De l'Homme dominant à l'Homme dominé :

Un jour... demain, après-demain, dans un siècle, un millénaire, davantage peut-être..., le monde ne nous appartiendra plus. C'est inévitable, inéluctable. Aujourd'hui déjà, dans bien des domaines de la vie courante, nous en observons les prémisses.

Peu importe le réchauffement climatique, peu importe les aléas de notre société, les soubresauts actuels de notre civilisation, peu importe la Sixième Extinction actuellement en mouvement. Peu importe la pollution, peu importe que nous épuisions l'ensemble des ressources naturelles de notre planète ou que nous tentions d'y remédier ; ou encore, dans cent ans, mille ans..., que nous essayions de sauver le peu que nous pourrons préserver en découvrant une autre "Terre" sur laquelle émigrer.

Peu importe nos projets individuels ou collectifs, nos rêves, nos espoirs, nos ambitions. Peu importe si nous sommes blanc, noir, nord-africain, asiatique, sud-américain, ou autre. Peu importe notre orientation sexuelle, notre métier, notre statut social, notre éducation, et finalement, nos différences quelles qu'elles soient...

Car l'Humanité est vouée à être dévorée par ses Enfants, par ses Créations. L'Humanité est condamnée à être absorbée par cette technologie aux capacités et aux possibilités de plus en plus extraordinaires au fil des décennies, des années désormais. Plus rapide, plus puissante, de plus en plus innovante, remplaçant progressivement tout ces gestes ou ces actes, ces métiers ou ces charges que nous ne désirons plus endosser. Capable de nous "réparer", de nous "améliorer", de nous "remplacer", elles nous est devenue indispensable, nécessaire, vitale. Via les objets connectés dont nous nous servons au quotidien, elle nous évite de penser, de réfléchir, de nous concentrer sur des tâches toutes simples.

Nous en sommes devenu ses esclaves. Que deviendrons-nous, aujourd'hui, sans internet, sans les réseaux sociaux, sans nos ordinateurs, sans nos téléphones portables, que nous utilisons pour tout et n'importe quoi ? Nous serions comme des enfants que l'on aurait abandonnés, et incapables de se débrouiller sans eux. Incapables d'appeler au secours, d'échanger directement les uns avec les autres, incapables de nous orienter sans nos GPS, incapables de travailler ou de nous divertir. Incapables d'avoir la moindre relation humaine, tout simplement.

Lentement mais sûrement, cette technologie est amenée à nous asservir, à nous dominer totalement. Certes, elle a ses bienfaits, qui peut le nier. Je suis le premier à le constater, et à profiter. Elle permet énormément de ce qui nous était considéré comme impossible jadis. Elle est également une porte ouverte vers des personnes, des lieux, des connaissances, des cultures, des arts, etc. qui ne nous étaient pas accessibles auparavant. Quelle richesse, quelle diversité, quelles possibilités, sont à notre portée. Je suis heureux lorsque je croise une personne qui en use pour évoluer de cette manière, pour s'enrichir humainement, et partager ensuite son cheminement avec autrui.

Néanmoins, ces personnes sont rares, et précieuses à la fois, bien évidemment. Et il est exceptionnel qu'elles soient mises en avant, écoutées, considérées, appréciées. Non !!! Ceux et celles qui agissent ainsi sont une infime minorité. L'immense majorité, inconsciente et déjà résignée, déjà malléable, déjà dépendante, contribue jour après jour à cette inéluctable fatalité :

Oui, un jour, cette technologie si bénéfique - car telle a toujours été l'intention de ces personnes qui l'ont inventé, et qui continuent à l'améliorer -, deviendra notre "Maitre". Toute notre existence, de notre naissance à notre mort, sera subordonnée à ses décisions. Nous serons connectés à elle par des implants sous cutané, ou directement insérés à l'intérieur de notre cerveau ; sans possibilité de nous en débarrasser.

Parce que ce sera mieux pour nous, plus simple, plus facile que d'user d'un ordinateur, de téléphone portable, ou de tout autre vecteur extérieur. Parce que, qui, plus est, nous l'aurons voulu, afin d'aller plus vite, afin que tout nos besoins ou nos désirs soient satisfaits instantanément, immédiatement. Afin, aussi, d'améliorer nos performances physiques, intellectuelles. Pour nous soigner, pour nous guérir, pour nous protéger. Et finalement, nous ne serons plus qu'une extension "naturelle" de celle-ci. Nous serons robotisés, déshumanisés, afin que nous nous ressemblions tous et toutes. Dans le but que tout soit plus simple, plus aisé, moins fatiguant physiquement ou intellectuellement, nous lui aurons légué tout ce qui fait de nous des êtres humains à part entière.

Car, en même temps, à l'aide de toutes ces données sur nous que nous lui aurons délibérément révélées afin de nous faciliter les choses, elle nous aura catégorisés en fonction de nos aptitudes. Elle choisira les métiers pour lesquels elle estimera que nous sommes faits. Elle choisira notre compagne ou notre compagnon en fonction des avantages génétiques que nous pourrons transmettre à la génération qui viendra après la notre. Elle nous nourrira selon ce qui lui parait être le mieux pour nous. Elle nous habillera, nous logera, etc., donc l'argent n'aura plus de raison d'être dans ces conditions.

Elle remplacera Dieu, puisque nous n'aurons besoin que d'elle pour exister. Dieu ne pourvoira plus à ces miracles que nous espérons de lui, puisque la technologie les dispensera ; il n'incarnera plus cet espoir d'une vie meilleure après notre mort, puisque la technologie aura repoussé cette fatale échéance pour la faire presque disparaitre éventuellement. Plus de religions, plus de philosophies, qui seront dès lors devenues obsolètes, sans objet.

Elles régnera sur nos jours et nos nuits, 24h/24h, 7j/7j, 365 jours par an, tout le long de notre vie. Elle nous surveillera pour que nous n'enfreignons jamais les lois en vigueur, les préceptes qui lui paraitront les plus nécessaires ; même si ceux-ci ne nous plaisent pas individuellement.

Et gare à celui ou celle qui y serait réfractaire, ils seraient reprogrammés pour devenir dociles et productifs. Quant à ceux et celles qui seraient irrémédiablement inefficaces, qui seraient inutiles, bien-entendu, ils seraient éliminés. Et il s'agit que de simples exemples qui me viennent instantanément à l'esprit.

Voici quelques échantillons de ce vers quoi nous tendons. Ils ne sont qu'une part infime de tout ce qui nous attend ; inévitablement, inéluctablement. Et les prémisses de tout ceci, c'est ici, c'est maintenant,et par nos comportements, par nos façons d'agir les uns envers les autres, par la dépendance de plus en plus grande que nous avons vis-à-vis de cette technologie, que nous l'élaborons. Il ne faut pas tout jeter à la poubelle, celui ou celle qui s'imaginerait que je suis contre la technologie n'aurait rien compris à mes propos. Une fois encore, il s'agit d'une réflexion sur nos comportements individuels et collectifs liés à une société qui nous pousse à tout déléguer ; qui nous pousse à ne pas nous poser de questions ; qui nous impose de ne rien remettre en cause, "parce que c'est comme ça que ça fonctionne" ; parce que "je suis trop petit pour que mes actes personnels, que mes réflexions que je souhaite partager avec autrui, aient la moindre influence sur l'ensemble de ma communauté."...

Il est certain qu'en partant de ce principe, nous en serions encore aujourd'hui à l'Age de Pierre. Aucune innovation, aucune évolution, aucune modification. Aucune individualité, si ce n'est celle destinée à satisfaire nos besoins les plus primaires, les plus bestiaux. Comme un cercle qui se referme, la sujétion vers laquelle nous nous acheminons nous renvoie à ces Ages immémoriaux, et nous condamne, finalement, à l'extinction en tant qu'espèce "intelligente"...

Dominique Capo