en se demandant quel mal me rongeait. Evidemment, elle ne s’est jamais doutée de la véritable nature de l’enfer que je vivais. D’autant qu’elle-même était la proie de ses propres tourments, de ses propres problèmes. J’y reviendrais peut-être plus tard puisque j’y ai été impliqué quelques semaines ou quelques mois après ; jusqu’à cette nuit terrible, sidérante, dévastatrice. De ces instants qui restent marqués au fer rouge en nous jusqu’au dernier jour de notre existence.

 

En tout état de cause, le jour et l’heure venue, j’ai rejoint notre lieu de rendez-vous. Je l’ai attendu quelques minutes. J’avais le cœur qui battait à cent à l’heure, de la sueur qui perlait du front, les mains moites. Je me sentais idiot, maladroit, incompétent, ridicule. Finalement, elle est arrivée. Toujours aussi belle, irradiante, lumineuse, séduisante à mes yeux. Et là, pris de panique, l’émotion étant plus forte que mon corps, je suis resté muet. Tous les mots, toutes les phrases, tous les arguments, que j’avais préparé, auxquels j’avais si longuement et si patiemment réfléchi, sont restés bloqués au fond de ma gorge. Pas un son, pas une syllabe, ne s’est échappée de mes lèvres. J’ai été statufié sur place. Prisonnier, je n’ai pas fait le moindre mouvement dans sa direction. Je n’ai pas prononcé ce discours auquel je m’étais si bien préparé. L’attente a duré quelques minutes. Et puis, comme elle s’est rendu compte que rien ne viendrait, elle s’est éloignée et a rejoint ses camarades.

 

C’est pour cela que, malheureux, dépité, honteux, triste, je lui ai rédigé peu de temps après cette nouvelle. Je l’ai accompagnée d’une lettre lui expliquant que ma bouche n’avait pas su lui avouer lors de notre aparté. De plus, à ce moment-là, je dessinais beaucoup. Je dessinais davantage que j’écrivais. Donc, j’ai ajouté une fresque de mon crû, représentant son prénom stylisé, avec un décor d'Héroic-Fantasy dans le fonds. J’ai cacheté le tout à l’intérieur d’une enveloppe à son nom. J’ai remis celle-ci au copain de mon copain, qui le lui a donné. J’ai anxieusement patienté les jours suivants, espérant une réaction, un remerciement, un reproche, de sa part. Mais rien, rien n’est jamais venu. Et, jusqu’à la fin de ma scolarité, en 1989, au sein de ce lycée, j’ai attendu un miracle qui ne s’est jamais réalisé.

 

Ce que j’ai oublié de relater hier, au terme de la dizaine de pages que j’ai rédigées, c’est qu’en juin 1989, aux derniers jours de ma scolarité -, j’ai tenté une dernière approche concernant cette jeune femme. Enfin, pas exactement. Je me suis autorisé un ultime rêve :

 

Tout d’abord, je me suis débrouillé auprès du contact qui lui avait remis mes missives, pour récupérer son numéro de téléphone. Je l’ai précieusement gardé comme une relique, au cours de ces semaines suivantes. Souvent, je l’admirais, je me demandais ce qu’elle faisait au même instant, avec qui elle était, si elle était heureuse ou pas.

 

Jamais je n’ai osé la contacter par téléphone. L’idée m’a évidemment traversé l’esprit à maintes reprises. Comment et pourquoi le nierai-je ? Mais qu’étais-je pour elle ? Rien, un insecte, une personne insignifiante qui avait traversé son existence à la vitesse de l’éclair, et qui en était ressorti aussitôt. Elle avait sa cour, ses ami(e)s, ses proches, ses préoccupations, etc. Pourquoi m’acharner.

 

Il n’y a que le dernier jour où j’ai espéré la croiser une fois encore ; une fois de plus avant que cette page de ma vie ne se referme définitivement. C’était un samedi matin si je me souviens bien. Il faisait beau et chaud. Il ne restait presque plus aucun élève dans l’enceinte du lycée. L’heure de midi approchait, et j’étais sur le point de prendre le car qui me ramènerait chez moi. Je suis sorti de l’établissement. Je me suis installé à proximité de son portail ; un œil fixé sur le lieu de passage qui ne tarderait pas à arriver. Puis, j’ai patienté. J’ai espéré la voir sortir du lycée, seule ou accompagnée, peu importait. De toute manière, si elle avait été seule, jamais je n’aurais osé l’aborder.

 

Hélas, elle n’a jamais franchi le portail. Et c’est triste, dépité, que je suis rentré à mon domicile. Et aujourd’hui encore, malgré les décennies qui se sont écoulées, je ne l’ai jamais oubliée. Elle reste gravée dans ma mémoire comme un rayon de Soleil, une illumination éphémère qui a enflammé mon adolescence. A un moment où celle-ci était profondément tourmentée, elle a parfois été le seul rocher auquel je me suis accroché au cours de ces années lycéennes.

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