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Mes Univers
12 septembre 2022

Souffrir :

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J'avoue que, désormais, c'est à reculons que je me rends au domicile que nous occupons, Vanessa et moi depuis fin mai. Je ne m'y sens pas bien, mal à l'aise, terrorisé même parfois. Évidemment, je dois y aller régulièrement pour y relever mon courrier, pour y consulter mes mails, pour y faire deux ou trois bricoles indispensables. Mais le cœur n'y est pas, loin de là. Je ne m'y sens pas chez moi ; et ce, depuis le début de notre installation entre ses murs. Dès que j'y ai posé le pied et que j'en ai fait le tour, pour dire la vérité. Alors, sans Vanessa, ma compagne, c'est encore pire. L'enfer que nous y avons vécu depuis trois mois que nous y sommes, suinte de tous ses murs. La peur, la souffrance, les violences mentales liées à nos handicaps et maladies respectifs suppurent comme une plaie ouverte et incapable de se refermer.

Vanessa, elle, ce matin, est allé voir son neurologue à Angers. Malheureusement, elle n'a pas su m'en dire beaucoup sur l'entretien qu'elle a eu avec lui. Elle m'a juste expliqué que celui-ci confirmait qu'elle a besoin de beaucoup plus d'aide qu'elle n'en n'a actuellement. Hier, j'ai passé mon dimanche après-midi avec Vanessa ; elle a le moral, là n'est pas le problème. J'ai interrogé une des infirmières qui était là. Celle-ci n'a pas su m'apporter davantage de précisions sur l'évolution de son état de santé. Et j'ai la vague impression que ceux et celles qui l'y suivent sont autant dans le brouillard que moi.

Ses soins sont très succincts. Ils la changent, ils la lavent, ils lui donnent ses médicaments, ils lui prennent sa température. Bref, des actes basique que tout médecin hospitalier procure aux personnes convalescentes dans son établissement. Cependant, rien de plus. Et tenter d'en savoir plus sur comment Vanessa va, sur ce qui va être mis en place prochainement, sur les séances de kinésithérapie qui doivent lui être administrées - où, quand, par qui -, c'est le silence le plus total. Un mystère et des questionnements, de doutes et des peurs qui nous sont instillés à l'un et à l'autre, qui nous détruisent autant moralement que physiquement.

Car, moi non plus, je ne vais pas bien. Ma peur et ma souffrance vont crescendo au fil des jours qui s'écoulent dernièrement. Je mange très peu ; j'ai en permanence le ventre noué par l'anxiété et le désarroi. Le matin, dès le lever du lit, je suis pris de crises d'angoisse phénoménales qui vont en s'accentuant. Je suis pris de vomissements par intermittence durant une à deux heures d'affilée. Durant ces périodes, je préférerai mourir plutôt que de ressentir ces spasmes qui me mettent en vrac ; qui m'épuisent autant nerveusement que physiquement. Je n'ai envie de rien. Je me traine, seulement. Je pense à Vanessa, et énormément. Je suis malheureux de la voir dans cet état, de réaliser qu'il n'y a personne ou presque pur entendre nos hurlements de douleur, pour voir couler nos larmes de détresse. En fait, nous ne savons même plus vers qui nous tourner pour nous aider à nous sortir de cette impasse.

Nous sommes profondément malheureux de cette situation. Si nous désirions nous rapprocher de ma Maman, c'était pour vivre mieux, dans de meilleures conditions que celles que nous avions lorsque nous habitions Valognes. Or, notre environnement est pire que tout ce que nous avions imaginé. Notre environnement rassemble à lui seul tout ce que nous voulions éviter, tout ce que nous cherchions à laisser derrière nous en matière d'inconvénients, de soucis, de difficultés, de problèmes, d'épreuves... Le résultat ne pouvait alors être que celui auquel nous sommes confrontés désormais.

Quand j'y songe, j'ai l'impression d'être revenu vingt ans en arrière, à l'époque où j'ai été victime d'un burn-out qui m'a totalement détruit pour longtemps. D'ailleurs, j'en porte toujours certaines séquelles. Car il y a des épisodes de votre existence qui vous marquent au fer rouge pour le reste de votre existence. Et il suffit qu'un événement, anodin parfois, dévastateur éventuellement, vienne rouvrir les vieilles blessures que vous croyiez refermées et oubliées à tout jamais.

Dieu sait si j'en ai affrontés, de tels événements, au cours des années et des décennies. En fait, ils ne me laissent jamais en paix. Je n'ai jamais de répit. A peine l'un d'eux trouve-t-il un épilogue ou une solution, qu'un autre apparait, que plusieurs simultanés se distinguent de temps en temps, et me font craquer nerveusement et physiquement. Comme si Dieu - s'il existe - se plaisait à me tourmenter, à m'éprouver, continuellement. Comme s'Il désirait s'acharner sur moi pour que la peur et la souffrance soient mon lot quotidien. Ou, si c'est le hasard ou le Destin, les engrenages qui les meuvent sont si bien huilés qu'ils ne cessent de se mettre en mouvement dans ce but à chaque fois que je tente de trouver un moyen afin d'aspirer au repos et à la sérénité ; à chaque fois que je rêve de pouvoir uniquement me consacrer à l'écriture et à la lecture ; qui sont les deux piliers fondamentaux de mon existence.

J'ai vraiment le sentiment d'être un damné. Quelqu'un qui fera tout pour réussir dans le domaine qui est le sien ; dans ses passions et ses vocations. Mais à qui on s’évertuera de mettre des bâtons dans les roues, de semer toutes les embuches possibles et imaginables sur son chemin afin de l'en empêcher. Ce n'est qu'une sensation, j'en suis conscient. Cependant, toute ma vie, et au vu de tout ce qui m'est arrivé, elle n'a cessé de m'accompagner.

Les faits auxquels j'ai dû faire face, les souffrances et les peurs qui m'ont côtoyé, les impossibilités à se sentir en sécurité et protégé d'eux, les malheurs dont j'ai été victime, j'en passe et des meilleurs, les efforts surhumains que j'ai déployé pour y échapper sans succès, les tentatives pour que mes aptitudes intellectuelles et littéraires soient reconnues, respectées, et honorées - en dehors d'ici -, tout n'a été qu'un parcours du combattant avec pour unique résultat : l'échec et la souffrance.

Alors, Vanessa et tout ce qui est lié à sa maladie qui la rend si fragile et si vulnérable. Alors, cette impossibilité chronique d'améliorer notre situation alors que nous sommes battus depuis des années en ce sens ; et au final, nada. Comment voulez vous, pouvez-vous, tenir dans ces conditions ? Comment être optimiste lorsque chaque action que vous entreprenez, quand chaque démarche que vous faites, lorsque les acteurs vers lesquels vous vous tournez pour essayer de briser ce cercle infernal, vous laissent mariner avec vos peurs, avec vos inquiétudes, avec vos interrogations.

Quand vous ne savez pas quel avenir se dessine devant vous ? Quand vous savez que le prix à payer va être beaucoup plus lourd que vous pouvez le supporter ? Oui, vous ne pouvez dès lors que dépérir, qu'être lentement et surement détruit par ce poids qui ne cesse de peser de plus en plus lourd sur vos épaules jusqu'à vous écraser, jusqu'à vous détruire définitivement.

Oui, dans ces conditions, vous ne pouvez pas être optimiste ; y compris lorsque des événements "heureux" adviennent parfois. Vous ne pouvez pas vous reposer, même lorsque l'occasion de vous reposer est là. Votre esprit est emprisonné par vos cauchemars et cet enfer qui ne cesse de vous tourmenter. Même quand tout va bien, ce qui s'est gravé en vous par le passé vous ronge de l'intérieur. Même quand vous raisonnez, que vous réfléchissez, que vous prenez du recul en essayant d'être objectif, il y a un petit grain de sable qui vient toujours tout remettre en cause.

Et vous continuez à avoir peur, et vous continuez à souffrir. Et cette peur et cette souffrance atteignent des sommets qui dévastent tout sur leur passage. Mais qui a envie d'entendre, qui peut imaginer, que ce que je dis est encore bien au-dessous de la vérité... ?

Dominique Capo

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