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10 octobre 2022

Le Chef :

X5

Que tout le monde intègre cette vérité intangigle : le Chef dit "Je veux", aussi, tous et toutes ont pour obligation de s'incliner devant ses sentences. Le Chef dit "Je sais", donc, tous et toutes ont pour impératif de se taire devant ses affirmations. Le Chef ne supporte pas qu'on lui tienne tète. Il n'apprécie pas qu'on le brocarde ou qu'on égratigne l'image qu'il se fait de lui-même ; ou qu'il s'imagine que les autres ont de lui. Le Chef a une tellement haute opinion de lui ; il se situe au-dessus de la mêlée. Commander, ordonner, distribuer récompenses ou châtiments, imposer ce qui est bien ou ce qui est mal, signifier ce qui est bon ou ce qui est mauvais, est sa façon d'exister. Sans cet apparat, à la fois ridicule et pathétique, il a l'impression d'être insignifiant et sans attraits.

Alors, le Chef, tel un coq plastronnant au centre de la basse-cour, brasse du vent. Il papillonne à gauche et à droite. Il roucoule et s'agite dès que l'occasion lui en est donnée. Il fait montre d'un autoritarisme outrancier flirtant le grotesque et le risible. Sa prétention est sans limites ; son orgueil, sa fierté, et sa vanité sont immodérés. Il n'attend de ses interlocuteurs que leurs approbations et que leur obéissance sans discussion. Il n'apprécie rien de plus que d'être entouré de quidams qui lui ressemblent ; mais à un degré légèrement inférieur, toute de même, il ne faut pas exagérer. Des fois que ces derniers s'affranchissent de son omnipotence, que son prestige décline irrémédiablement.

Le pire, c'est qu'il ne s'aperçoit pas que son comportement les dessert plus qu'il ne le sert. Or, Ce n'est pas l'essentiel, ça le laisse froid et indifférent, impassible. Imperméable à n'importe quel argument sensé ou raisonnable, il est rétif à toute forme de compromis. Dur et brutal au cas échéant, il est implacable et incorrect, ses mots sont crus, ses jugements à l'emporte pièce sont simplistes et triviaux. Ses préoccupations sont terre à terre et médiocres. Finalement, son leitmotiv est : malheur à celui ou à celle qui aurait le dessein de fissurer cette image cette lisse, "parfaite" derrière laquelle je me cache pour vous dicter ma loi.

Oui, tel est son credo, qu'elle clame sans état d'âme, sans regret ni remord à qui veut l'entendre. Malheureusement - ou heureusement, plutôt, le Chef est un être humain comme les autres, ni plus ni moins. Il n'est ni meilleur ou ni moins respectable ou honorable que quiconque. Il a des qualités et des défauts, il a des forces et des faiblesses, il a des aptitudes et des insuffisances.. Il a une personnalité, a un caractère, a des certitudes ou des opinions, qui n'appartiennent qu'à lui. Est-ce pour autant qu'il doit ériger ces derniers comme vérité inaliénable et universelle qui ne tolèrent pas le démenti ou la remise en cause ou en question ? Que nenni ! Sa voix n'en n'est qu'une parmi d'autres ; même s'il pense ou aimerait que ce soit le contraire.

Ce n'est pas parce qu'il pérore, qu'il harangue, qu'il sermonne tout un chacun comme s'ils étaient des enfants, que ce sera différent. En fait, en agissant ainsi, il se discrédite, il s'enlaidit, il suscite la raillerie. Il met en avant sa petitesse d'esprit ; les a-prioris et les préjugés qu'il prétend ne pas avoir. Dans son dos, la plupart des gens ironisent à son propos ; pas devant lui, son ire serait terrible. Or, son autoritarisme les impressionne, voire les terrifie. D'autant que, quand le chef ne les étale pas, c'est un bon vivant, agréable et cordial, que l'on aime à croiser, et avec qui l'on prend plaisir à discuter ou à partager un moment. Il faut juste que son "naturel" ne reprenne pas vite le dessus pour le pousser à écraser son interlocuteur on son interlocutrice de sa prestance.

Récemment, quelqu'un m'a fait prendre conscience que ce genre de personne n'était pas capable de se voir telle qu'elle est en réalité. Pour ce genre de personne, les valeurs, les principes, les expériences, le parcours de vie, les réussites et les échecs, les victoires et les défaites, les bonheurs et les fêlures, les passions et les traumatismes, les centres d’intérêts ou les blessures - et j'en passe ; il y a tant de facettes diverses et variés qui entrent en jeu, priment sur tout le reste. Ce genre de personne ne voit, ne pense, ne conçoit, qu'à travers elle. Imaginer que des réponses, que des résolutions, que des ressources, différentes de celles auxquelles elles est accoutumée, et surtout qui ne proviennent pas d'elles, puissent être viables, sont hors de sa portée. De plus, comme la psychologie est un aspect de ses interlocuteurs qui lui est totalement étranger - si on lui parlait hébreux, ce serait du pareil au même -, elle l'ignore délibérément. Comme elle en méconnait les ressorts, les tenants et les aboutissants, elle le dédaigne ou le désavoue volontiers. Ce n'est pas son rayon, dès lors, je le sou-estime ou le foule au pied à l'envi.

Ce n'est pas faire preuve d'intelligence, convenons-en ! En tout cas, pas dans ce domaine bien spécifique des relations que le Chef entretient avec ses contemporains. Comme m'en a également fait prendre conscience quelqu'un récemment - et j'en ai été abasourdi, je n'avais jamais envisagé les choses sous cet angle, pour vous l'avouer franchement -, c'est que e Chef n'est pas en possession des outils intellectuels pour cela. Autocentré, il lui est impossible d'admettre que son regard sur son interlocuteur dépend des moult facettes qui en font un être complexe, paradoxal, contradictoire, ou singulier. La subtilité n'est pas son apanage. Le Chef le revendique haut et clair.

De toute manière, la messe est dite : "Tout ce que les autres proposent, font, désirent, montrent, partagent, échangent, ne sera jamais satisfaisant aux yeux du Chef ! Normal ! Ce n'est pas lui qui est en est à l'origine ! Donc, forcément, ce ne sera jamais comme il faut ! Et ceux ou celles qui sont dans sa ligne de mire auront beau s'évertuer à se montrer à la hauteur de ce qu'il en attend, sitôt qu'ils auront atteint le but qu'il leur a fixé, il leur rajoutera un obstacle, une difficulté, une revendication supplémentaire destiné à leur reprocher leurs défaillances ou leurs insuffisances." Bref, ils ou elles ne les contentera jamais. Une façon pour lui de les maintenir enchainés à son endroit, nul ne peut le nier...

Tel est le Chef. Tel est ce Chef qui, en société, tire la couverture à soi parce que briller est l'unique apparat dont il est capable de se targuer. Car, il le sait, si les gens le voyaient tel qu'il est, la plupart se détourneraient de lui sans hésiter ; d'ailleurs, certains l'ont fait. Ils le mésestimeraient, ils le brocarderaient, ce dont ils ne se gênent pas quand ils n'est pas là ; même si, sait-on jamais, il a des yeux et des oreilles partout, ce n'est divulgué qu'à demi-mot, ce n'est que suggéré. Et puis, comment pourrait-il en être autrement de toute manière, puisque le Chef, les domine tous et toutes de sa toute puissance et de son autorité. Puisque c'est lorsqu'il en impose au clan qui lui est assujetti qu'il se sent intouchable, invulnérable, inattaquable. Tel qu'il veut se voir en vérité...

Dominique Capo

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