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Mes Univers
31 mai 2016

autobiographie, pages 193 à 195 / 312

X1Cette situation a duré plusieurs jours. Plus le temps s’est écoulé, plus la tension a gravi des échelons. Plus celle-ci a pris des proportions démesurées. C’est à ce moment-là, qu’enfin, après des décennies de mésestimation de moi, de sentiment d’infériorité à l’encontre de mon père, de rabaissement systématique de sa part, de fragilité émotionnelle et de sensibilité exacerbée qu’il avait utilisée à son gré à mes dépens, j’ai réussi à lui dire ce que j’avais sur le cœur. Je lui ai dit ce que je ressentais des années de mensonges qu’il nous avait fait subir. Je lui ai dit qu’il ne me faisait plus peur, et que ce n’était pas parce qu’il croyait avoir toujours raison, que c’était le cas. La preuve, avec sa véritable personnalité, alors qu’il nous avait fait croire qu’il était qu’un d’autre pendant tout ce temps. Que je n’avais rien contre les homosexuels – qu’il avait le droit à la sexualité qui lui convenait -, mais qu’il m’avait fait souffrir toutes ces années en me faisant porter sur épaules son mal être. Que je souffrais qu’il ait choisi pour moi le prénom « Dominique » en souvenir de son premier amour masculin. Que j’avais parcouru ses romans, et que je pensais qu’il méritait mieux que ses proses homosexuelles à deux sous sur fond historique. Qu’il était intelligent, cultivé, et que s’il souhaitait écrire des livres, il valait mieux qu’il consacre son énergie à des histoires plus intéressantes.

 

Nous en sommes presque venus aux mains. Mais, pour la première fois de ma vie, je n’ai pas baissé les yeux. Je ne me suis pas soumis à ce qu’il pensait ou désirait de moi. Et je crois que, de tout, c’est cela qu’il n’a pas accepté de ma part. Pour la première fois, j’avais osé le défier ouvertement, je ne m’étais pas plié à sa volonté, à son autorité paternelle. Je lui ai dit qu’il ne m’impressionnait plus, et que même s’il me frappait, cela ne modifierait pas mon état d’esprit. Quand je pense qu’un jour, bien des années auparavant, il m’avait affirmé d’un ton moqueur : « De toute manière, ce seront mes enfants qui s’occuperont de moi jusqu’à la fin de mes jours. Ce sont eux qui régleront mes dettes, mes problèmes, qui me soutiendront financièrement, quand je serai vieux. ». Ce jour-là, je lui ai dit que ce n’est pas sur moi qu’il devait compter pour cela.

 

C’est étrange, et les lecteurs et lectrices qui parcourent ces paragraphes ne vont peut-être pas me croire. Mais, tout au fond de moi, au sein des retranchements les plus intimes de ma personne, viscéralement ancré en moi, je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours su que mon père finirait ses jours seuls. Qu’il finirait abandonné de tous ceux et celles qui l’aimaient, pratiquement à la rue. C’est, hélas, ce qui est advenu il y a maintenant deux ans.

Car, évidemment, ma mère s’est rangée à l’avis de ses parents. Elle à bientôt demandé le divorce. Mon père, toujours aussi sûr de lui, était persuadé qu’elle n’irait jamais au bout de sa démarche. Il était convaincu qu’elle n’était – que nous n’étions – rien sans lui. Qu’il saurait trouver les arguments pour la faire changer d’avis. Qu’elle serait perdue, sans ressources. Il lui a dit que, de toute la manière de ses dettes lui revenaient, si elle désirait divorcer – ce qui était vrai comme nous l’avons appris par la suite. Et que, rien que cela la dissuaderait de se défaire de lui.

 

Sauf que, cette fois-ci, ma mère ne s’est laissé, ni intimider, ni attendrir. Il a beau eu lui promettre monts et merveilles, que tout allait définitivement rentrer dans l’ordre. Qu’il en avait fini avec ses bêtises. Qu’il avait fermement rompu avec Thierry. Qu’il l’aimait. Que c’était avec elle qu’il désirait terminer sa vie. Ma mère n’y croyait plus. En fait, aucun de nous n’y croyait plus. Mon père a donc déménagé. Le jour où il a quitté le domicile familial définitivement, qui aurait pu imaginer que c’était la dernière fois que je le voyais. Tout au fond de moi, comme je l’ai déjà spécifié, pourtant, c’est ce que je ressentais viscéralement. Mais beaucoup des gens qui nous entouraient supposaient qu’avec le temps, les rancœurs et les blessures diminueraient d’intensité. Et qu’au bout de quelques mois, il essayerait de se rapprocher de nouveau de moi.

 

Cela n’a pas été le cas. Il a déménagé pour la Belgique. Il semble qu’il ait, un temps, vécu avec ce fameux Thierry. Ensuite, une fois que son histoire s’est terminée avec celui-ci, il a logé à Toulouse ; avec qui, comment, pourquoi ? Je ne sais pas. Il faut bien avouer que son parcours, à partir de cette date, a été assez chaotique. Et les informations que nous parvenions à récupérer à son sujet, étaient incohérentes et contradictoires. Ce n’est qu’au bout de deux ans environs, alors que, pour moi, la vie avait changé du tout au tout, et que j’avais émigré à Valognes, qu’il s’est installé à Sablé sur Sarthe. C’est la ville de taille moyenne la plus proche du village où se situe la maison de ma mère. Je suis sûr, et ma mère aussi, qu’il avait dès lors le secret espoir de convaincre ma mère de le faire revenir dans sa vie. Ce qui s’est avéré vain.

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