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Mes Univers
25 avril 2016

autobiographie, pages 121 à 123 / 312 :

X1En 1987, j’étais au lycée. Pour des raisons sur lesquelles je reviendrai peut-être plus tard, cette année a été l’une des pires de ma vie. Elle a marqué mon existence au fer rouge à plus d’un titre. Certes, je n’étais plus moqué, puisque je ne fréquentais plus les camarades de mes classes de collèges. Ils étaient avec moi au sein du même lycée. Mais nos chemins avaient divergé. J’étais toujours aussi solitaire la plupart du temps, bien que me soit fait un ou deux copains vraiment sympas qui m’accueillaient parmi les groupes qu’ils côtoyaient habituellement. Je ne cacherais cependant pas que j’y étais mal à l’aise. J’avais le sentiment d’y être un intrus qui n’y avait pas sa place, une charge pour c e copain, plus qu’autre chose, un boulet qu’on traînait.

 

Je sais que ce copain n’avait pas de telles pensées. Il était sincère. C’est lui qui m’a permis de découvrir la musique des années quatre-vingts, de commencer à fréquenter les « boums », comme on les appelait, à aller au cinéma, à passer des week-ends, en dehors de chez mes parents. Mais durant ces boums, je ne dansais pas. Je me sentais ridicule. J’avais peur qu’on se moque de moi parce que mon handicap ferait de moi quelqu’un de maladroit si je me déhanchais sur la piste. Pire encore, j’étais persuadé qu’au moment des « slows », aucune jeune femme ne voudrait de moi comme partenaire d’un instant. De toute façon, j’étais trop timide pour oser inviter l’une d’entre elles.

 

Qui plus est, mes pensées étaient accaparées par une seule. Je ne la connaissais pas. Je ne la voyais, avec ses amis, dans la cour, que de temps en temps. Assis sur mon sac de cours, le nez plongé dans mes revues sur le paranormal – c’est ce que je lisais en priorité -, je guettais son arrivée. Cela ne durait que quelques secondes chaque jour. Si, un jour, je ne l’apercevais pas, j’étais profondément affligé. Par contre, dès que je la distinguais, c’est comme si un rayon de Soleil s’était posé sur moi. Comme si le jour se levait après la nuit. Elle me fascinait par sa beauté, par sa sensualité, par la cour qui l’entourait ; par tous ces garçons qu’elle fréquentait et qui osaient la draguer. Moi, jamais je n’ai osé l’aborder, l’approcher, lui parler. Je me suis contenté de l’admirer, de l’observer, de loin. Sachant que si j’osais faire un pas vers elle, ou que si j’osais lui déclarer ma flamme, les rires, les moqueries, les rebuffades, retentiraient, et me renverraient à ces heures sombres nées au cours de mon passage au collège.

 

Le seul moyen de l’atteindre, ai-je songé à ce moment-là, c’était de m’exprimer par écrit. Au cours d’une période de deux semaines de vacances, je lui ai rédigé une longue nouvelle d’une centaine de pages. Du matin au soir, durant ces deux semaines, je ne me suis adonné qu’à cette activité. Je m’y suis épuisé, restant enfermé du matin au soir dans ma chambre, à aligner les lignes et les paragraphes. J’en étais le héros, qui était confronté à des hordes de monstres qui envahissaient le lycée. C’était sanglant, naïf. Je la sauvais de ces myriades de zombies qui pullulaient dans tous les coins de l’établissement. Puis, nous finissions par nous réfugier dans une navette spatiale qui nous emmenait loin de la Terre. Elle voyait alors en moi son sauveur, et, malgré ma tâche de vin, malgré mon handicap, elle tombait enfin amoureuse de moi.

 

Aujourd’hui, quand je repense à cette nouvelle, je réalise combien j’étais innocent, combien j’étais romantique, combien j’idéalisais les choses. Combien j’idéalisais les femmes, et combien leur regard sur moi me terrorisait, m’angoissait, m’attristait. C’était une source de souffrance. Ce premier amour a été si intense que, pendant plusieurs mois, j’en suis devenu anorexique. Je n’arrivais plus à manger, je vomissais. Je ne parvenais pas à m’endormir. Plus rien ne m’intéressait. Je me suis senti prisonnier d’un corps difforme, monstrueux, qui n’était uniquement source de souffrances – crises de convulsions -, de moqueries, de rejets. Comment aurai-je pu prétendre qu’elle me remarque, qu’elle ose me parler, m’accueillir auprès d’elle. Je n’étais qu’un moins que rien, qu’une larve, qu’un déchet humain, à côté des jeunes hommes séduisants et fiers de leurs attraits physiques qu’elle fréquentait. J’étais même sûr qu’elle avait déjà couché avec certains d’entre eux, et qu’après avoir profité de ses charmes, qu’ils l’avaient jeté pour aller en séduire d’autres. Rien que cette idée me faisait souffrir, me peinait. Elle, qui à mes yeux, était la grâce, la beauté, la sensualité, incarnés, qui aurait donné tout ce que je pouvais pour pouvoir la tenir dans mes bras.

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