Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mes Univers
27 avril 2016

autobiographie, pages 125 à 127 / 314

X1

D’autant qu’une autre épreuve s’est immédiatement substituée dans les semaines qui ont suivi. C’est à cette époque que j’ai accepté qu’un chirurgien plastique et esthétique m’ôte ma tâche de naissance. Quelques semaines plus tôt, j’avais eu un entretien, en compagnie de ma mère, avec l’un des plus réputés de la place de Paris. Celui-ci m’avait affirmé qu’à l’issue de mes opérations, 90 % de ma tâche aurait complètement disparue. Pour me le prouver, il m’avait enduit l’endroit où elle se situait d’une crème – une sorte de maquillage – couleur peau. Il souhaitait que je voie à quoi je ressemblerais au final.

 

Je dois déclarer que je ne me suis pas reconnu. Pour la première et la dernière fois de mon existence, j’ai eu le sentiment, enfin, d’être un adolescent comme les autres. Sans tare, sans difformité, sans objet de moquerie ou de rejet. Je me suis senti un homme neuf, comme si, après des années passées dans l’obscurité, au sein d’une prison dans laquelle on m’avait enfermé depuis ma naissance, je voyais la lumière du jour. Cela peut paraître ridicule aux lecteurs et aux lectrices qui suivent ces lignes. Cependant, c’est ce que j’ai éprouvé au plus profond de mon cœur, de mon âme, et de mon corps.

 

A telle enseigne, que dès le lendemain, j’ai décidé de changer de tenue pour me rendre au lycée. D’habitude, j’en portais une relativement décontractée, comme n’importe quel jeune homme de mon âge. A la grande surprise de ma mère, j’ai demandé à porter des vêtements légèrement plus chics : un pantalon noir, une chemise blanche, ainsi qu’un blouson de cuir que mes grands-parents m’avaient offerts peu de temps auparavant. Lorsque je suis arrivé dans la cour du lycée, que j’ai rejoint mes camarades de classe avec lesquels je n’avais pas trop de problèmes de communication, ceux-ci n’ont, d’abord, rien remarqué de particulier. Ils ont uniquement été légèrement surpris de mon changement d’aspect vestimentaire. Puis, au bout de quelques secondes, une jeune femme appartenant à ce groupe, m’a auscultée bizarrement. Comme si tout à coup, devant elle se tenait quelqu’un de différent de la personne qu’elle côtoyait tous les jours. « Regardez. », a-t-elle murmurée, abasourdie. C’est à cet instant précis que mes autres camarades m’ont contemplé étrangement. Oh, ils n’étaient ni hostiles, ni moqueurs, ou autre. Non, c’était juste comme si ils découvraient un autre individu à la place de celui qu’ils fréquentaient. Cette jeune femme a d’ailleurs affirmé, dans la foulée, qu’elle me trouvait plutôt séduisant.

 

C’était bien la première fois que l’on me faisait ce genre de réflexion. J’en ai été gêné. Je n’avais pas l’habitude. Et encore moins quelques jours plus tard, lorsque le samedi après-midi suivant, je suis allé chez l’un de mes rares amis de lycée. Il avait été prévu que je l’attende devant la gare la plus proche de son domicile. Je suis quelqu’un qui a toujours été très ponctuel. C’est toujours le cas. Je suis donc venu en avance. J’ai patienté une quinzaine de minutes devant la gare. Eh bien, c’est la seule et unique fois de ma vie qu’une jeune femme ayant à peu près mon âge, m’a abordé. Apparemment, elle attendait son train. Elle patientait à moins d’une dizaine de mètres de moi. De mon côté, j’étais surtout préoccupé par l’arrivée de mon ami. Elle a commencé à me parler, de tout et de rien. Juste histoire de discuter un peu. Puis, vers la fin, peu de temps avant que mon ami me rejoigne, elle m’a demandé si je souhaitais aller prendre un café dans un bar. J’étais décontenancé, honoré, je n’en disconviens pas. Alors qu’à l’accoutumée, les jeunes femmes me fuyaient comme la peste, se moquaient de moi, me dédaignaient pour mes collègues de classe, exceptionnellement, l’une d’entre elle me découvrait assez attirant pour vouloir de ma présence à ses côtés.

 

J’ai décliné son invitation, car cet ami arrivait justement. Je l’en ai remercié, et cette initiative m’a réchauffée le cœur.

 

Hélas, cet état de grâce n’a duré, au mieux, que deux à trois semaines en tout. En effet, très vite après la fin de l’année scolaire, je suis entré en clinique pour me faire opérer. L’opération devait se dérouler en deux temps. Dans un premier temps, on devait me poser des sortes de ballons destinés à être progressivement gonflés. C’est ainsi que de la peau de mon visage supplémentaire devait être créée. Et c’est elle qui, dans un deuxième temps, une fois qu’il y en aurait assez, serait manipulée, étalée, afin de recouvrir les parties rougeâtres de mon visage.

 

La première opération, en elle-même, n’a pas été douloureuse. Elle n’a duré que quelques heures, et je n’ai été hospitalisé que trois ou quatre jours. Ce dont je me souviens davantage, c’est la chaleur. Dieu qu’il a fait chaud durant cette période. Ce dont je me souviens aussi, c’est que c’est lors de cette hospitalisation que j’ai entamé la lecture des Chroniques d’Alvin le Faiseur.

Publicité
Publicité
Commentaires
Mes Univers
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 287 617
Derniers commentaires
Archives
Mes Univers
Newsletter
Pages
Publicité