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Mes Univers
30 décembre 2020

Bonne et heureuse année 2021 :

W1

Je vous souhaite, à tous et à toutes, une belle et heureuse année 2021. Que tous vos projets, que tous vos espoirs, que tout ce en quoi vous croyez se réalise. Je vous le souhaite du plus profond de mon cœur.
 
Je vous souhaite santé - c'est le plus important. Moi qui suis atteint de la maladie de Sturge-Weber, qui ai une hémiplégie partielle du coté droit de mon corps, qui est sujet à des crises de convulsions épisodiques, qui ai le visage couturé de cicatrices qui ne s'effaceront jamais à cause d'opérations de chirurgie esthétiques ratées, je sais que la santé est ce que nous avons de plus précieux.
 
Je vous souhaite d'être entourés de ceux et celles que vous aimez et qui tiennent à vous. Votre famille en premier lieu. Moi, à mes cotés, je n'ai que Vanessa, ma compagne depuis dix-sept ans. Je m'occupe d'elle comme d'une enfant alors qu'elle a 47 ans. Dotée d'une atrophie du cervelet qui la rend plus lente que la plupart des gens, atteinte d'une sclérose en plaques qui diminue drastiquement son autonomie - elle ne marche plus qu'avec un déambulateur ; pour sortir de notre appartement, ce n'est qu'en fauteuil roulant -, elle est totalement dépendante de moi.
 
Je prends soin d'elle du matin au soir. C'est moi qui m'occupe de tout - courses, charges domestiques diverses et variées, repas, démarches administratives, rendez-vous avec le médecin, le kiné, etc. -, elle ne peut se débrouiller seule. Elle porte en permanence des protections pour les fuites urinaires. Du fait de son état, les relations intimes, il y a longtemps que nous n'en n'avons plus. Sa maladie fait qu'elle est souvent maladroite. Donc, je suis contraint de la surveiller continuellement comme le lait sur le feu.
 
Évidemment, ni elle ni moi ne pouvons conduire. Les médicaments que nous prenons, nos handicaps, nous l'interdisent. Nous ne sortons donc jamais de chez nous puisque c'est grâce au Drive que je fais nos courses, que notre aide-ménagère qui vient chez nous deux fois par semaine, nous rapporte quand nous le lui demandons.
 
Ça fait une demi-douzaine d'années donc que, parce que Vanessa est de plus en plus malade, je ne sors plus de chez nous. Nous ne voyons personne. Personne ne nous téléphone. Il n'y a que Carine Alessandri, une amie dont j'ai croisé la route ici, qui m'appelle de temps en temps. De même que Jean-Christophe Violotte, que j'ai connu sur LinkedIn ; ou Olivier, que je connais depuis 1991, et le seul avec lequel j'entretiens un contact depuis cette époque, alors que j'ai croisé tant de monde au cours de cette trentaine d'années qui viennent de s'écouler.
 
Je suis différent. Je l'ai toujours été depuis ma plus tendre enfance. Physiquement, je viens de le mentionner. Intellectuellement également puisque les choses de l'esprit sont le seul récif auquel j'ai pu m'accrocher ; ce sont elles qui m'ont permis de ne pas sombrer dans la démence, ou de ne pas mettre fin à mes jours.
 
Car, pour pallier à mes déficiences physiques, envers et contre tout, malgré les préjugés, malgré les moqueries, malgré les rejets, malgré les humiliations, le savoir, les livres, la recherche historique ou philosophique, les interrogations sur l'actualité ou le devenir de l'Humanité, sont ce qui m'ont sauvé. Et encore, ce ne sont que quelques domaines explorés par moi que je cite là. Il y en a tellement d'autres dont je me suis nourris au fil des décennies.
 
Mais qui ça intéresse ? La curiosité de qui est suscitée par ces sujets ? Tandis que pour moi, ça a été une question de survie. Oui, survivre à cette solitude dont je suis le jouet. Survivre au silence dont je suis entouré. Survivre à ce manque de confiance en moi du fait du regard que les autres ont posé sur moi durant toutes ces années. Survivre à ce besoin de partager avec des gens pour qui ce que j'aimerai vivre avec eux laisse indifférent, insensible.
 
Survivre à cette douleur de voir la femme avec laquelle je vis dépérir peu à peu sans que je ne puisse rien faire pour l’empêcher. Survivre à tous ces efforts que l'on exige de moi en permanence, à tous ces sacrifices endurés. Survivre à toutes ces certitudes, à tous ces jugements, à toutes ces condamnations implicites ou explicites, du fait que mon parcours n'entre pas dans les cases de cette norme qui me tyrannise.
 
Alors, oui, vous qui avez la santé, vous qui avez un travail normal, vous qui avez des collègues que vous voyez régulièrement, vous qui avez des amis qui vous téléphonent, chez qui vous allez, qui viennent chez vous, avec lesquels vous sortez ou partez en vacances régulièrement, profitez de ce bonheur qui vous est accordé. C'est un privilège pour lequel je vendrai mon âme au Diable sans hésiter, afin d'y accéder.
 
Parce que vous êtes "normaux" - mais qu'est ce que la "normalité" -, parce que vous faites partie de la majorité, plutôt, parce que vous appartenez à cette catégorie de gens dont les épreuves ne sont pas insurmontables depuis que vous êtes nés, profitez d'être en bonne santé, d'avoir un toit sur la tète, d'avoir une famille que vous voyez plus ou moins souvent. En cette années 2021 qui débute demain, c'est tout le bonheur que je vous souhaite à chaque instant qui passe.
 
Moi, je n'ai pas ce privilège. Ma famille, elle, vit à 300km de chez moi. Je ne l'ai pas vu depuis un an. Ma mère, je ne suis en contact avec elle que quelques minutes tous les jours par Skype. Ma sœur a sa famille, son travail, ses amis. Nous n'avons pas d'atomes crochus. C'est une femme de la terre alors que je suis un intellectuel. Elle me lance assez de piques à ce propos quand elle en a l'occasion.
 
Mon père, lui, est mort en me reniant. Un homosexuel refoulé qui a menti à tout le monde toute sa vie, un homme qui a abusé de ma mère, de ma sœur, et de moi, financièrement parlant, avant de faire son coming-out et de tout détruire derrière lui. Un homme, aussi, qui m'a rabaissé, qui a fait peser sur moi son mal-être au point que je me suis longtemps senti être un moins que rien.
 
Un petit frère tué dans un accident de voiture alors qu'il venait d'avoir 18 ans. Le seul qui était un peu fier de moi et de l'écrivain en devenir, de l'historien passionné de savoir que j'étais, à une époque où mes recherches, mes questionnements, mes textes, étaient mal vus dans ma famille. A une époque où mon extrême sensibilité, où ma fragilité était exacerbée à cause de ce célibat que je portais comme une malédiction. Aymeric était le seul à me soutenir, à oser dire que je valais quelque chose, que ce que je faisais qui avait de la valeur, que mes recherches étaient intéressantes. Aymeric était le seul qui me consolait de cette détresse dans laquelle je me trouvais, lorsque je me rendais compte que toutes les jeunes femmes que je croisais me fuyaient parce que j'étais "différent". Il était celui qui écoutait mes désillusions;
 
Quand je lui racontais que ces femmes m'avaient expliqué qu'elles n'oseraient jamais se montrer dans la rue avec moi, à cause de mon handicap. Quand je lui racontais qu'elles avaient peur que si je "couche avec elles", je leur transmette ma maladie, ou que si j'étais leur compagnon et que nous ayons des enfants ensemble, elles avaient peur que ces derniers soient fatalement "anormaux".
 
Vanessa, elle, a rompu avec sa famille parce que celle-ci a maintes fois tenté de torpiller notre couple. Parce que celle-ci estimait que je n'étais pas assez bien pour elle. Parce que c'était de ma faute si elle est atteint de sclérose en plaques. Parce que sa famille l'infériorisait du fait de sa maladie, parce qu'elle la rabaissait, parce que Vanessa n'avait pas son mot à dire dans les décisions que sa famille prenait pour elle ; pire, qui avait également une incidence sur moi, tant son compagnon. Oui, sa famille qui ne prenait jamais de ses nouvelles tant que Vanessa ne leur en demandait pas. Sa famille qui la voulait pour elle toute seule, malgré que Vanessa soit heureuse et épanouie avec son compagnon...
 
Oui, profitez du bonheur qui est le votre, malgré les ravages de cette pandémie, malgré les ravages de la crise économique, malgré les fins de mois difficiles. Vous êtes aimés, appréciés, entourés. Vous pouvez faire l'amour à la femme ou à l'homme que vous aimez. Vous connaissez ces caresses, ces partages sensuels, que l'union de deux corps, de deux âmes, et de deux cœurs, peuvent matérialiser.
 
Que j'aimerai être à votre place. Que j'aimerai que Carine, Emmanuelle Soni-Dessaigne, ou Alexandra Giroux, me téléphonent pour me souhaiter une bonne année. Que j'aimerai que Carole Gaessler, qui a été ma sœur de cœur durant des années, me recontacte pour que nos liens amicaux soient aussi forts qu'avant. Oui, Carole Gaessler, qui a brisé mon âme en refusant que nous nous rencontrions parce que c'est quelqu'un de célèbre ; alors que je lui ai toujours été fidèle en amitié, que je l'ai soutenu dans des périodes difficiles de sa vie récente. Alors que je l'ai toujours préservé, protégé, lorsque des gens tentaient d'envahir son espace intime.
 
Combien de fois j'ai pleuré parce qu'elle n'acceptait pas que nous rencontrions autour d'un déjeuner ; y compris en présence de sa famille, que je connaissais également ; et en présence de Vanessa, qu'elle connaissait aussi. Je ne souhaitais qu'une chose, c'est qu'au-delà de ce que nous avons traversé ensemble, et amicalement, rien qu'amicalement, ce lien se matérialise dans la réalité vrai. Oui, que donnerai-je pour que ce rêve se concrétise un jour !!! Encore une, du fait de ma différence, du fait que l'amitié que je lui portais n'étais pas si importante que cela à ses yeux, m'a abandonné ; comme tant d'autres avant et depuis.
 
Oui, profitez de la chance d'avoir des amis, des proches, qui vous montrent qu'ils tiennent à vous. C'est un privilège, c'est une joie que je n'ai pas. C'est un combat au quotidien que je mène en pure perte. Car ni une Nancy Faucon, ni une Ana Savic, ni une Marie Soussi, et combien d'autres encore à qui j'ai tendu une main purement amicale, n'ont vu à quel point c'était important pour moi. A quel point j'avais besoin de vivre des instants de partage, de convivialité, de joie, de rire, de bonheur, avec ces personnes que j'avais choisi malgré moi. Parce qu'elles représentaient un chemin que j'avais envie d'emprunter. Parce que leur amitié, les rencontrer - Carole Gaessler en particulier - était un moyen de me délivrer de mes tourments et de commencer à exister véritablement...
 
Mais non, c'est trop demander !!! Je n'ai pas droit à ces petits bonheurs auxquels chacun a droit. Chacun appartenant à cette masse d'êtres humains que constitue la norme, évidemment. Pas ceux qui, comme moi, sont des laissés pour compte malgré tous les efforts qu'ils font pour se libérer de ce carcan auquel on les a enchainé.
 
Oui, je vous souhaite à tous et à toutes ce bonheur qui m'est interdit. Que cette années 2021 vous apporte cette sérénité dont je suis dénué. Qu'elle vous apporte cette prospérité que je n'atteindrais jamais. Car, je sais que le jour où j'aurai terminé la rédaction de mes Mémoires auxquelles je me voue corps et âme, aucun éditeur digne de ce nom ne voudra les publier. Elles seront destinées à demeurer dans l'anonymat, et ce, même si je leur consacre toute mon énergie, et tout mon temps. Bien sûr, lorsque la maladie de Vanessa m'en laisse l'opportunité quelques instants. Ou lorsque je ne suis pas trop triste afin d'oublier dans leur rédaction toutes ces expériences qui ont fait de moi l'homme que je suis en cette vieille de l'année 2021.
 
Profitez de ne pas être un de ces laissé sur le bas-coté de l'existence dont la seule solution pour ne pas sombrer est de se replier sur lui-même. Dont le seul moyen d'exister est d'aligner mots, lignes, paragraphes, textes, pour crier : "Voyez-moi ; je suis là ; j'existe. J'ai envie, j'ai besoin, tellement besoin, de partager tout ce que la vie "normale" offre habituellement à quiconque". Profitez de ne pas être gangréné par ce besoin que ces hommes - et surtout ces femmes - méprisent, refusent, de m'accorder parce que je suis moi.
 
Profitez de cette année 2021. Qu'elle vous apporte tout ce que vous en attendez, tout ce que vous en espérez. Que vos projets s'accomplissent. Que vos espoirs se réalisent. Que vos rêves deviennent réalité. Profitez ce ces bienfaits que votre santé vous accorde, que votre mobilité vous prodigue, que vos possibilités et vos capacités vous offrent. Profitez de l'amour de votre famille, de la convivialité qui vous est donnée. Car, moi, je ne peux qu'en rêver aux cotés de Carine, de Carole, d'Emmanuelle, d'Olivier, de Jean-Christophe, et de tant d'autres.
 
Jamais ils ou elles ne sonneront à ma porte pour me dire "J'avais envie de te faire plaisir, alors j'ai pris quelques jours de congés pour venir à toi, puisque toi, ne pouvant te déplacer, tu ne peux pas venir à moi.". Alors, oui, profitez de cette chance qui est la votre. Profitez en pleinement. Moi, je retourne à mes Mémoire en cette période de festivités, moi, je dois m'occuper de la santé de Vanessa, puisque tel est ce à quoi je suis voué...
 
Dominique Capo
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