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Mes Univers
26 octobre 2022

Des nouvelles de Vanessa, ainsi l'objet de notre conversation hier après-midi :

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C'était imprévu, mais hier après-midi, Maman m'a emmené voir Vanessa à l’hôpital des Capucins à Angers. Je ne m'y attendais pas, et cette initiative de sa part m'a profondément touché, même si je ne l'ai pas exprimé ouvertement devant elle. Ça m'a énormément touché, et je lui en suis très reconnaissant.

Quand je suis entré dans la chambre de ma compagne et que je me suis assis à ses cotés, je l'ai prise par la main, que j'ai serré fort. J'ai failli me mettre à pleurer, tellement je me suis rendu que sa présence m'avait manqué durant les deux semaines où nous avons été séparés. Les émotions qu'elle suscite en moi, les sentiments que j'éprouve pour elle, tout est brusquement et instantanément remonté à la surface. Je l'aime plus que je ne saurai l'exprimer.

Je suis demeuré avec elles à peu près une heure et demie. Une heure et demie à partager ce que nous n'avons plus pu partager ce qui nous lie l'un à l'autre depuis dix-neuf ans que nous sommes en couple. Elle m'a raconté son quotidien à l’hôpital ; ses séances de kinésithérapie d'une heure le matin ; d'ergothérapie une heure en début d'après-midi. Je trouve qu'elle a un peu maigri. Mais je pense que c'est normal : de toute façon, Vanessa a toujours eu un appétit d'oiseau. Et puis, les repas que ses aides-soignants lui fournissent doivent être plus diététiques et plus équilibrés que ceux que nous avions lorsque je les lui préparaient.

Nous avons beaucoup parlé de nous, de notre avenir une fois que cette période ô combien éprouvante et difficile serait passée. Elle aimerait adopter un chien à la SPA ; c'est tout à son honneur. Et apparemment, les kinésithérapeutes qui lui font faire ses exercices pour récupérer l'autonomie qu'elle a perdu à la suite de l’Été apocalyptique que nous vécu depuis notre arrivée en Sarthe, y sont assez favorables. Pour ma part, si ça peut lui mettre un peu de baume au cœur, si ça peut nous sortir de notre isolement chronique, je ne serai pas contre. Si ça lui donne également un but dans l'existence au quotidien, et ce, même si c'est moi qui doit m'occuper de l'intendance, ce serait à mes yeux quelque chose d'extraordinaire. Revoir un sourire fleurir sur son visage, voilà l'essentiel en ce qui me concerne.

Par ailleurs, je l'ai tenue informée des dernières nouvelles en ma possession par rapport à notre recherche de logement. Plusieurs assistantes sociales et plusieurs intermédiaires rattachés à la ville de Sablé sur Sarthe, au Département de la Sarthe, à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), etc. suivent notre dossier. Je ne dis pas que tout est gagné d'avance. Il va falloir que je me batte d'arrache-pied pour que notre voix porte. Déjà, on me souligne que Sarthe Habitat, le bailleur social installé à Sablé sur Sarthe, ne pourras probablement pas accéder à tous nos besoins et à toutes nos demandes.

On me conseille de même de m'orienter vers des bailleurs privés, ce à quoi je vais m'employer avec détermination et vigueur prochainement. Ce combat, je vais le mener dès que j'en aurai terminé avec la rédaction du texte témoignant de tous les obstacles, de toutes les souffrances, de toutes les solitudes, de toutes les peurs, etc. que Vanessa et moi avons endurés de fin mai à aujourd'hui. Je pense d'ailleurs qu'une fois terminé, j'enverrai ce témoignage à la presse, aux radios, aux chaines de télévision, aux organismes et institutions dont nous dépendons. Et ce, pour qu'ils réalisent à quel point nous avons été - nous le sommes encore - affectés, désorientés, traumatisés d'une certaine manière -, par tout ce que nous avons subi au cours de cette période. Quoiqu'il advienne de nous par la suite, nous n'en ressortirons pas indemnes...

Vanessa et moi sommes d'accords sur plusieurs points : on nous a fait du mal, beaucoup de mal. Je ne sais pas si ces mots sont assez forts pour exprimer toute la douleur qu'ils cherchent à énoncer. J'ai personnellement le sentiment que tous les mots du monde, que tous les textes que je pourrais écrire, ne pourront jamais totalement dépeindre les cicatrices indélébiles qui constellent désormais notre âme et notre cœur.

Avant de débarquer en Sarthe, nous étions déjà fragiles, blessés, inquiets, malheureux. Nous ne demandions qu'une chose : trouver une habitation plus grande et plus adaptée à nos besoins et à nos désirs. Avant de débarquer en Sarthe, nous nous disions que nous avions déjà connu le pire de ce que des personnes handicapées et malades comme nous pouvaient supporter. Eh bien, non ! La vie, les événements, les situations, les gens, que-sais-je encore, ont une imagination débridée quand il s'agit de mettre à terre des personnes en détresse, désemparées, qui lancent des SOS tous azimut auxquels nul ne répond. Pire, qui nous sont reprochés, qui attirent sur nous la vindicte et le ressentiment.

Oui, on nous a trop fait mal. On nous a laissé nous débrouiller seul à un moment où nous aurions eu besoin de l'aide de notre entourage, lequel, au contraire, s'est aussitôt détourné de nous. Cette attitude a participé à ce qui est survenu ensuite. Pa seulement celle-ci, évidemment ; mais elle y a contribué.

Vous savez, s'il y a une chose des événements que Vanessa et moi avons vécu cet Été, ainsi que de leurs répercussions qui ne cessent de s'éterniser actuellement, c'est qu'ils ont fait tomber les masques. Désormais, nous savons qui fait preuve de gentillesse, d'empathie, de compassion, de bienveillance, d'attention, d'humanité tout simplement, envers nous... Et qui n'en fait pas preuve. Comme je l'explique parfois, c'est dans ces moments-là que l'on se rend compte qui est à l'écoute, qui prêté assistance, qui est présent, de ceux et celles qui en ont besoin.

Ce n'est pas quand tout va bien, quand tout est simple ou que tout est facile, ce n'est pas quand quelqu'un réussit - financièrement, matériellement, ou autre -, ou qu'il est honoré, que la présence des personnes auxquelles il tient est nécessaire. Je ne dis pas qu'elle n'est pas la bienvenue dans ces instants si particuliers. Néanmoins, elle n'est pas essentielle, elle n'est pas vitale. Car, dans 90 % des cas, lorsque les projecteurs ne sont plus fixés sur ce quelqu'un, telle une nuée de moineaux, ces personnes se dispersent aux quatre vents. Non ! C'est dans les moments les plus ardus, au cours d'épreuves douloureuses, c'est lors des complications de l'existence, c'est pour affronter les obstacles les plus pénibles, c'est durant les instants de solitude inextricables, que l'on se rend compte qui est à ses cotés et qui ne l'est pas. Et que ce soit de la part de son entourage proche ou plus lointain, de la part de ses amis (ou qui se prétendent tels), ou de vagues connaissances ou contacts piochés ici et là.

Oui, c'est là que les masques tombent. Et si Vanessa et moi devons tirer une leçon fondamentale de cet enfer auquel nous sommes confrontés depuis fin mai, c'est celle-ci. C'est que ces 90 % de gens qui sont prêts "à laisser crever" sans état d'âme des personnes handicapées et malades comme nous parce que tout n'est pas simple et facile pour nous, tel qu'ils le souhaiteraient, n'en valent pas la peine. Ce sont des individus sans cœur, dénués de scrupules, qui n'ont aucune intelligence émotive. Ce sont des "bouseux", ce sont des gens médiocres, ce sont des gens pauvres humainement. Ce sont des gens limités qui se croient au-dessus des autres parce que dans la "norme". Alors que, justement, leur suffisance, leur orgueil, leur vanité, leur raideur, leurs certitudes et leurs préjugés... les rendent mesquins, étriqués, bornés, petits...

Et ce genre de personnes, ce sont celles qui nous ont fait du mal - qui nous font du mal -, à Vanessa et à moi. Et ce genre de personnes, nous n'en voulons plus autour de nous. Nous voulons être heureux, sereins, épanouis, en compagnie de gens qui nous voient tels que nous sommes réellement, qui nous aiment pour ce que nous désirons partager avec elles ; au-delà des apparences et des stéréotypes, au-delà de l'image et des idées préconçues, parce que nous sommes différents. Nous voulons rencontrer et partager avec des personnes qui savent déceler la richesse intérieure dont nous sommes les réceptacles. Nous voulons croiser la route de personnes qui considèrent la culture littéraire, cinématographique, historique, artistique, musicale, philosophique, scientifique j'en passe et des meilleures, comme mille fois plus importantes que ces préoccupations bassement matérielles. Des préoccupations si communes et si pauvres humainement, et pourtant auxquelles ces 90 % de gens s'accrochent désespérément pour avoir l'impression d'exister ; pour avoir l'impression de la valeur.

Il y a tant d'autres richesses, tellement d'autres beautés, tellement d'autres merveilles, qui peuvent, qui doivent, être mises en avant. Des richesses qui peuvent, qui doivent être mises en valeur. Mais parce que ces 90 % de gens s'estiment au-dessus de nous parce que nous sommes malades et handicapés, ils nous le font payer cher. Ils nous le font payer très cher, plus cher que nous ne sommes capables de le supporter. Ils se foutent de connaitre les conséquences de leurs actions ou de leurs observations à notre encontre. Il n'y à qu'eux, et seulement eux. Du moment qu'ils brillent, du moment qu'ils peuvent s’auto-congratuler, du moment qu'ils peuvent se féliciter de faire partie de la majorité, rien ne les satisfait plus. Du moment que ces 90 % de gens s'efforce de dominer et d'asservir des hommes et des femmes comme Vanessa ou comme moi, afin de se sentir importants, voire indispensables, ils dorment sans regret ni remord sur leurs deux oreilles.

Eh bien, désolé, cette manière de se comporter montre le peu d'intelligence dont ils sont dotés. Ce n'est pas parce qu'ils ont réussi professionnellement ou qu'ils se sont élevés socialement qu'ils font preuve d'intelligence. Bien au contraire. Ils démontrent, si c'était nécessaire, qu'ils sont tout simplement formatés, qu'ils sont institutionnalisés. Ils ont beau affirmer leur individualité à corps et à cris, ils ne font que démontrer qu'ils ne sont qu'un minuscule rouage d'un système dont le but est de broyer, de maltraiter, de briser, ceux et celles qui sont différents. Ils se disent différents, mais ils ne sont que des copié-collé, des gens voués à être compartimentés, catégorisés, hiérarchisés, catalogués, pour être mieux contrôlés.

Et ils ne supportent pas que des personnes comme Vanessa ou moi, que ce soit par nos handicaps ou nos maladies, que ce soit par cette approche des relations humaines que je dénonce à longueur de textes, nous ne nous y conformions pas. Alors, de victimes de nos handicaps et de nos maladies, ils nous transforment en coupables et en responsables. Ils cherchent sans cesse à nous stigmatiser afin que cette hiérarchie stupide et monstrueuse ne soit pas remise en question. Car, ce qui compte avant-tout à leurs yeux, c'est de conserver leurs privilèges. Un peu comme sous l'Ancien Régime où la noblesse pensait avoir tous les droits parce qu'appartenant à une élite au sang bleu, ils se comportent exactement de la même façon vis-à-vis de ceux et celles qui sont différents d'eux.

Alors, moi, qui les montre du doigt, moi qui, par les connaissances et les raisonnements qui sont les miens, je balaye tout ça d'un revers de la main, évidemment, il faut me faire taire. Croyez-vous sincèrement que beaucoup de ces 90 % de gens vont aller jusqu'au bout de ce texte. Certainement pas. Les arguments et les analyses dont il est pourvu dépasse leur entendement. Ceux-ci ne les effleurent même pas ; leur conscience est trop exigu pour qu'elle soit à-même d'entendre, d'enregistrer, et de modifier leur comportement. Ce ne sont pas des gens qui évoluent ; ou même, qui ont le désir d'évoluer. Ils perdurent tels qu'ils sont, et ça leur suffit. Or, rien que le fait que ça leur suffise montre bien quelles entraves les limitent. Et c'est peu dire.

Pour finir, une fois encore, je suis conscient qu'en publiant ce texte, je ne vais pas me faire que des amis. Je suis certain que des personnes appartenant à ces 90 % de gens constituant cette majorité, va s'insurger contre mes propos. Je suis convaincu que je vais être la cible de leur vindicte et de leur ressentiment. Après-tout, ce n'est pas nouveau. Quand j'y songe d'ailleurs, leurs commentaires acerbes, leurs propos fielleux ou sarcastiques, démontreront, si c'était nécessaire, qu'ils sont bien tels que je les ai décris plus haut. Ils viendront juste alimenter ce postulat. Seuls ceux et celles qui se détacheront de ce dernier montreront justement qu'ils n'y appartiennent pas. Qu'ils font partie de ceux et celles que la différence, que l'hétérogénéité, que antinomie, n'effraie pas. Qu'ils ne se voient pas comme des juges et des inquisiteurs de la bonne conscience et des certitudes.

Oui, les masques dont sont constitués tout ce qui précède, tombent dans ce genre de circonstances auxquelles Vanessa et moi sommes confrontés actuellement. Oui, le vrai visage de ceux et celles qui nous font face, apparaissent dans toute leur nudité. Et heureusement qu'il y a de rares personnes qui ne se soumettent pas à ce conformisme autocrate. Ces rares personnes sont cette lueur qui nous permet d'avancer malgré tout. Elles sont cette lumière qui nous réchauffe l'âme et le cœur. C'est pour elles, et grâce à elles, que nous nous battons, que nous voulons partager ce qu'il y a de meilleur en nous. C'est parce qu'elles existent que je ne baisse pas et que je ne baisserai jamais les bras ; quoi-qu'il m'en coute. C'est parce qu'elles me soutiennent. C'est dans leur empathie, dans leur bienveillance, dans leur humanité que je puise mes force, que je trouve le sursaut nécessaire afin d'apporter à Vanessa ce bonheur qu'elle mérite tant.

La vie ne l'a pas épargnée, elle non plus. Comme moi, elle a souvent pleuré - et aujourd'hui encore -, elle a souvent souffert, on l'a souvent abandonné, isolé, éloigné. Comme moi, elle a souvent été exclu, rejeté, moqué. Comme moi, on l'a souvent condamné au mutisme et à la solitude. Comme moi, on n'a souvent éprouvé qu'indifférence et mépris pour ce qu'elle cherchait à offrir. Comme moi, sa gentillesse et sa générosité - comme moi, à toujours penser autres avant elle -, son hyper-sensibilité, ont été des armes que l'on a retourné contre elle. C'est inqualifiable, c'est petit, c'est obscène, c'est sordide. C'est faire ressortir la part la plus détestable de ceux et celles qui s'y emploient.

Aussi, quand j'ai vu Vanessa hier, je lui a juré sur la tète d'Aymeric, mon petit frère mort dans un accident de voiture en 1998, qu'après sa sortie de l’hôpital, je mettrais toutes mes forces dans cette bataille qui est de lui offrir mieux que ce qu'elle n'a eu jusqu'à présent. C'est de trouver une habitation conforme à nos besoins, à nos désirs, et à nos attentes. Dussé-je remuer ciel et terre dans cette intention. Dussé-je bousculer ces personnes engoncées dans leur ordinaire, dans leurs penchants. Dussé-je en appeler aux médias, à tous les organismes et institutions possibles et imaginables pour cela. Car, je n'ai qu'une seule ambition : rendre Vanessa heureuse ; que, malgré sa sclérose en plaques, elles puisse bénéficier de cette sérénité, de ces égards, de cette bonté, qu'on lui a toujours refusé. C'est d'être entourée de gens qui l'aiment ou qui l'apprécient pour qui elle est - et non pas, comme je le subis également - comme les gens voudraient qu'elle soit.

Voila de quoi Vanessa et moi avons parlé durant l'heure et demi où nous avons été ensemble hier. Et je peux vous affirmer que c'est le cœur lourd, que c'est plein de tristesse et de déchirement que je l'ai quitté. Si ça n'aurait tenu qu'à moi, je serai resté plus longtemps. Maman m'attendait pourtant dans sa voiture. Je ne voulais pas abuser de l'initiative qu'elle avait prise, de m'emmener la voir. Je n'ai cependant qu'une hâte, c'est pouvoir retourner aux Capucins pour partager à nouveau avec Vanessa un moment rien qu'à nous ; en attendant qu'elle revienne au Bailleul, l’hôpital de Sablé, puis, qu'elle revienne à notre domicile. Et surtout, qu'après cela, nous déménagions pour un endroit qui nous permettra de quitter cet enfer qui est le notre depuis fin mai dernier...

Dominique Capo

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