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Mes Univers
19 septembre 2020

Pourquoi je vis..., seconde partie... :

48

...Vous vous demandez certainement quels événements ont été à ce point marquants pour qu'ils laissent une trace aussi indélébile dans mon âme et dans mon cœur ? Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'ils ont été nombreux, divers et variés. Et ce, depuis que je suis enfant.
 
Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Je suis né en 1969 avec la maladie de Sturge-Weber. Mais qu'est ce qu'est la maladie de Sturge-Weber ? Je gage que très peu d'entre vous en ont entendu parler. En effet, elle n'est pas commune, et dans les médias, elle n'est qu'exceptionnellement évoquée. Elle fait partie de ces maladies "rares" qui ne sont pas sous le feu des projecteurs. C'est le cas encore aujourd'hui. Alors, imaginez il y vingt, trente, ou quarante ans...
 
La maladie de Sturge-Weber est liée à ce que l'on nomme communément "une tache de vin" ; un angiome. Le mien se situe sur le coté gauche de mon visage. Il est constitué d'une myriades de veinules amalgamées les unes aux autres. C'est pour cette raison que cela ressemble à une "tache de naissance". Cet angiome est externe. Mais il est aussi interne : ces veinules, à l'intérieur de mon crane, sont comme une sorte d'éponge. Éponge qui est partiellement, mais inextricablement, rattachée et intégrée à mon cerveau. C'était inopérable jadis, ça l'est toujours aujourd'hui.
 
Je suis né avec. Et il a des conséquences irrémédiables sur mon état de santé, et ce depuis cette date. A l'age de six mois, j'ai fait de graves crises de convulsions qui ont entrainé une paralysie du coté droit de mon corps. Ce que nomme "hémiplégie". Elle était irréversible. Le seul moyen d'améliorer ma situation a été des séances de kinésithérapie durant toute mon enfance et toute mon adolescence. Le but était de récupérer, autant que possible et faisable, une partie de la mobilité de ma jambe, de mon bras, et de ma main droites. Et je peux vous certifier yeux dans les yeux que ça a été un véritable parcours du combattant. Autant physiquement que psychologiquement.
 
Qui plus est, contrairement à aujourd'hui où les médicaments que je prends quotidiennement ont depuis longtemps à peu près stabilisé ces crises de convulsions - je n'en n'ai plus qu'exceptionnellement, et surtout lors de périodes de grand stress, angoisse, fatigue... ; de plus, elles ne durent pas plus de cinq minutes, et je sais les gérer -, il y vingt, trente, ou quarante ans, ces médicaments n'existaient pas. Je me souviens que, durant mon enfance et le début de mon adolescence, je prenais de la Dépakine. Surtout, ces crises de convulsions étaient alors plus graves et plus fréquentes. Lorsque j'en étais la proie, il fallait immédiatement m'emmener à l’hôpital d'urgence. A la suite de chacune de celles-ci, le coté droit de mon corps était totalement paralysé ; et ce, généralement pendant plusieurs semaines. J'étais cloué au lit, dans ma chambre d’hôpital, sous surveillance constante du professeur qui me suivait depuis ma naissance, et spécialiste de cette maladie.
 
Il va sans dire que ma scolarité en a été profondément affectée. Il y a des années de primaire ou de collège où j'ai raté les cours pendant des mois. D'autre part, les enfants de mon age, de ma classe, ou de l'école plus généralement, m'évitaient. Ils se moquaient de moi, me harcelaient régulièrement. Pour les garçons, aucun ne voulait me serrer la main pour me dire bonjour ; pour les filles, aucune ne voulait me faire la bise. Ils avaient peur de se salir s'ils me fréquentaient, s'ils me parlaient, s'ils me frôlaient. Comme si j'étais contagieux.
 
Alors, seul, je m'asseyais avec un livre. Je m'évadais de cet univers où je n'étais pas le bienvenu. Pire, pour lequel je n'étais pas adapté. A une époque où les garçons jouent au football dans la cour de récré, où ils courent, où ils se dépensent physiquement, j'étais incapable d'en faire de même. Donc, mon état de santé m'isolait. Mes périodes d'hospitalisation n’arrangeaient pas les choses. Les filles, elles, me craignaient comme un pestiféré, comme un "anormal"', comme "un monstre" qui m'avait pas sa place parmi eux ou elles. Quand j'étais chez moi, ma mère a fait tout ce qu'elle a pu pour m'apprendre à me débrouiller seul malgré les déficiences de mes membres droits.
 
Ça a été une véritable souffrance morale de devoir apprendre à s’habiller seul, à couper sa viande, à se laver, à marcher à peu près correctement, à vivre un quotidien, alors que je n'avais qu'un seul bras ou une seule jambe pour y arriver. Combien de larmes ? Combien d'épreuves ? Combien d'échecs ? Et ma mère, en permanence derrière moi à me pousser à me dépasser, à ne jamais renoncer, à toujours me bousculer pour que je ne baisse pas les bras. Que de crises !!! Que de solitudes !!! Que de désespoirs !!! Que de tristesse !!! Déjà, alors que je n'étais qu'un enfant ou qu'un adolescent.
 
Malgré tout, ma mère eu raison d'agir ainsi avec moi. Et aujourd'hui, je ne peux que la remercier de toute mon âme et de tout mon cœur, de m'avoir donné la force de vaincre ces difficultés motrices. Car, à force d'efforts inouïs, parfois d'une violence morale inimaginable pour celui ou celle qui ne l'a pas vécu, à force de persévérance et de séances de kinésithérapie trois fois par semaine durant des années, j'ai pu récupérer une fraction non négligeable de la motricité du coté droit de mon corps.
 
Certes, c'est loin d'être parfait. De toute façon, dès cette époque les spécialistes m'ont prévenu : je ne récupérerai jamais la totalité de mes capacités motrices. Néanmoins, si ce n'est le fait que ma jambe droite est moins forte, qu'elle a un centimètre de hauteur de moins, que la gauche, je suis apte à me déplacer normalement. Je fatigue plus vite. Les longs trajets de marche sont éprouvants. Les exercices physiques, certains sports, me sont souvent inaccessibles.
D'ailleurs, au fur et à mesure, j'en ai fini par éprouver une profonde répulsion quasi-épidermique pour le sport. Je me souviens que, plus jeune, et sur l'instance de ma mère qui supposait que cela ne pourrait me faire que du bien, je me suis adonné à l'escrime, au tir à l'arc plus tard.
 
Quand nous étions en vacances dans notre maison familiale du Doubs, pratiquement tous les après-midi, elle insistait pour que nous allions faire des promenades. Je ne l'en blâme pas : le Doubs, que j'aime tant, est une région magnifique. Pour autant, enfant et adolescent, je détestais cela. Je préférais mes livres, mes "petits soldats", mes dessins, etc. Et c'est souvent en larmes que je l'accompagnais, elle, ma sœur, mon petit frère, et les deux enfants de nos voisins.
 
En ce qui concerne mon bras et ma main, c'est pareil. Mon bras, je l'utilise à peu près normalement. Sauf qu'il à moins d'endurance et est moins musclé que mon bas gauche. Une compensation sans doute. Quant à ma main droite, mes doigts sont beaucoup moins agiles et adroits. Ils ne peuvent pas tenir des objets avec la dextérité que l'on pourrait attendre d'eux. De fait, souvent, je dois trouver des moyens alternatifs afin de parvenir au même résultat que n'importe qui. C'est plus long, c'est plus difficile, c'est plus éprouvant physiquement ou moralement, aussi...
 
Ainsi, par exemple, lorsque j'écris, au clavier, je n'utilise que ma main gauche. Par contre, celle-ci est beaucoup plus agile, rapide, dextre, pour rédiger mes mots. Par exemple, quand je dois couper de la viande, j'utilise ma main droite pour empoigner ma fourchette, la bloquer, et c'est avec ma main gauche que mon couteau œuvre pour découper ma viande. Ce n'est pas très pratique. Mais à force, c'est devenu usuel et aisé pour moi. Ça ne me pose pas de soucis.
 
Enfin, les médicaments ont évolué. Avec ceux que je prends depuis la fin de mon adolescence, plus de crises de convulsions longues et éprouvantes. Elles sont rares et ne durent pas plus de quelques minutes. Je n'ai plus d'hospitalisation les concernant. Bien que j'ai fait d'autres séjours à l’hôpital, mais d'autres circonstances, et pour des événements qui n'ont rien à voir avec elles. J'y reviendrai la prochaine fois...
 
A suivre, si vous le désirez...
 
Dominique Capo

 

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