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Mes Univers
21 juin 2021

Des personnes ordinaires :

X1

Le problème avec les personnes ordinaires, qui ont des préoccupations ou des soucis ordinaires, qui ont des projets, des rêves, ou des ambitions ordinaires, qui ont un emploi, des loisirs, des amis, ordinaires, c'est qu'ils soumis à cet ordinaire. C'est qu'ils ne voient pas au-delà de cet ordinaire. Leur quotidien les vampirise, ne leur autorise rien d'autre que celui-ci.
 
Tous et toutes domestiqués, clonés ; tous et toutes dominés par les mêmes gestes, par les mêmes pensées, par les mêmes raisonnements, par les mêmes idéaux... ordinaires. Tous et toutes considérant leurs semblables - en tout cas, ceux qui ne font pas partie de leur cercle de proches ou de familiers ; famille, travail, amis qu'ils voient le plus souvent - comme des menaces, comme des dangers, comme des importuns. Ordinaires, cramponnés à leurs certitudes et à leurs à-priori, à leurs préjugés qu'ils valent mieux que ceux-ci. Rivés à leur individualisme et à leur égoïsme qu'ils ont une tendance naturelle à sacraliser. Ordinaires, certains que leurs centres d’intérêts, que leurs préoccupations, que leurs problèmes sont plus importants, sont plus notables que ceux des autres. Sûrs que leurs croyances, que leurs opinions, que leur autorité, que leur réalité, a plus de valeur que celles de quiconque.
 
Ordinaires, ces personnes ne se rendent même pas compte que tout ce qu'elles disent, écrivent, partagent, comme inepties ou comme futilités ici les réduisent à des insignifiances qui vont les poursuivre toute leur vie. Elles ne se rendent pas compte que l'image médiocre et plate d'elles-mêmes alimente les clichés et les standards auxquels elles prétendent ne pas adhérer.
 
Et pourtant : ordinaires, tous les samedis, elles se rendent au supermarché du coin pour faire leurs courses de la semaine. Elles sont accrochées à surs smartphones du matin au soir, convaincues d'avoir des dizaines, des centaines, des milliers d'amis, par le biais des réseaux sociaux. Des contacts à 95 % aux projets, aux rêves, aux ambitions, au quotidien, aussi mornes et aussi négligeable, aussi petits et standardisés que les leurs. Ordinaires, retranchées dans des cases où on les disséqués pour mieux les museler, ces personnes s'abreuvent de séries TV débilitantes ; elles adhèrent à des jeux destinés à les inféoder. Ordinaires, épuisées par leurs longues journées sous pression, abruties de travail, de tâches répétitives et sans objet, elles s'effondrent le soir sur leur canapé.
 
Ordinaires, l'écran de télé diffusant des matchs voués à leur donner l'impression qu'ils appartiennent à une communauté, mais 'une fois cette orgie émotionnelle terminée, elles redeviennent les égoïstes et les individualistes qu'elles n'ont jamais cessé d'être. Ordinaires, leurs tablettes tactiles, leurs smartphones, leurs applications, les transforment en automates qui ne se parlent plus de visu, qui ne se rencontrent plus physiquement. En vérité, ordinaires qu'elles sont, elles ont terriblement peur que l'autre soit un danger, ou n'ai rien à voir à ce qu'elles s'imaginait de lui.
 
Alors, elles préfèrent le fantasmer, protégées par leurs écrans ; comme si ces derniers pouvaient les retrancher de la réalité. Ce qui est faux en vérité, car la réalité rattrape fatalement ces personnes un jour où l'autre. Et à ce moment-là, elle les bouscule, elle les frappe, elle les blesse, sans état d'âme.
 
Oui, ces personnes qui n'ont que leur ordinaire, que leur petite vie, que eux comme centre de leurs préoccupations, ne sont que des moutons qui se font en permanence tondre par des gens qui se moquent des stéréotypes, qui sortent des sentiers battus. Ces personnes ordinaires se plaignent de leur existence, de leurs soucis d'argent, de leurs problèmes de santé, de leur famille, de ce que leur routine leur apporte comme épreuves ou comme difficultés. Elles ne voient même pas que par leur attitude, que par leur vision d'eux mêmes et des autres, elles en sont les esclaves.
 
Ordinaires, elles sont consommateurs autant que consommables, et donc éjectables dès que l'on n'a plus besoin d'elles, dès qu'elles sont obsolètes ou trop usées. Ordinaires, elles contribuent à faire d'elles-mêmes et de leurs congénères des êtres interchangeables. Elles n'existent en fait que pour consommer, de plus en plus éphémèrement, de plus en plus superficiellement. Ordinaires, elles sont droguées au culte du corps parce qu'elles se persuadent ainsi qu'elles sont toujours aussi performantes que lorsqu'elles avaient vingt ou trente ans, elles se rajeunissent sans cesse pour avoir l'impression d'être toujours rentables, et donc utiles.
 
Ordinaires comme tout le monde, enchainé à son petit plaisir personnel l’Été allongé à griller sur son mètre carré de plage ; l'Hiver, aux sports d'Hiver. Chaque matin et chaque soir, à courir, à s'engouffrer dans un métro bondé et pressé comme une sardine dans sa boite. Ordinaire, dans sa voiture dans les embouteillages, à jurer contre la voiture d'avant parce qu'elle ne roule pas assez vite ; alors que le conducteur de celle-ci en fait tout autant. Ordinaire, à aller parader dans les cafés avec les copains copines pour avoir le sentiment d'appartenir à un groupe qu'elle ne reverra jamais. Ordinaire à se déhancher dans les boites de nuit, à se saouler, à fumer de l'herbe, à sniffer de la coke parce qu'il n'y a que de cette façon qu'elles ont appris à se détendre, à s'amuser, à se vider la tète. Ordinaires, à croire que l'argent peut tout apporter, peut tout résoudre, peut rendre heureux.
 
Forcément, elles n'ont pas d'autre perspective que celle d'être une bonne petite fourmi, travailleuse et servile. Dénuées d'imagination, de culture - ou si peu -, de vision à long terme, d'idéaux qui les dépassent, elles se réfugient dans un "c'était mieux avant", idéalisé. Pourquoi ? Parce qu'à cette époque, ces personnes étaient jeunes, avaient l'avenir devant elles. Elles n'avaient pas besoin de chirurgie esthétique, de photos retouchées, de vidéos les mettant en vain en valeur - nul n'est dupe, bien entendu -, pour avoir le sentiment d'exister. L'ordinaire ne les avait pas encore rongé ; enfin, elles y croyaient bien que celui-ci était déjà profondément ancré en elles.
 
Alors, elles méprisent, se moquent, rejettent, les gens qui ne sont pas comme elles, qui ne pensent pas comme elles, qui ne font pas comme elles, qui n'ont pas le même ordinaire ou les mêmes idéaux qu'elles. C'est vrai, ceux et celles qui ne font pas partie de celui-ci remettraient tout cela en question, en cause. Et ça, c'est trop difficile à supporter ; c'est trop déstabilisant. Pire, leurs certitudes, leurs croyances, leurs préjugés, voleraient en éclat. Et elles s'effondreraient devant cette réalité qu'elles ne veulent, qu'elles ne peuvent - pas voir. Leur médiocrité mise sous les projecteurs, ces personnes seraient brisées, humiliées ; de ne pas avoir été capable de ne pas céder à la facilité et à la simplicité. Cette simplicité et cette facilité allant de pair avec leur vision ordinaire des choses, avec leur égoïsme, avec leur individualisme, avec leur médiocrité outranciers.
 
L'ordinaire les rend tellement insipides, vides, semblables, assimilées, léthargiques, que ces personnes ne s'en rendent même pas compte. Elles en viennent à être intransigeantes, froides, indifférentes, dénuées d'humanité. Normal !!! tout ce que j'ai cité ci-dessus, et bien d'autres choses auxquelles je n'ai pas pensé en écrivant ce texte, les a poussé vers cette déshumanisation. L'ordinaire, comme ceux et celles qui vont juste lire deux ou trois lignes de cet article, à le lire en biais, à en tirer des conclusions ineptes sans tenter d'en comprendre ou d'en analyser le fond. Ordinaires, comme ceux et celles qui vont le zapper aussitôt pour recouvrer leur ordinaire si familier et si rassurant. Ordinaires...
 
Dominique Capo
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