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Mes Univers
5 janvier 2017

Epuisé :

X1Vous connaissez le supplice de la goutte d’eau ? Chaque jour, trouver quelque chose à critiquer, à remettre en cause ? Souligner que les efforts accomplis ne sont pas suffisants, et ne le seront jamais, quoiqu’il advienne? Juger en condamner ce qui n’est pas conforme aux désirs de ceux et celles qui vous entourent ? Plutôt qu’ils vous montrent leur fierté et leur joie de vous voir vous démener pour faire au mieux avec les moyens qui sont à votre disposition ; avec les capacités qui sont les vôtres ?

Eh bien, c’est un peu ce que je vis en ce moment !!! C’est actuellement mon quotidien. Car ceux et celles qui m’entourent ont ce genre de comportement à mon encontre. Ils me demandent toujours davantage. Ils exigent de moi des choses que je suis dans l’impossibilité de leur donner. Ils me somment de m’épuiser jusqu’à ce que je n’en puisse plus, afin d’accéder à leurs demandes.

Ils se disent que mes forces – morales, physiques, émotionnelles – sont sans limites. Que je peux tout supporter sans rechigner, sans me fatiguer. Ils se disent que c’est normal, naturel, de me déprécier, de me mésestimer. Après tout, je passe la plus grande partie de mes journées derrière mon ordinateur ; à écrire ils ne savent pas quoi. A discuter, à échanger, avec des inconnu(e)s qui sont tout, sauf réels.

Alors qu’eux, ils se dépensent en effectuant des activités sportives, en prenant « l’apéro » avec des personnes du village qu’ils connaissent depuis longtemps grâce aux animations locales auxquelles ils participent. Il est vrai que ce à quoi je m’emploie n’est pas grand-chose, comparé aux préoccupations journalières qui les intéressent. Il n’y a aucune fierté à retirer d’un frère, d’un fils, d’un petit-fils, dont ils ne comprennent pas les motivations, les passions, ou les centres d’intérêts. Ils sont dépassés par les raisonnements, par les questionnements, par les investigations intellectuelles et érudites qui sont au centre de sa vie. C’est tellement plus gratifiant, à leurs yeux, de se pencher sur les séances d’équitation d’untel, sur l’élevage de poulets d’un autre, sur la nourriture achetée récemment au supermarché d’un troisième, sur les cancans du coin. C’est tellement plus honorable et respectable de montrer aux autres, par les souvenirs d’une jeunesse dorée, par les voyages aux quatre coins du monde que l’on a effectué, que l’on est quelqu’un qui compte.

Évidemment, je ne peux lutter contre cela. Quand je suis assis autour de la table, et que j’entends ressasser tous ces gargarismes de « l’entre-soi » auxquels je n’appartiens pas – auxquels je n’ai jamais appartenu – parce que ce n’est ni dans mon caractère ni dans ma personnalité -, je suis vidé de toute énergie. Je suis épuisé ; comme si un poids insoutenable était maintenu en équilibre au sommet de mes épaules. Nul ne s’en rend compte, nul ne s’en préoccupe. Je ne suis qu’un faire-valoir, qu’une potiche destinée à écouter, muet d’admiration ; tout juste bon à acquiescer aux mots prononcés. Puisqu’on ne m’intègre pas dans la conversation ; puisque je n’ai pas à donner mon avis.

Chaque fois, je m’interroge : est-ce qu’aujourd’hui, je vais avoir la permission d’évoquer - un peu – ce qui est important pour moi ? Quels ont été les films, les documentaires visionnés il y a un ou deux jours à la télévision ? Quels ont été les sujets d’actualité, les débats de fond, que j’ai évoqué avec mes interlocuteurs ? Qu’est-ce-qui m’a touché, ému, révolté, dans ce à quoi j’ai assisté lors de mes échanges ?

Et chaque jour, rien. Néant total. Je suis contraint de dissimuler mes pensées, mes centres d’intérêt, mes préoccupations et mes occupations. Quand quelqu’un arrive, je suis obligé de me replier sur moi-même ; dans le bureau de la maison ou dans ma chambre. Au grand désarroi et mécontentement de ceux et celles qui m’entourent. Les rares fois où ils m’abordent afin de me dévoiler leur désapprobation, je n’ai pas l’opportunité d’entrer dans le détail de ce que je souhaiterai leur expliquer ; le pourquoi et le comment d’un tel comportement de ma part. Cette souffrance et cette peur qui sont les miennes lorsque je suis confronté à de telles situations. Le besoin d’être rassuré, de me sentir le bienvenu à m’exprimer. L’aversion quasi-épidermique qui est la mienne, accumulée au fil des années, du fait de savoir que les mêmes choses vont se répéter, inlassablement. Et que quand je dois m’y plier pour laisser toute la place libre à mes aînés - ces aînés qui dominent et imposent leur loi, leurs vues -, c’est moi qui dépérit. Il faut leur laisser toute la place, pour ne pas contrarier parce qu’ils sont âgés et qu’on leur doit soumission et respect. Il faut se rabaisser, s’humilier, se discréditer puisqu’il faut se montrer redevable envers eux pour tout ce qu’ils ont fait – et font – pour nous depuis que nous sommes enfants.

Un jour, peut-être, viendront t-ils me chercher parce qu’ils accepteront, qu’ils comprendront que j’ai ma place autant qu’eux au sein de leurs échanges et de leurs conversations ? Un jour, éventuellement, ils se rendront compte que ce que j’ai à dire à autant de valeur, autant d’importance, mérite autant de respect, que leurs « entre-soi » pontifiants. Peut-être ? Je n’en suis même pas sûr. Car si un jour ils parcourent ce texte, leur fureur et leur incompréhension prendront le pas sur leurs remises en question.

Tel est mon quotidien en ce moment. Tel est tout ce que je dois sacrifier pour le bonheur et la sérénité de ceux et celles que j’aime ; que je dois respecter et honorer. Telle est l’éducation que j’ai reçue, où tout ce que je suis est nié, caché, est indigne d’honneur ou de noblesse. Je m’y plie parce que je n’ai pas le choix. Je le fuis autant que possible pour qu’ils jouissent de leur position autant que faisable. Parce que s’il y a une chose plus importante que tout le reste, plus importante que moi, c’est que je les aime.

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