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10 décembre 2021

Pamphlet contre l'uniformisation des personnes et des esprits :

 

X1

Il ne faut pas se leurrer, nous vivons dans un monde, au sein d'une société, enchaînés à un système, de plus en plus impitoyables avec les personnes fragiles, malades, handicapées..., en un mot, différentes. Il ne faut pas être naïf, la violence, qu'elle soit physique, psychologique, sociale, professionnelle... est de plus en plus dévastatrice à leur encontre. Il ne pas se tromper, nous nous dirigeons vers une forme de société où, pareillement aux objets et aux machines, chacun et chacune est destiné à être standardisé, rationalisé, uniformisé, rentabilisé. Ceux et celles qui ne se plient ou ne se plieront pas à ce diktat sont promis au rejet des gens qui y sont soumis.

 

Notre société, et les personnes qui la composent, n'aiment pas les gens différents. Ils leur font peur ; ils ne les comprennent pas parce qu'ils sont incapables d'empathie à leur égard. Les gens qui la composent sont inaptes à se mettre à leur place. Pire, ils se moquent de la situation dans laquelle ils se trouvent ; jusqu'à ce qu'ils y soient confrontés eux-mêmes. Les gens qui la composent ne veulent pas d'eux parmi eux parce qu'ils font "tâche", parce que leur présence leur rappelle ce qui pourrait leur arriver si la façon dont ils envisageait leur existence déviait brutalement ; si un accident de la vie - peu importe lequel en vérité - la brisait du jour au lendemain. Ça les terrorise, et c'est en stigmatisant ceux et celles qui ne sont pas comme eux qu'ils s'imaginent exorciser cette hantise, évidemment.

 

A tous ces gens, il leur faut des boucs émissaires auxquels faire porter la responsabilité de leurs cauchemars les plus véhéments. Il leur faut des coupables idéals afin de leur faire porter la charge de toutes leurs angoisses, de tous leurs malheurs, de toutes leurs souffrances, de tous leurs échecs, de tous leurs problèmes ; quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. Il en a toujours été ainsi depuis la nuit des temps.

 

Nous voyons resurgir cette tentation à discriminer et à bannir les "autres" régulièrement. Les juifs, les noirs, les maghrébins, les musulmans... finalement, peu importe leur statut, du moment qu'ils ont un coupable tout désigné, facile à identifier, simple à réprouver. Car ces gens ne s'encombrent pas de subtilité, de réflexion, de raisonnement allant à l'encontre de leurs certitudes et de leurs préjugés su profondément ancrés qu'ils ne sont pas conscients de les propager. Puisque soumis à la standardisation, à l’homogénéisation, à l'uniformisation de notre société, ils se laissent volontiers instrumentaliser par eux. Ils ne se posent pas de question jusqu'à ce qu'eux-mèmes, de stigmatisants, ils acquièrent le statut de stigmatisés.

 

Car n'oublions pas qu'à partir d'un certain age - autour de la cinquantaine -, le marché de l'emploi est de plus en plus ségrégationniste. Et peu importe leur parcours personnel ou professionnel, les études ou les formations qu'ils ont suivi, les expériences qui sont les leurs, ils sont considérés comme moins productifs, comme moins rentables. Aussi, la société les met-elle sur une voie de garage. Sous couvert de stages de reconversion, de formation en entreprise, etc., on leur promet monts et merveilles. Avec quel résultat : une dépréciation quasi-systématique de leur statut, de leurs revenus, de leur niveau de vie, que sais-je encore.

 

Et pourquoi ? Pour les remplacer par des individus plus jeunes, et forcément plus malléables, davantage domesticables et contrôlables, plus enclins à accepter ce que leur emploi exige d'eux en matière de management, de pression, de rentabilité ; jusqu'à les pressurer physiquement et psychiquement. Ou alors, au cas échéant, pour les remplacer par des machines, par des robots susceptibles d'exercer des obligations équivalentes 24h/24h, 7j/7j, 365 jours par ans. Et ce, sans leur fournir de salaire, sans risquer qu'elles se mettent en grève ou tombent malade au moindre pic d'activité. Et ce, alors qu'elles peuvent être arrêtées sans devoir leur octroyer de somme compensatoire lorsque les périodes d'activités sont moins intenses.

 

Aujourd'hui, y compris les supermarchés, qui avaient des hôtesses de caisse pour pour valider les achats et enregistrer le paiement de leurs clients, tendent vers cette mutation. Tous les rouages de notre société s'approprient cette nouvelle forme de prestation. Les administrations elles-mêmes, privilégient les relations à distance, incitent fortement - mais en fait exigent - à l'utilisation de leurs sites internet afin d'aller dans ce sens. Et tant pis pour les personnes qui sont profanes, qui sont impropres au maniement d'un ordinateur. Contraints et forcés, ils doivent le maîtriser ; au risque de perdre la plus grande partie de leurs acquis sociaux, des prestations auxquels ils ont droit...

 

Alors, les personnes différentes parce qu'elles sont malades, invalides, handicapées, inaptes à exercer un emploi, incapables de se former à un autre métier que celui qu'elles ont rempli durant des années ou des décennies ? Eh bien, celles-là, on les laisse sur le coté de la route. On fait semblant de les aider en les dirigeant vers des formations à la recherche d'emploi, vers des stages de réactualisation de leur CV ou de leur cursus scolaire, vers des dispositifs dédiés à leur réorientation professionnelle. Mais combien obtiennent un résultat probant, quand on sait que même pour les "valides", ces bagages soi-disant qualifiants, sont majoritairement inefficaces.

 

Alors, on les abandonne à leur sort. Alors, on les exclut. Alors, on les cache. Alors, on les condamne au silence et à la solitude, au désespoir et au dénuement. Bien-entendu, les médias, les gouvernements - quel que soit leur bord politique - mettent en avant les rares succès obtenus. A grand renfort de publicité, ils font la promotion des quelques individus différents qui ont eu le privilège d'être soutenus, d'être épaulés, d'être accompagnés au mieux de leurs intérêts tout en prenant en compte leurs spécificités.

 

Cependant, il ne faut pas se leurrer : il s'agit d'une victoire au milieu de milliers d'autres dans la même situation qu'ils ont délaissé. Par manque de moyens humains et financiers certainement ; par manque de volonté politique, c'est évident. Les hommes et les femmes coupables parce qu'ils sont différents, parce qu'ils sont fragiles, parce qu'ils sont écrasés par le système, sont contraints de se battre par leurs propres moyens, et seuls, contre les membres d'une société qui a peur d'eux ; qui les méprise et les hait parfois. Ces personnes différentes, en fait, sont les victimes expiatoires d'un modèle social à la dérive. Un modèle social qui cherche à les fondre dans un moule pour lequel ils ne sont ni adaptés ni adaptables.

 

Et pourtant, cette société, ainsi que ceux et celles qui sont inféodés à ses normes, continuent à les juger et à les condamner. Sans état d'âme, sans remord ni regret, dénués de la moindre once d'humanité, ils se plaignent de leurs "petits" soucis comme s'ils étaient le prélude à leur déchéance. Ils pleurent sur leur sort, maudissent ceux qui ne sont pas comme eux, et qui ne sont pas soumis aux mêmes difficultés ou épreuves qu'eux. Alors que ces "autres" qu'ils fustigent tant ne rêveraient que d'une chose : avoir les mêmes obstacles à franchir au quotidien. Cela voudrait dire en effet qu'ils y sont intégrés. Mieux encore, que leurs membres les acceptent comme des êtres humains à part entière, sans discrimination de quelque nature que ce soit.

 

Vœu pieu, évidemment. Ce n'est pas cette direction que notre société prend. La preuve en est qu'exceptionnels sont les individus "normaux" qui vont prendre le temps de lire cet article. Rares sont ceux qui vont méditer et réfléchir sur leur part de responsabilité dans cette forme d'exclusion. Encore plus rares sont ceux qui vont le partager. Ca ne les intéresse pas ; ils ne se sentent pas concernés par ce sujet. Aussi, ils zappent et passent à un thème plus divertissant, plus en rapport avec l'éphémérité, la superficialité, et la banalité de leurs existences.

 

Et ces combats, pourtant essentiels, continueront à être ostracisé ou négligés. Puisque notre société qui favorise cette forme de totalitarisme les a façonnés dans ce but. Puisque sa fonction n'est pas de promouvoir l'empathie ou l'humanisme ; puisqu'en fait, sa fonction est l'uniformisation, la rationalisation, et la rentabilité des êtres, des idées, des comportements, des désirs, des projets, des rêves même. Evidemment....

 

Dominique Capo

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