26 janvier 2019
Un désert médical de plus à dix kilomètres de Cherbourg
Comme ceux et celles qui me suivent et me lisent régulièrement sur Facebook et ailleurs sur le Net le savent sans doute, je suis une personne handicapée. Je suis atteint d'une hémiplégie prononcée sur tout le coté droit de mon corps. Je suis d'ailleurs reconnu en tant que tel à 90 % par les administrations compétentes. Et la maladie dont je suis le porteur depuis l'age de mes six mois se nomme la maladie de Sturge-Weber.
Comme je l'ai déjà mentionné dans un texte précédent assez récent, pour cette raison, je ne peux pas conduire. Marcher longtemps est une épreuve. Le stress, l'angoisse, la fatigue, etc. sont susceptibles de déclencher chez moi des crises de convulsions de quelques minutes. Elles sont, à chaque fois, source de douleurs intenses ; comme si l'on me broyait la jambe dans un étau tout le long de leur durée.
En outre, chaque soir, je suis la proie de supplices implacables. Des tendinites, des douleurs musculaires, des décharges électriques me parcourant les membres inférieures au moment où mon corps commence à se détendre, s'emparent de moi. Dès lors, il m'est impossible de m'endormir avant 2h ou 3h du matin - voire davantage lorsque celles-ci persistent -, et mon sommeil est souvent agité. Difficile, éprouvant, de dormir dans de bonnes conditions dans ce cas.
Je suis également parfois, en fonction des épreuves du quotidien auxquelles je suis confronté, de crises d'angoisse, de peur, de désespoir. Enfin, pour terminer ce bref tour horizon de ma situation actuelle, je m'occupe à plein temps d'un membre de ma famille atteint de la sclérose en plaques. Je l'assume et l'accepte entièrement, avec dévouement, avec attention, avec amour, du matin au soir. Mais, comme si tout cela ne suffisait pas, des poussées de gingivite me saisissent depuis plusieurs années. Depuis deux à trois mois notamment, elles se répètent sans cesse : lorsqu'un coté de ma bouche, de mes dents et de leurs gencives en sont libérés, ainsi que des saignements de dents qui les accompagnent, c'est l'autre coté de cette dernière qui est à son tour attaquée. Évidemment, elles me font fortement souffrir.
Comme n'importe quel malade, j'ai fait appel à mon médecin référent. Mais si ce n'est pour le renouvellement de médicaments liés à mes crises de convulsions et à la maladie de Sturge-Weber dont je suis atteint, ses compétences s’arrêtent là. Il n'a jamais réussi à me soulager, ni de mes tendinites, ni de mes douleurs musculaires aux jambes, ni de mes fulgurances "électriques" au même endroit, ni de mes gingivites à répétition. A sa décharge, je soulignerai que, du fait du manque de médecins à Valognes et dans ses alentours, il a un emploi du temps surchargé.
En effet, souvent, ses visites à domicile dont je bénéficie n'ont pas lieu avant 21h, 22h, voire exceptionnellement, 23h. Ce médecin est très gentil, mais il a la bonne soixantaine. Il est normalement proche de la retraite. Cependant, il repousse au maximum cette échéance, conscient qu'il aura du mal à trouver un remplaçant pour s'occuper des patients qui comptent sur lui pour les soigner quand ils en ont besoin.
A propos de ma gingivite, bien entendu, j'ai contacté le dentiste dont je dépends à Valognes. Lui aussi étant débordé, sa secrétaire ne répond plus directement aux coups de fil. Il faut laisser un message avec l'objet de la demande de rendez-vous, ses coordonnés téléphoniques, etc. Avec la promesse que l'on vous rappellera sous peu. Jeudi, j'ai donc suivi cette procédure, en espérant que l'on me recontacte au plus tôt.
A ma grande surprise, chose faite dès le lendemain, c'est à dire le vendredi 25 janvier 2019... Pour m'entendre dire par la secrétaire de ce dentiste, que celui-ci refusait ma prise en charge. Je suis pourtant l'un de ses patients habituels. Car oui, bien qu'étant le seul dentiste de Valognes, il ne prends pas de patients qui n'appartiennent pas à sa clientèle habituelle. Ce qui n'est pas mon cas.
Bref, cette secrétaire de m'expliquer que ce dentiste étant proche de la retraite, il diminuait progressivement sa "clientèle". Et d'une voix froide, sans émotion, de me suggérer d'aller voir un confrère à Cherbourg - une quinzaine de kilomètres de Valognes - ou à Saint-Lô - à une quarantaine de kilomètres. J'ai un peu insisté, lui avouant que j'étais handicapé, que je n'avais pas de moyen de locomotion, que j'avais une personne atteinte de la sclérose en plaques à charge. Toujours sur le mème ton, elle m'a répondu : "Monsieur, il y a beaucoup de gens âgés à Valognes qui sont dans votre situation." . Et moi, de terminer en disant : "Donc, comme ces personnes âgées, c'est de ma faute, je suis coupable, si je suis malade, handicapé, et sans moyen de locomotion."
Un blanc de sa part, que je ne lui ai pas laissé l'opportunité de combler : "Dans ce cas, ai-je enchainé, je souhaite une bonne retraite à mon dentiste, qu'il en profite bien. Bonne continuation à vous aussi. Adieu !!!".
Je n'ai aucune solution pour endiguer les maux que j'ai décris, et dont je souffre depuis des années. Valognes est, aujourd'hui, considérée comme la proche banlieue de Cherbourg. Une sorte de cité-dortoir où il fait bon vivre, très agréable, verdoyante, plutôt aisée. L'immense majorité de ses habitants, lorsqu'ils ont besoin de quoi que ce soit, vont à Cherbourg. Magasins, grandes surfaces, services hospitaliers, médecins, la désertent au profit de sa métropole voisine de 80 000 âmes. Et tant pis pour ceux et celles qui, comme moi ou d'autres, ne peuvent s'y déplacer pour accéder aux services dont ils ont un besoin parfois vital. Tant pis pour moi qui suis dans l'incapacité matérielle, physique, de trouver un moyen de briser cet isolement.
Après tout, par mon handicap, par ma maladie, par celle du membre de la famille dont je m'occupe, je ne suis qu'un citoyen de seconde zone. Je n'ai pas d'emploi à proprement parler - il est vrai qu'être écrivain - historien - n'est pas véritablement considéré comme un emploi. Je n'ai pas de statut professionnel, social, ou autre. Quand on y réfléchit, je ne suis qu'une charge pour la collectivité, puisque je ne suis pas "rentable", puisque le "retour sur investissement" chère à notre société, est quasiment nul. Je n'ai aucun intérêt électoral, professionnel, financier, etc.
Donc, pourquoi se préoccuper d'un individu qui est plus un poids pour la collectivité qu'autre chose. Que ce soit au niveau local ou plus largement. Pourquoi investir pour lui apporter de l'aide ? Pourquoi lui apporter des solutions viables pour qu'il vive mieux avec son handicap et sa maladie ? Pourquoi améliorer sa situation, puisqu'il ne sert à rien ?
Franchement, puisqu'il n'est pas "rentable", je vous le demande : de quoi se plaint-il ? Ne serait-ce pas mieux pour tout le monde qu'il demeure dans son coin, qu'il reste dans dans l'ombre et le silence, et qu'il se fasse oublier...
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