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Mes Univers
17 juin 2016

autobiographie, pages 227 à 229 / 312

X1J’étais dans un état de nerfs indescriptible. Si quelqu’un avait osé me frôler ou me parler à cet instant-là, je crois que je me serai mis à hurler d’effroi. Puis, je me serai évanoui, tellement j’étais épuisé nerveusement, physiquement, moralement. Quand elle s’est approchée à son tour, comme je l’ai expliqué plus tard à ma collègue, j’ai eu l’impression d’être une véritable flaque d’eau. Elle a ouvert son sac. Je l’ai examiné. Elle a commencé à s’éloigner de moi, tandis que la séparation conduisant à l’escalier s’ouvrait, un qu’un jeune homme venait à notre rencontre. D’une voix apeurée, pitoyable, j’ai dit à cette jeune femme : « Excusez-moi, un instant s’il vous plaît ! ». Surprise, elle s’est arrêtée ; le jeune homme également. Celui-ci s’est mis à attendre dans l’entrebâillement de la porte en jetant des coups d’œil impatients et discrets dans notre direction. Immédiatement, j’ai compris : « C’est son compagnon. ». A cette époque, ce n’était pas encore le cas ; ce le deviendrait quelques mois plus tard, alors que notre amitié était née et s’était consolidée. Mais, de toute façon, il était trop tard, je lui avais adressé la parole. Je ne pouvais désormais plus me dérober.

 

J’ai poursuivi : « Oui. J’ai remarqué, en vous apportant régulièrement vos livres, que vous vous intéressez à l’ésotérisme, à l’occultisme, et à tout ce genre de sujets. ». Avec un sourire engageant, dénué de toute méfiance ou hostilité, elle m’a répondu : « Oui, c’est vrai ». J’ai enchaîné, essayant tant bien que mal de couvrir le malaise qui me prenait : « Je suis moi-même chercheur autodidacte dans ces domaines. J’avoue que je serai ravi de discuter de ces sujets avec vous autour d’un café, dans un bar des environs. ». J’ai, en même temps, tenté de maîtriser ma voix flageolante, les gouttes de sueur de mon front, et les spasmes d’émotion qui me secouaient. Car j’attendais sa rebuffade d’une voix méprisante, son rire dédaigneux, genre : « Mais mon pauvre, tu ne t’es pas regardé ? Tu es minable. Je sais très bien ce que tu cherches. Tu crois que je sors avec des hommes au physique aussi ingrat que toi, couturé de cicatrices et handicapé. Si tu crois cela, c’est que tu te plante royalement. ».

 

Mais non, sa réaction a été toute autre. Son visage s’est encore plus éclairé. Elle m’a gentiment dit : « Mais bien sûr, ce serait avec plaisir. Mais un autre jour car aujourd’hui je suis prise. ». Elle a regardé le jeune homme qui attendait toujours. « Mais pourquoi pas, je vous proposerai un jour la prochaine fois que je viendrai ici. Au revoir. ».

Et sur ce, elle a rejoint le jeune homme, et ils ont disparu aux abords du grand escalier.

 

J’étais convaincu que jamais plus elle ne remettrait les pieds à la Bibliothèque Nationale. J’étais persuadé que le jeune homme aperçu était son petit ami. Mais ma collègue, quand je lui ai rapporté les faits, m’a félicité. Elle m’a rétorqué : « Tu as eu du courage ; tout le monde n’aurait pas entrepris cette démarche. ».

 

Étais-je satisfait de moi pour autant. Non, j’étais anéanti. Parce que je savais que le rêve que je m’étais construit était déjà brisé. A l’instant même où j’ai vu ce jeune homme patientant, j’ai deviné quelle tournure allaient prendre les événements. De la même manière que pour toutes celles pour lesquelles j’ai eu un penchant affectif et amoureux plein de ferveur et de passion, j’ai su que je m’acheminais désormais vers la catastrophe. De la même manière que pour cette lycéenne, que pour les jeunes femmes qui ont fréquenté mon club de jeux de rôles, que pour la cousine de mon colocataire, et que pour tant d’autres, les sentiments que j’éprouvais déjà pour elle ne seraient jamais partagés. Comme celles qui sont tombés amoureuses de moi, ce que je ressentais pour elles n’était pas du même ordre que ce qu’elles ressentaient pour moi. Même si j’ai essayé de les aimer parce que je savais quelles souffrances naissaient du rejet, de la solitude, et du désespoir, je n’y suis pas arrivé.

 

En tout cas, à ma grande surprise, cette jeune femme est réapparue à la Bibliothèque Nationale environ deux semaines plus tard. Et, lorsqu’au moment où j’ai ré-inspecté son sac, je l’ai de nouveau questionné concernant la proposition que je lui avais faite, elle m’a dit « Oui, ce soir, je suis libre ». De fait, cinq minutes plus tard, alors que la Bibliothèque avait définitivement clôturé ses portes et que je la laissais derrière moi jusqu’au lendemain, je l’ai rejoint. Ensemble, nous sommes allés dans l’un des cafés qui bordait l’avenue en bordure de laquelle était implanté le bâtiment. Nous nous sommes assis en terrasse. Nous avons commandé à boire. Et nous avons commencé à discuter des thèmes qui nous étaient chers, et qui tournaient autour de l’Histoire, de l’Ésotérisme, de l’Occultisme, de la Religion, du Paranormal, ou de la Philosophie.

 

J’étais à la fois enchanté et intimidé, il faut bien l’avouer. Enchanté, parce que c’était la première jeune femme que j’abordais de cette manière, et qui ne me rejetais pas, qui ne se moquait pas de ma vaine tentative pour l’approcher, et qui ne me rejetais pas comme un malotru. Mais j’étais également intimidé par son charme, par l’éclat qui émanait d’elle, par sa beauté. Je me sentais comme un insecte tentant d’escalader une montagne. Je n’étais rien, insignifiant, terne, sans attraits. Comment aurait-elle pu me considérer, estimer que j’avais une quelconque importance ; que ce que je pouvais lui apporter d’une manière ou d’une autre avait un quelconque intérêt. J’étais persuadé qu’après ce dialogue autour d’un verre, je ne la reverrais plus, et que je retomberai dans l’obscurité d’où sa luminescence m’avait momentanément tirée.

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