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Mes Univers
26 octobre 2022

A Olivier :

X1

Oui, à Olivier, mon ami depuis plus de trente ans ; à Olivier, qui a eu cinquante ans hier. Mon Dieu, que le temps passe vite. Déjà ! A Olivier, qui m'a accompagné durant toutes ces années ; qui m'a vu durant mes moments de profond désespoir et d'intense solitude ; mais qui m'a aussi vu dans des périodes où j'étais au summum de mon Art. Cet Art qui nous est commun. Cet Art que nous chérissons, auquel nous nous adonnons avec ferveur et passion, et qui se décline par l'intermédiaire d'une infinité de facettes.

Olivier, qui sait me discerner au-delà des apparences qui abusent tant et tant de gens. Olivier qui, comme moi, est doté d'une sensibilité et d'une humanité sans équivalent. Son esprit est d'une opulence extraordinaire. Comme moi, sa curiosité littéraire, philosophique, historique, est sans limites. En Philosophie, il est gratifié de savoirs que je n'ai pas, et je l'admire pour cela. C'est lui qui m'a donné le gout de cette discipline. C'est lui, qui, par nos conversations sur tous les thèmes qui s'y rapportent, m'a ouvert les portes d'un univers dont je ne soupçonnais pas le foisonnement.

Comme moi, Olivier est féru de mythologie, de légendes, d'énigmes historiques ; comme moi, il est féru d'occultisme et d'ésotérisme ; je ne parle cependant pas de cette soi-disant science à laquelle se réfèrent gourous, soi-disant médiums, soi-disant mages ou astrologue, présumés extralucides ou chamans. Ceux-ci ne sont que des charlatans produisant de la poudre aux yeux. Ils bernent les crédules et les naïfs qui se laissent attraper dans leurs filets par leurs quelques illusions de bas-étage et par leurs quelques bouquins de vulgarisation.

Non, Olivier étudie consciencieusement et minutieusement les sujets qui alimentent sa sagacité, sa grande intelligence, ainsi que sa curiosité sans limites. Parfois, quand je discute avec lui - par téléphone, puisqu'il vit à Paris et que moi je suis désormais dans la Sarthe -, j'ai l'impression de me retrouver à l'époque où je travaillais à la Bibliothèque Nationale de France ; enfin, à l'une de ses annexes nommée Bibliothèque de l'Arsenal. Car, si la Bibliothèque Nationale a déménagé de la rue de Richelieu à l'esplanade sur laquelle a été bâtie la Bibliothèque François Mitterrand, la Bibliothèque de l'Arsenal existe toujours ; elle est spécialisée dans les fonds relevant de tout ce qui a trait au théâtre et au cinéma. Cependant, c'est là où j'ai commencé mes investigations dans ces domaines qui nous sont communs. Entre deux tâches destinées à aider les chercheurs et chercheuses venus là pour examiner les sources dont ils avaient besoin pour rédiger leurs thèses ou pour écrire leurs traités, j'ai parcouru ses couloirs et ses salles, en quête de livres disséquant l'origine de la civilisation, l'origine des religions, les mythologies et les traditions qui leur sont associées.

Olivier en a fait - en fait toujours - de même. Et il est aussi minutieux, aussi attentif, aussi rigoureux, aussi exigeant que moi. Des enseignements qu'il en retire, des connaissances qu'il en assimile, il enrichit son âme démesurément. Comme moi, il emprunte des chemins métaphysiques où la pensée est reine. Où le désir d'évoluer humainement et spirituellement est l'éternel but à atteindre. Un but, bien-entendu, inatteignable, puisque englober la totalité des connaissances humaines est impossible. Mais, comme il l'a également compris depuis longtemps, ce n'est pas d'atteindre ce but qui importe, c'est ce qu'on en assimile au fur et à mesure de notre cheminement, qui est l'essentiel. Ce sont les expériences dont on bénéficie - heureuses ou malheureuses, elles nous enseignent toutes quelque chose - qui nous permettent de grandir, d'essayer de progresser.

Et à ce propos, Olivier est une homme aux qualités exceptionnelles. Comme moi, il lit énormément - je ne lis plus trois livres simultanément en fonction du lieu où je me trouvais, ainsi que je m'y employais à l'époque de la Bibliothèque Nationale. Un à l'Arsenal ; un à la Bibliothèque Sainte-Geneviève où j'étudiais de ma sortie de l'Arsenal à 23h ; un rue de Richelieu -, mais il en dévore des quantités. Et sur des sujets pointus qu'il aime à partager avec moi quand l'occasion se présente. Et à chaque fois qu'il prend un peu de temps pour m'appeler, et pour échanger avec moi, j'ai l'impression de revenir trente ans en arrière. Cet Age d'Or où j'habitais le XIX arrondissement de Paris, et où l'appartement au sein duquel je vivais était le lieu de rendez-vous de beaucoup de passionnés de jeux de rôles sur table.

C'était en outre l'époque bénie où, le dimanche après-midi, après des séances de jeux de rôles chez moi ayant débuté le vendredi soir vers vingt heures pour se terminer le samedi matin à l'aube, je me rendais chez lui pour participer aux séances qu'il présidait. Elle débutaient vers quatorze heures, se concluaient vers vingt-deux ou vingt-trois heures ; juste le temps pour moi de monter dans le dernier bus me raccompagnant au pied des Buttes-Chaumont, non loin de là où était situé mon appartement. C'est d'ailleurs Olivier qui m'a permis de découvrir le jeu de rôle Vampire, puisque c'est celui pour lequel il était Maitre du Jeu le dimanche après-midi. Je ne l'en remercierais jamais assez. Car, s'il ne m'avait pas pas initié à ce jeu de rôle, je n'aurais jamais écrit ma campagne Vampire "le Crépuscule des Demi-Dieux" ; laquelle n'aurait pas été le ferment de l'univers gothique et littéraire des romans que j'écris depuis plus de vingt ans désormais.

C'est avec Olivier qu'en tant que Maitre du Jeu, j'ai maitrisé mes plus belles campagnes ou mes plus beaux scénarios Advanced Donjons et Dragons, l'Appel de Cthulhu, et Vampire, évidemment. Si Olivier s'exprimait à ma place, il vous parlerait avec émotion de cette campagne de la Tour d'Haraald, avec Fezbalad et Azula. Il vous parlerait des scénarios d'ambiance de l'Appel de Cthulhu que j'ai dirigé. Il vous parlerai des recherches que j'ai menées, des documents que j'ai créé à l'intention de mes joueurs, afin qu'ils ressentent davantage encore les émotions que je désirais leur faire vivre au travers des aventures que je leur proposais.

Heureusement qu'Olivier participait, et que c'est avec enthousiasme et passion qu'il s'y adonnait. Sinon, je pense que j'aurai abandonné cette vocation d'écrivain - prolongement indiscutable de ce que nous avons vécu ensemble - depuis des lustres. En effet, il n'y a que lui, parmi tous les joueurs présents autour de la table, qui appréciait ce souffle épique que j'essayais d'insuffler à nos séances. Toute cette mythologie et ces légendes que je tentais - le plus souvent vainement - d'y intégrer. Toutes ces facettes de l'Histoire ou des grandes énigmes dont regorgent notre passé, que j'y incluais. Quand il s'agissait d'Heroic-Fantasy, inspiré par Tolkien et le Seigneur des Anneaux, m'évertuer à enrichir le monde qu'ils arpentaient en y incorporant ce bouillonnement épique que l'on y retrouve.

A ce propos, il a longtemps de cela, j'ai imaginé une formule qui correspond parfaitement à cette vision des jeux de rôles, ou des univers littéraires imaginaires auxquels nous nous vouons, lui et moi : "Quand le Mythe rejoint l'Histoire, il y a un instant magique où la Réalité n'existe plus que pour être emportée par le souffle d'une légendaire Épopée...". C'est de moi. Mais je pense qu'Olivier conviendra que cette phrase résume à elle seule tout ce que nous désirons partager au travers des histoires que nous inventons.

Malheureusement, très rares sont ceux ou celles qui discernent ce qu'elles révèlent au-delà des apparences. Et déjà, à l'époque où j'habitais le XIXe arrondissement de Paris, à l'époque où mes investigations extrêmement poussées à la Bibliothèque Nationale me conduisaient sur des sentiers initiatiques qui ont modifié le cours de mon existence à tout jamais, j'en ai énormément souffert. Ce sont les encouragements d'Olivier, c'est parce que celui-ci avait - a - la même conception que moi des possibilités infinies qu'ils offrent, que je ne me suis pas découragé. C'est parce que, comme Aymeric à l'époque, il est l'une des seules personnes de mon entourage qui m'a poussé à développer et à affiner ce qu'il considère être un "don", que je me suis acharné.

De même, c'est parce qu'il a été là lorsque je pensais mon horizon bouché, c'est quand les plus insidieuse des solitudes, c'est tandis qu'un silence assourdissant m'entourait, qu'il m'a soutenu contre vents et marées. Autour de moi, on cherchait à me décourager pour m'obliger à rentrer dans un moule où je n'étais pas à ma place. Olivier, comme Aymeric, n'ont cessé de chasser cette idée de mon esprit. Je dirai même que si Olivier - comme Aymeric -, n'avait pas décelé en moi ce don que je me refusais à accepter pour me conformer aux exigences de la majorité, je ne serai probablement plus de ce monde aujourd'hui.

C'est pour toutes ces raisons donc, qu'Olivier est quasiment comme un frère à mes yeux. Aymeric est mort ; Olivier est là. Oh, je ne doute pas qu'il trouverait d'autres valeurs et d'autres qualités en moi que je ne distingue pas. Lundi après-midi, lorsqu'il m'a téléphoné, il en a mis quelques-unes en exergue. Ça m'a profondément ému et touché. Je ne sais pas si je le mérite. J'ai loin de n'avoir que des qualités ; certains membres de mon entourage non virtuel n'hésiteraient pas à vous le signifier ; et de la façon la plus cruelle et la plus dure, de la façon la plus blessante et la plus humiliante.

Cependant, ce que je sais, et ce qu'Olivier voit, c'est que j'essaye toujours de faire de mon mieux. Je ne suis qu'un homme, ni plus ni moins. J'aimerais être "comme les autres" ; je ne le suis pas. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Pour Olivier, c'est parce que je suis tel que je suis que je suis à même de révéler "le meilleur de l'Homme". Ce sont ses mots. Que je rêverai que mon entourage entende un jour ce genre de mots qu'Olivier prononce lorsqu'il parle de moi lors de nos conversations. Je suis persuadé qu'ils en tomberaient des nues. Je suis convaincu qu'ils estimeraient que ce n'est pas de moi que parle Olivier, ou alors qu'il s'est trompé de personne.

Alors oui, voila pourquoi Olivier est peut-être l'une des personnes que j'estime le plus au monde. Je suis fier et heureux d'être son ami. Depuis plus de trente ans que nous sommes amis, sa gentillesse à mon égard n'a jamais eu d'équivalent, amicalement parlant. Il se soucie de Vanessa, me demande régulièrement de ses nouvelles, s'inquiète pour elle, pour moi. Quand il a vu les photos de l'état de la maison dans laquelle nous logeons en Sarthe depuis fin mai, il a été horrifié, et extrêmement chagriné. C'est lui le premier qui m'a dit que nous ne méritons pas ce qui nous arrive. C'est lui qui, le premier, m'a dit que l'inflexibilité et l'indifférence de mon entourage non virtuel était indigne et inconvenant.

Moi, j'ai souvent supposé que je devais payer le prix de ma différence. Que si chaque geste, si chaque initiative, si chaque projet, si chaque ambition - y compris littéraire - se heurtait à un mur, c'est que parce que je "n'étais - ne suis - pas comme il faut, et que je devais - je dois - en répondre devant la Terre entière. Olivier, non ! Olivier a cette grandeur d'âme pour qui la différence, pour qui le handicap et la maladie, ne sont pas des motifs de rejet ou de moquerie. Pour lui, ce ne sont pas des excuses ou des arguments destinés à nous mettre à part, pour nous regarder de haut. Bien au contraire. Il ose ce que nul n'ose dans mon entourage : il me met en avant ; il parle de moi et de mon "don" pour l'écrit et pour l'imaginaire autour de lui. Il loue mes connaissances encyclopédiques ; il exalte mon amour des livres et de la littérature. Jamais, dans mon entourage, je n'ai reçu de tels compliments.

Et, mon Dieu, que ça fait du bien. Que c'est agréable que quelqu'un vous voit tel que vous cherchez sans cesse à vous montrer ! Rares sont les personnes qui aspirent à vous élever vers le haut plutôt qu'à vous inférioriser ou à vous méjuger. Exceptionnelles sont les personnes qui apprécient cette intellectualité exacerbée dont je suis le porteur, qui n'ont pas peur de cette hyper-sensibilité qui fait partie intégrante de ma personnalité ; et que dire de mon handicap, de mon angiome facial, et de tout le reste... Non ! Tout cela, pour Olivier, ce ne sont que des détails. L'essentiel est ailleurs. L'essentiel, c'est ma curiosité intellectuelle insatiable. Ce sont les discussions philosophiques, historiques, des heures durant pour en décortiquer toutes les facettes, que nous avons. C'est de pousser nos réflexions et nos raisonnements le plus loin possible. Oui, que c'est merveilleux d'avoir un ami comme ça !

Aussi, pour en terminer, j'envoie mes pensées les plus chaleureuses à sa femme et à sa fille. Je salue ses parents, que j'ai côtoyé à l'époque où je participais à ses séances de jeux de rôles le dimanche après-midi chez lui. Ce sont des personnes formidables, comme il en existe peu. Et je n'ai qu'un seul regret : c'est que Vanessa et moi, nous ne puissions pas nous rapprocher d'eux. C'est que nous ne puissions pas les revoir au cours d'un bon déjeuner au restaurant par exemple. C'est qu'ils ne puissent pas venir passer quelques jours en notre compagnie lorsque Vanessa et moi nous aurons trouvé le logement qui nous correspond. Là, au moins, j'aurai l'impression de me retrouver parmi les miens, d'être entourés de gens qui m'apprécient pour moi. J'aurai le bonheur d'offrir à Vanessa de rencontrer des gens de qualité, qui en valent vraiment la peine, et qui seraient bienveillants et chaleureux avec elle. Oui, vraiment ! Si cela advenait un jour, tout ce pour quoi j'ai tant lutté depuis toutes ces années n'aurait pas été accompli en vain, je l'affirme en vérité....

Dominique Capo

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