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30 août 2009

De Deiteus Mythica, le Mythe des Demi-Dieux : Pages 1508 - 1510

France_moderneEpuisés par les premières semaines du conflit, les belligérants se tapissent désormais face à face, parfois à vingt mètres les uns des autres, comme en Argonne ou dans les Vosges, sur un front de 800 kilomètres, de la mer du Nord à la suisse. Si les Allemands n’espèrent plus vaincre à l’Ouest, ils occupent presque toute la belgique et le Nord de la france, privant celle-ci de ses mines de charbon. Très éprouvés par les pertes d’Août et de Septembre, les Français n’ont maintenant plus la capacité d’exploiter la victoire de la marne ; leurs adversaires s’enterrent, et ils se résignent à les imiter.

Dès lors, le froid, la vermine et les rats, la pluie qui transforme les tranchées en d’innommables bourbiers, l’odeur de décomposition des cadavres restés entre les lignes, le ravitaillement sommaire, la privation d’eau, de sommeil, de silence, les difficultés d’évacuation ou de relève, façonnent un nouvel état d’esprit ; la guerre de masse « fraîche et joyeuse » cède la place à une âpre lutte de petites unités, où des hommes solidaires s’accrochent à la terre ou essaient de gagner un boyau moins exposé aux coups de l’artillerie. La profonde misère matérielle et morale crée une camaraderie du front, qui se prolonge bien au-delà du conflit lui même.

Le front tient aussi grâce aux efforts de l’arrière, dont l’activité est entièrement tournée vers la guerre. Les femmes occupent tous les métiers désertés par les hommes : elles sont institutrices, secrétaires de mairie, postières, conductrices de tramway, ouvrières d’armement. Leurs salaires, plus faibles que ceux des hommes, sont complétés par des allocations gouvernementales mais ne suffisent pas à pallier à la hausse des prix.

Les femmes de la bourgeoisie servent souvent comme infirmières, et les enfants des écoles aident aux travaux des champs. Le gouvernement institue des restrictions alimentaires : café et sucre se raréfient ou disparaissent, la viande est rationnée. Pays agricole et prospère, la france souffre moins des privations que l’Allemagne, soumise à l’efficace blocus allié.

Par ailleurs, une économie dirigée se substitue à la liberté des entreprises et du commerce ; le gouvernement définit les importations nécessaires venant des seuls pays autorisés et fixe les prix de détail, en hausse constante malgré le contrôle. Le pays s’endette et emprunte, draine l’or des particuliers, transformé en « bons de la défense nationale » : la monnaie métallique d’or et d’argent disparaît, les billets de banque ont cours forcé et les chambres de commerce ont l’autorisation d’émettre des pièces non convertibles en or. De fait, l’inflation réapparaît : les prix triples entre 1914 et 1918.

Les usines d’armement tournent à plein régime. La france achète le charbon et l’acier qui lui font défaut à la grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, en s’endettant. Afin d’augmenter les rendements, des ouvriers spécialisés sont rapatriés du front. Le trafic ferroviaire est affecté en priorité aux transports de troupes ou de matériel, contribuant ainsi au ralentissement des échanges commerciaux.

Le moral de la population s’en ressent alors. Le gouvernement utilise donc la surveillance postale en prélevant régulièrement des lettres de soldats dans chaque secteur afin de tester le moral des troupes. Les cartes postales se doivent en effet d’être rassurantes, de même que les actualités cinématographiques : certaines sont dès lors tournées dans les fossés de Vincennes avec des figurants réformés ; tandis que pour écouler les produits, les publicités commerciales exploitent l’affection pour les soldats et la crédulité des familles. Les articles « arrangés », les affiches et les tracts abondent également afin d’éviter la démoralisation. : Les députés votent rapidement une loi de censure sur les journaux. Et celle-ci s’avère très vite efficace : lorsque les interdits ne sont pas respectés par les rédactions, les textes sont coupés par des « blancs ». Un « Bureau Militaire » filtre les nouvelles et contrecarre la propagande adverse. Et seuls les caricaturistes jouissent d’une certaine liberté : le rire reste le meilleur antidote aux difficultés et aux peines de la vie quotidienne.

La guerre profite toutefois à quelques uns. Les « poilus » - les « pioupious » et les « bisets » métamorphosés en loqueteux hirsutes ne se rasant qu’au hasard des occasions, et parfois avec du vin - découvrent ainsi avec amertume que certains « embusqués » réformés par protection, occupent des postes sans dangers ; que certaines catégories de la population s’enrichissent aux dépens de tous : fournisseurs de l’armée, négociants, sans compter les escrocs ou les traîtres. Pour ces « nouveaux riches », les restrictions n’existent pas : ils entretiennent une atmosphère de joie artificielle par la mode féminine, le théâtre ou les cabarets de chansonniers, où seules quelques chansons « patriotiques » rappellent qu’on est en guerre. Au moins, les femmes trouvent t’elles la place qui leur revient dans la société.

Toutes ces difficultés contribuent donc au réveil du pacifisme. Défendu avant guerre par l’Internationale Socialiste, il a d’abord une faible audience, mais l’échec terriblement sanglant des grandes opérations militaires lui donne bientôt une vigueur accrue. L’écrivain Romain Rolland écrit : « Je sais que chacun de leurs efforts, chacune de leurs paroles d’amour, soulève et retourne contre eux l’inimitié des deux camps ». Il reçoit néanmoins le prix Nobel de la paix début 1915, mais les socialistes ne sont pas autorisés à participer au congrès de Stockholm.

Le pape Benoît XV est, lui aussi,  confronté à la même incompréhension : ses appels à la paix le font considérer comme germanophile par les nationalistes et les catholiques français, qui n’hésitent pas à censurer ses discours. En effet, plus le conflit s’éternise, et plus l’idée d’avoir tant souffert sans rien obtenir paraît insupportable à l’opinion publique. 

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