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Mes Univers
4 mars 2016

autobiographie, pages 25 à 27 / 312

X3Pour ma part, la lecture de ce livre a été une véritable révélation. Je ne le savais pas encore, mais elle venait de modifier mon parcours personnel. Elle allait lourdement peser sur l'homme en devenir qui sommeillait en moi.

Je m'y suis appliqué en toute honnêteté. Chacune des consignes rédigé au terme de chacun des paragraphes, je les ai fidèlement suivi. Quand je devais lancer les dés afin d'affronter un des monstres qui hantaient les corridors et les salles de la Montagne de Feu, je changeais de position dans mon lit afin d'avoir l'espace nécessaire pour effectuer cette manœuvre. Lorsque je devais choisir entre plusieurs passages, je m'émerveillais des possibilités qui s'offraient à moi. Je progressais lentement mais sûrement dans ce labyrinthe qui paraissait ne pas avoir de fin. Et, bien entendu, j'y suis mort plus d'une fois.

Mais je ne me suis pas découragé. J'ai recommencé depuis le début. M'améliorant à chaque fois, j'allais de plus en plus loin. Je déambulais le long de nouveaux couloirs. J'explorais de nouvelles salles. Je m'attaquais à de nouveaux monstres, tous aussi hideux et terrifiants les uns que les autres. Pourtant, chaque incident auquel j'étais confronté, chaque piège, chaque créature malveillante qui surgissait au détour de tel ou tel court chapitre était un pur bonheur. Je ne m'en lassais pas. Mieux encore, j'en redemandais. Et c'est triste que finalement, au terme de deux ou trois soirs à dévorer cet étrange roman auquel je ne connaissais aucun équivalent, je l'ai terminé. J'ai atteint le sommet de la Montagne de Feu ; là où se cachait le Sorcier que je devais vaincre afin de remplir ma mission. J'ai pénétré dans son antre, subi ses assauts, me suis défendu, et l'ai terrassé.

Soudain, c'est comme si j'étais brutalement redescendu de mon nuage. Comme quitter un lieu où on est heureux, chez soi. Comme laisser derrière soi un cocon protecteur pour retomber au sein d'une réalité morne et sans attraits.

Combien de fois ai-je relu « le Sorcier de la Montagne de Feu » par la suite ? Une dizaine, une quinzaine, une vingtaine de fois ? Davantage ? Je n'ai pas tenu de décompte. Tout ce que je sais, c'est qu'à force d’être manipulé dans tous les sens, sa couverture s'est abîmée. Ses pages ont été barbouillées de traces de crayon ou de stylo dans tous les coins. Des astérisques multicolores ou multiformes se sont alignés aux abords de nombreux numéros de paragraphes. La feuille d'aventure a manqué de place pour que je puisse y inscrire mes nombreuses et diverses trouvailles. Des pans entiers de l'ouvrage se sont décollés de sa tranche. Je les ai rafistolées comme je pouvais. Mais je n'ai pas pu le reconstituer sous sa forme d'origine. Et aujourd'hui encore, alors qu'il trône en bonne place parmi les récits qui ont jalonné les moments les plus remarquables de ma vie de lecteur, il est à manipuler avec d'infinies précautions. A tel point que j'ai été obligé d'en racheter un exemplaire plus récent afin de le ranger aux cotés de tous les autres livres dont cous êtes le héros qui ornent les étagères de mon bureau.

 

Puis, je me suis résigné à reprendre le cours de mes lectures habituelles. Un pincement au cœur, je me suis replongé dans les textes de la Bibliothèque Rose, de la Bibliothèque Verte, etc. Pourtant, désormais, je leur trouvais moins de saveur. Je les sondais avec moins de ferveur et de passion. Quelque part dans mon esprit, dissimulé dans les profondeurs de mon âme, s'inscrivait en lettres d'or et d'argent la Chronique de cette période ahurissante où « le Sorcier de la Montagne de Feu » s'est imposé à moi ; où il a été mon unique horizon.

Ce n'est que quelques mois plus tard – quatre, six, huit ? -, alors que j'avais totalement occulté cet intermède onirique de ma mémoire que le hasard a une fois encore frappé. Ou est-ce le Destin ? Qui peux vraiment savoir ?

En enfant obéissant que j'étais, j'accompagnais régulièrement ma famille au supermarché le plus proche de chez nous quand nous avions besoin de nous ravitailler en nourriture. Ce n'était pas un exercice auquel je me suis prêté avec plaisir. Comme tout enfant de mon age, j'aurai préféré rester à la maison, à visionner un film à la télévision grâce au magnétoscope que nous possédions. J'aurai préféré me retirer dans ma chambre, parmi mes milliers – dizaines de milliers ? - de Legos, à poursuivre l'édification de tel vaisseau spatial ou de telle cité intergalactique. J'aurai préféré me divertir sur mon ordinateur, à disséquer des logiciels de « Basic », le langage informatique commun à tous les terminaux. Ou encore, j'aurai préféré m'adonner aux joies procurées par l'une des premières consoles vidéos qui nous paraîtrait bien ridicule aujourd'hui. Mais, que ce soient les balbutiements de l'ère informatique ou des périphériques ludiques, j'y étais à l'aise comme un poisson dans l'eau. J'y ai passé des matinées et des après-midi entiers a essayer de décortiquer leurs méandres.

Bref, suivre ma mère et mes grands-parents dans une grande surface était loin de me satisfaire. Quant à mon père, une fois de plus, pour ce genre de corvée domestique, il réussissait toujours à se défiler. Il avait toujours une occupation plus importante ou plus urgente.

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