Qui a besoin de moi ?

Le silence et l'obscurité ; la solitude et la nuit. Cette brume et ce désespoir d'exister au milieu d'une multitude pour qui je ne suis qu'une ombre furtive et éphémère ; évanescente et immatérielle ; sans autre substance que celle que son âme retranscrit au travers de ses écrits.

Ce poids qui écrase mes épaules ; ce souffle de vie qui s'éteint, puis se rallume fugitivement, au gré des émotions, des rêves, et des espérances qui n'aboutissent jamais. Cette contemplation d'un monde et d'une humanité dont je suis le captif depuis que je suis né. Moi qui tente chaque jour de me libérer de ces tares, de ces insuffisances, de ces différences, que ces derniers ne tolèrent pas ; ne toléreront jamais à leurs cotés.

J'aurai tant aimé être quelqu'un que le monde et l'humanité souhaiteraient accueillir parmi eux. Qu'ils aimeraient rencontrer, à qui ils aimeraient parler, avec qui ils aimeraient partager des instants de joie et de bonheur, de rire et de convivialité. J'aurai tant aimé gouter ces instants que je jamais connu ; dont j'ai toujours rêvé.

J'aurai tellement souhaité qu'on vienne instinctivement vers moi, sans avoir à le demander ; à le supplier parfois. Sans avoir à pleurer toutes les larmes de mon corps parce que la majorité, ceux et celles qui sont dans la normes, estiment que je n'y ai pas droit. Parce qu’aussitôt ce que j'ai à leur communiquer lu, je disparais de leur mémoire... Parce que je n'ai pas assez confiance en moi pour dire "j'ai besoin de vous, de votre présence, de votre attention, de votre amitié au-delà de ce que nous échangeons ici".

Oui, tellement besoin ; mais à leurs yeux, tellement insignifiant, tellement secondaire aussi. Oui, un état d'esprit dont ils ou elles sont imprégnés, et contre lequel je ne peux pas le battre, contre lequel je ne pourrais jamais remporté de victoire. Je le sais depuis longtemps ; et pas que virtuellement.

Qui a besoin de moi alors que l'aube d'une nouvelle année se dessine devant nous ? Qui se soucie de moi, si ce n'est ma famille ? Certains diront que c'est déjà beaucoup. Mais est-ce suffisant pour quelqu'un d'emmuré vivant 24 heures sur 24, 365 jours par an, parce qu'il n'a pas le choix ? Est-ce suffisant pour quelqu'un qui ne voit jamais personne, qui ne parle jamais à personne - si ce n'est le deux ou trois ami(e)s qui l'appellent de temps en temps -, et qui en souffre plus qu'il ne saurait le dire...

C'est pour cette raison, notamment, que j'écris tant. Mais est-ce vraiment important pour ceux et celles qui ont le privilège d'avoir une "vie normale" ? Je suis d'ailleurs profondément conscient qu'aucun d'eux, qu'aucune d'elles, si un jour j'ai la chance de publier mes Mémoires, ne s'y attèleront. Qu'aucun d'eux, qu'aucune d'elles, ne verra tout ce qui se cache derrière ces confessions....

Moi qui offre tant aux autres au travers de mes écrits. Moi qui me préoccupe en permanence des personnes qui me sont chères ; compris lorsque c'est à mes dépends ; y compris en cachette, sans qu'ils ou elles s'en aperçoivent éventuellement. Oui, qui a besoin d'un être si différent dans un monde, au sein d'une humanité insensible à ce que mon âme et mon cœur portent avec douleur et tristesse permanentes...

Oui, vraiment !!! Qui a besoin de moi, alors que moi j'ai tellement besoin d'eux, j'ai tellement besoin d'elles ?...

Dominique Capo